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La fontaine gelée

Fontaine gelée à Vernon Pourquoi dit-on glagla quand il fait froid ? Si c’était le bruit des dents qui claquent de froid clacla serait plus juste. Peut-être parce que ça sonne comme glacé, glaçon, dans un bégaiement de frisson ?
On a l’occasion de se poser ce genre de question existentielle depuis que le gel s’est emparé du paysage. Ah ! bien sûr, c’est beau, le matin quand le jour se lève, brumeux, rosé, sur des prairies couvertes de givre, le soir quand les étoiles scintillent plus brillantes que jamais dans le ciel noir. Mais la contemplation se fait furtive, un petit coup d’oeil et hop ! vite au chaud ! avant la morsure.
Dans la journée, la métamorphose est moins spectaculaire. Il faut s’approcher de la fontaine derrière la mairie de Vernon pour remarquer la parure nouvelle qui lui pousse à côté des jets d’eau. Les glaçons d’un blanc opalescent évoquent les rondeurs satinées des oeuvres de René Lalique, telles que le merveilleux décor de verre qu’il a créé pour la chapelle Notre-Dame de Fidélité à Douvres-la-Délivrande, dans le Calvados.

Calendrier de Giverny

calendrier 2009 GivernyJoyeux Noël, chers lecteurs !
La nouvelle année approche, aussi, pour vous remercier de m’accompagner tout au long des mois, permettez-moi de vous offrir ce calendrier de Giverny que j’ai préparé à votre intention.
Il est téléchargeable en format pdf, vous n’aurez plus qu’à l’imprimer sur votre plus beau papier. Si vous en avez sous la main je vous recommande le papier photo, le résultat est bien meilleur.
Ensuite, deux agrafes en haut et un petit bout de ficelle, et votre calendrier sera prêt à accrocher au mur !
Si vous préférez acheter un calendrier de Giverny tout fait, (et économiser votre encre par la même occasion) vous en trouverez un ici, avec les mêmes photos mais plus grand.
De belles fêtes à vous tous !

La place des clichés

Gondoles à VeniseVoici à un chouïa près la vue qu’avait Monet lors de son séjour à Venise. Un concentré de clichés ! Toutes les images que l’on peut avoir en tête sur la cité des doges sont là, les gondoles, les poteaux bicolores pour les amarrer, les palais les pieds dans le Grand Canal, la coupole de l’église au loin…
C’est le paradoxe des clichés : quand ils s’appliquent à nous, ils nous paraissent stupidement réducteurs et mensongers. Mais sitôt que nous voyageons, les clichés nous ravissent. Quelle joie de découvrir que les lieux touristiques sont tels que nous les imaginions ! Car le cliché sélectionne des détails distinctifs, ces choses que l’on ne trouve pas ailleurs et qui justifient le voyage.
Autant que les clichés ces caractères distinctifs ont la vie dure, même à l’heure de la mondialisation. Alors même s’il se fait rare chez nous de croiser quelqu’un portant le béret, il y a toujours des terrasses de café en France, de la baguette et des croissants dans les boulangeries. Et à Giverny le pont japonais au-dessus de l’étang aux Nymphéas attend les visiteurs du printemps prochain et leurs appareils photos. Ils en prendront des clichés qui ne feront que renforcer l’aspect emblématique et populaire du jardin d’eau de Monet.

Pointillisme d’automne

Mauves et fleurs d'automne à GivernyL’automne est la saison où l’aspect pictural des jardins de Monet se manifeste le plus.
Les floraisons à leur apogée émiettent de petites taches de couleurs pures à la manière pointilliste.
Contrairement aux tapis colorés des tulipes, à l’opulence des roses et des pivoines, les fleurs d’automne s’épanouissent en gros bouquets qui compensent la petitesse des corolles par leur multitude.
Dans ce recoin du clos normand on reconnaît des mauves au premier plan, et puis des cosmos, des gauras, des tabacs, des phlox, des sauges…
Elles n’ont jamais autant de volume qu’à l’arrière-saison, en septembre ou en octobre, et elles offrent cette sensation délicieuse d’avancer dans une mousse de pétales vibrante de lumière.

Parlez-vous le fenêtres ?

asters et hélianthe à Giverny en automneDepuis que les couleurs ont disparu à la fin novembre, le paysage est devenu gris et morne. Heureusement, pour changer de tout ce terne que l’on voit par la fenêtre -la vraie-, la petite fenêtre virtuelle regorge de fleurs plus éclatantes les unes que les autres. Il suffit de plonger. Mmmm ! Revoilà le bleu des iris, le jaune des hélianthes, le mauve des mauves.
S’il vous prend la fantaisie de vouloir retrouver ce bain de couleurs florales chaque fois que vous ouvrez votre ordi, vous cliquez droit sur la souris. Et voilà que vos fenêtres se mettent à vous faire des propositions rocambolesques. Voulez-vous « définir en tant que papier peint du bureau » ? Pardon ? Non, je n’envisageais pas de refaire la pièce en géranium, le papier peint du bureau me va très bien comme il est.
Ah ! Les joies du fenêtres ! Quand mon système était en anglais, je pensais que cela irait mieux en français. Erreur. Le fenêtres reste à tout jamais un idiome incompréhensible dont des millions d’utilisateurs perplexes s’efforcent de décrypter le sens.
Retour aux archives photographiques. Il faut le savoir, c’est une forêt où l’on grimpe aux arbres dans le sens de la descente. Un tronc, vous glissez, de grosses branches, vous glissez, voici de petites branches, des feuilles innombrables. Sans l’ombre d’un effort vous êtes arrivé tout en haut de l’arbre tout en bas de la page, comme Alice dévalant son toboggan.
J’ai beaucoup aimé grimper aux arbres autrefois. On est si bien en équilibre sur une branche à la hauteur des oiseaux. Au terme de l’escalade à la force des bras et des jambes il y a une satisfaction intense à parvenir au sommet.
Un peu le sentiment que l’on éprouve quand on a réussi à percer un idiotisme de fenêtres et à en obtenir ce que l’on voulait…

Le Palais des Doges

Le Palais Ducal, Claude Monet 1908, The Brooklyn MuseumCent ans après, c’est un jeu prenant de chercher les motifs de Monet à Venise. Le plus facile à trouver, c’est l’incontournable palais des doges. Il n’a pas pris une ride : les monuments ont l’avantage de bien vieillir, à grands coûts de ravalements et d’échafaudages.
Pour cette vue il semble que Monet se soit placé à peu près au milieu du Grand Canal. Il peignait depuis une gondole que le gondolier tâchait de maintenir au même endroit.
On imagine l’incongruité de cet esquif immobile au milieu du trafic sur le canal. On imagine les secousses et le balancement au passage des bateaux plus importants. Il fallait toute l’habitude de la peinture depuis une barque qu’avait Monet pour parvenir à travailler dans une embarcation aussi frêle.
Monet peignait le palais ducal dès 8 heures du matin, soit trois heures plus tôt que sur la photo.
L’ombre du tableau est plus marquée, et le soleil bas donne une lumière plus chaude.
Le palais des doges, Venise Le palais se reflète-t-il aussi somptueusement dans le grand canal au petit matin ? On cherche les reflets sur la photo.
Mais c’est le même ciel orné de nuages fins qui sert d’écrin à ce bijou de lumière.

Nuage de lait

nenuphar a Giverny Quand de gros nuages blancs traversent le ciel de Giverny, les nénuphars du bassin de Monet paraissent flotter dans du lait.
Métaphoriquement ce n’est pas si faux d’ailleurs, car le lait des vaches normandes trouve bel et bien son origine dans les cumulus.
Le processus qui relie les nuages au lait crémeux et tiède s’élabore en métamorphoses successives et surprenantes.
Il faudra que toute l’eau des nuages finisse par pleuvoir, par faire pousser l’herbe que brouteront les vaches, que ces dernières digèrent l’herbe et qu’elles en fassent du lait.
Quant à ce que deviendra ce lait et comment il finira par retourner dans les nuages, je vous laisse deviner la fin de l’histoire.

Centenaire du voyage de Monet à Venise

Claude Monet, palais Dario, Venise Kunsthaus Zurich 1908-1912Voilà tout juste cent ans, Monet rentrait de Venise au terme d’une campagne de peinture de plus de deux mois. Oh, bien sûr, au départ, il n’était pas vraiment dans ses intentions de travailler pendant son séjour dans la cité des doges, ni d’y rester si longtemps. Mais quand même, Monet avait pris la précaution d’expédier quelques caisses de matériel au cas où.
Pourquoi envoyer des châssis vierges, des brosses et des tubes de peinture dans une ville comme Venise, qui n’est pas un coin perdu de campagne ou de bord de mer, mais une ville bourrée de peintres où l’on pouvait se procurer tout cela ?
La réponse qui s’impose est que Monet avait ses habitudes et qu’il n’avait pas trop envie d’en changer. Malgré cette précaution il lui a tout de même fallu se rendre chez le marchand de couleurs pour se réapprovisionner après un mois de travail, comme le rapporte sa femme Alice dans une lettre le 1er novembre 1908.
Le portrait qu’Alice nous laisse de lui à travers sa correspondance avec sa fille Germaine pendant ce voyage est éloquent sur le chapitre des habitudes.
Monet s’oblige à des horaires de travail aussi rigoureux que la vie monastique, car le peintre alterne les motifs toutes les deux heures pour en rendre l’effet de lumière.
Le plus amusant, ce sont les habitudes alimentaires : Alice prie sa fille de faire venir de Vernon de la volaille, du beurre, de la marmelade d’oranges anglaise… Toutes ces provisions sont destinées à être consommées lors du séjour qu’elle et Monet feront chez Germaine sur le chemin du retour. Mais la date de ce retour, maintes fois pressentie, se voit sans cesse reportée, si bien que le poulet vernonnais arrive à Cagnes-sur-Mer bien avant les Monet…
Pour en revenir aux toiles, le peintre avait donc préparé un certain nombre de châssis de différentes tailles, qu’il a utilisés au gré de ses besoins au cours de son séjour. Les dimensions s’échelonnent de 55 cm pour la plus petite cote à 100 cm pour la plus grande.
Le palais Dario en 2008 Monet doit faire face à la diversité des motifs de Venise, tantôt éloignés, tantôt manquant de recul, et à la contrainte d’un matériel en quantité limitée.
Le livre Monet et Venise de Philippe Piguet (éditions Herrscher) qui vient d’être réédité à l’occasion des cent ans du voyage, présente la totalité des tableaux faits pendant le séjour.
Au fil des pages on « voit » Monet piocher dans sa provision, choisir une toile plus grande ou plus petite, la placer à l’horizontale ou à la verticale…
Plus question d’habitudes cette fois, mais de cet instant qui précède l’acte de peindre. Et c’est assez émouvant d’imaginer Monet juste avant qu’il ne pose la première touche de couleur sur la toile blanche, en proie aux préoccupations qui sont celles de tous les peintres, quelles dimensions donner à l’oeuvre, quel cadrage ? Cet instant où la toile est encore vierge devant lui. L’instant d’après, dès le premier coup de pinceau, il va en faire un Monet.

Merle

MerleLes merles ne sont pas des froussards.
On pourrait le penser, avec la manie qu’ils ont de paniquer dès que vous mettez un pied dans votre jardin. Systématiquement vous êtes salué de leur sonore cri d’alarme. Tous aux abris ! Danger XXL ! s’émeuvent-ils dans leur gloussant langage. C’est un peu vexant, et vous donne une légère mauvaise conscience chaque fois que vous allez cueillir un brin de persil. Vous dérangez.
Malgré ces apparences, disais-je, les merles n’ont pas froid aux yeux, leurs beaux yeux noirs cerclés d’or. Celui-ci était perché dans le jardin de Claude Monet en plein printemps, à deux mètres d’un flot quasi ininterrompu de visiteurs. C’est pas de la pure audace ?
A voir l’air un peu narquois qu’il affiche, on serait tenté de croire que sa témérité a été soigneusement calculée. Le merle s’est posé dans l’allée des clématites, assez loin de l’autre côté de la barrière pour être hors d’atteinte des dangereux prédateurs que nous sommes, comme le canard de Pierre et le Loup au milieu de sa mare.
Tout va bien. Ne perdons pas de temps, passons aux choses sérieuses : chantons.
Mais pour cela, il faut se percher un peu plus haut, sur les arceaux de la grande allée, par exemple. Gorge rebondie, bec grand ouvert, en avant les impros ébouriffantes.
Dans le silence de la saison froide, les vocalises du merle nous manquent.
Reprise des récitals en mars, d’après les annonces dans la presse spécialisée.

La bonne taille

pommier à GivernyQuand les feuilles des arbres sont tombées commence la période de la taille. On coupe le bois mort, on élimine les branches mal placées et on raccourcit celles qui sont trop envahissantes. Le but de l’élagage est de préserver la santé de l’arbre et la sécurité de ses abords tout en lui donnant un joli port. Éventuellement de favoriser sa production de fruits.
L’anglais a plusieurs mots pour parler de taille au jardin. Celle des arbres se dit to prune. Rien à voir avec les prunes (plums) mis à part qu’on ne fait pas ce travail pour rien ni pour une poignée de cerises. Mais les pruniers adorent qu’on les taille, les cerisiers non, allez savoir pourquoi les uns boudent et gomment et pas les autres.
Un autre verbe anglais pour tailler, c’est to clip. Selon les visiteurs de Giverny qui me l’ont appris, c’est le bruit que fait le sécateur : clip ! clip ! clip ! quand vous vous attaquez à la taille de vos buis, de vos topiaires ou de votre haie de lauriers pour les sculpter selon une forme déterminée. Ce faisant, vous leur donnez la bonne taille, en hauteur cette fois.
La bonne taille est une affaire de goût, de même que la longueur des cheveux. Qu’on taille haut ou court, comme chacun sait la bonne taille est celle où les pieds touchent le sol, et si ce n’est pas vrai je veux bien être pendue.
L’apprenti jardinier hésite quelquefois à manier la scie car la taille d’une branche a quelque chose de radical et de définitif qui fait hésiter. Il me semble que c’est ce qui a inspiré l’argot « tailler », se moquer avec un tel tranchant que la victime ne trouve rien à répliquer.
Cela me paraît plausible, mais je n’en mettrais pas ma main à couper.

Dentelle de Normandie

Dentelle ancienne Notre époque n’a pas inventé le bling-bling. Il faut croire que montrer qu’on a des sous est une nécessité de la nature humaine. Bien avant les yachts et les Rolex, le 17ème et le 18ème siècle ont eu la rage de la dentelle.
C’est somptueux, la dentelle. Celle que l’on produisait autrefois en Normandie est d’une stupéfiante finesse, avec des détails si minuscules qu’il faut la loupe pour les apercevoir. Chaque pièce est un chef-d’oeuvre de dextérité et de minutie.
Si la dentelle a été un tel must, c’est parce que c’est très beau et aussi parce que c’est très cher ; son prix en faisait la valeur, si j’ose dire, la marque du statut social.
Quand on essaie d’imaginer le prix d’une pièce de dentelle sous Louis XIII ou Louis XIV, on est généralement en dessous de la réalité. Un beau mouchoir que les élégants tenaient à la main valait 700 grammes d’or : 14 000 euros ! Plus précieux qu’un bijou.
Le prix horriblement élevé vient un peu de la cherté de la matière première, des fils de lin, de coton ou de soie très très fins et de la meilleure qualité, mais surtout de la main d’oeuvre et des intermédiaires. Même sans les charges, il fallait quand même payer les dentellières, et elles y passaient du temps, les pauvres.
La fabrication de la dentelle est d’une lenteur désespérante. 15 à 25 heures pour un centimètre, paraît-il, selon la difficulté du motif. Ce qui revient à dire qu’en une journée de 7 heures on fait entre 3 et 5 millimètres.
Elles ont été des dizaines de milliers à s’y atteler, à ce patient labeur de fourmi. Des armées de dentellières levées dans les provinces, puisque la fabrication de la dentelle portée à la ville par les riches était délocalisée à la campagne, notamment en Basse-Normandie. Et tous ces yeux et tous ces doigts agiles entraînés dès l’âge de la maternelle ont produit des flots de dentelles qui sont allés orner les cols, les poignets, les mouchoirs, et jusqu’aux carrosses et aux harnachements des chevaux.
Dans la course aux signes extérieurs de futilité et de richesse, les aristocrates du Grand Siècle sont allés très loin. Ils importaient tant de dentelles de Venise qu’ils en déséquilibraient la balance du commerce extérieur. Pour que tous ces beaux capitaux profitent à la richesse du royaume, Colbert a pris des mesures radicales. Il a fondé des manufactures royales de dentelles où l’on a d’abord copié ce qui se faisait de mieux en Italie, puis créé des points nouveaux hallucinants de délicatesse.

Il nous reste de ce prestigieux savoir-faire des noms célèbres : dentelle de Bayeux, Blonde de Caen, point d’Alençon… Les villes dentellières normandes se sont réunies dans une route des dentelles qui sillonne trois départements, allant d’Alençon, Argentan et La Perrière dans l’Orne à Bayeux, Courseulles et Caen dans le Calvados, avec un crochet par Villedieu les Poëles dans la Manche.
Au fil des musées on se familiarise avec les techniques, dentelles à l’aiguille, aux fuseaux ou au filet. Et l’on reste soufflé par les jonchées de pivoines et de roses que les dentellières ont fait naître du bout de leurs doigts, et qui témoignent encore aujourd’hui de la maîtrise absolue qu’elles avaient de leur art. Celles qui savaient créer ces merveilles avaient plus de prix que les personnes qui les ont portées.

Je crois que la dentelle photographiée ci-dessus est normande, mais sans en avoir la certitude. Si vous pouvez m’aider à la localiser, un grand merci d’avance.

L’âne de Saint-Germain

L'âne de Saint-Germain, église d'ArgentanJuché à flanc de pilier, à plusieurs mètres de hauteur, un âne bâté sourit. A moitié couché, il se redresse. Il est sur point de se relever.
Impossible de ne pas le voir, comme le montre la photo agrandie. L’âne se trouve sur le premier pilier de la nef, semblant jaillir de la pierre. C’est l’une des curiosités de l’église Saint-Germain d’Argentan, dans l’Orne, une disposition originale, unique pour une statue.
La brave bête qui intrigue tant les visiteurs est en lien avec l’histoire du saint auquel l’église est consacrée. Elle rappelle l’un de ses miracles, une histoire charmante où perce même, chose rare, une pointe d’humour.
Transportons nous au 5ème siècle, en 448 ou à peu près. Germain est un homme d’une merveilleuse piété. Évêque d’Auxerre, il part évangéliser la Bretagne et convertit les foules. De là le bon saint, qui n’a pas peur des voyages, s’en va à la cour de Ravenne en Italie plaider la cause des Bretons auprès de l’impératrice Placidie. Pourquoi ? Selon les sources il demande leur grâce pour s’être révoltés, à moins qu’il ne supplie qu’on les grève moins d’impôts. Que voilà un bon saint !
Germain se déplace à pied ou à dos d’âne, par humilité. Mais c’est épuisant, un tel voyage, surtout quand on jeûne et qu’on prend de l’âge. Arrivé à destination, notre saint est à bout de force, sa monture aussi. Exténué, le brave animal s’écroule et meurt.
L’impératrice Placidie, entendant cela, veut se montrer généreuse. Elle offre un magnifique cheval à Germain pour remplacer le baudet.
C’est mal connaître le saint homme, qui bien sûr refuse le cadeau. Il n’a pas besoin d’un cheval.
Nullement embarrassé, il se tourne vers l’âne mort et lui dit, allez viens, on rentre à la maison. Là-dessus le brave âne se redresse en pleine forme, prend l’évêque sur son dos et le ramène à son auberge. C’est dans cette hôtellerie de Ravenne que Germain passe de vie à trépas une semaine plus tard. L’histoire ne dit pas si l’âne, sa mission accomplie, l’a suivi dans l’au-delà.
On voit sur la statue d’Argentan que l’âne sourit, mais en même temps il couche les oreilles. Il n’est pas franchement ravi de reprendre du service sur terre, mais il s’amuse du bon tour que sa résurrection joue à l’impératrice.
On aurait bien voulu voir sa tête, à Placidie. Elle n’a pas dû rester si placide que ça.

Le cloître du Mont-Saint-Michel

Le cloître du Mont-Saint-MichelC’est un jardin improbable, juché tout en haut d’un rocher aride. Plat comme la main, alors qu’ici tout n’est que pentes escarpées. Si loin de la terre, à quatre-vingts mètres au-dessus du sol, ce jardin plane en plein ciel, ouvert sur l’immense baie où le sable et la mer s’entremêlent.
Les bâtisseurs du Mont-Saint-Michel ont tout inventé, dès le début du 13ème siècle, à l’époque de Philippe-Auguste. Ils ont imaginé un gratte-ciel de pierres dont le cloître est le toit, un toit terrasse engazonné. C’est un tel tour de force qu’il n’a jamais été copié nulle part.
Le cloître repose sur deux étages de vastes salles, à la structure massive en bas, puis plus légère à mesure que l’on s’élève. Depuis toujours les visiteurs éblouis nomment cet empilement extraordinaire la Merveille. Le cloître en est le couronnement.
Un jardin surgit de nulle part, donc, une étonnante petite parcelle émeraude dans un univers minéral tout de gris et de bleu. Autour de ces précieux brins d’herbe, de ces buis toujours verts, la pierre évoque les féeries de la nature. De frêles colonnes supportent une délicate frise végétale. Du bout de leurs ciseaux, les sculpteurs du Moyen-âge ont fait fleurir la pierre de Caen. Tout un Éden symbolique a surgi en relief des blocs de calcaire.
Les colonnes disposées sur deux rangées, en quinconce, soutiennent la petite toiture du cloître, sous laquelle on chemine à l’abri de la pluie. On dénombre 137 colonnes, et chacun de ces chiffres, le un, le trois et le sept, est à lui seul un mystère religieux offert à la méditation.

7 jours sur 7 en 2009

Jardin de Claude Monet à GivernyL’année prochaine, à partir du 1er avril 2009, la Fondation Claude Monet sera ouverte sept jours sur sept, jusqu’au 1er novembre inclus.
C’est la grande nouvelle, cette disparition du jour de fermeture du lundi. Cela fendait le coeur de voir les malheureux touristes du lundi faire une heure de marche depuis la gare pour se casser le nez sur un musée fermé. Quelle déception !
Les jardins de Monet ouverts tous les jours, les professionnels du tourisme non plus ne s’en plaindront pas, même si on n’escompte pas des records d’affluence les lundis.
Une bonne nouvelle donc aussi pour ceux qui souhaitent visiter Giverny dans le calme : si vous le pouvez, venez plutôt un lundi ! Il faudra du temps avant que l’info ne s’ébruite, le lundi va donc rester le jour le plus creux de la semaine pendant un moment.
Comme toute règle qui se respecte, celle-ci souffre une petite exception. La fondation Monet sera ouverte absolument tous les jours pendant sept mois sauf un petit lundi, le 27 avril 2009.
Que se passe-t-il le 27 avril ? Selon une tradition immémoriale et inébranlable, les membres de l’Institut de France viennent en visite à Giverny. Rien de plus normal puisque la propriété de Monet appartient à l’Institut de France.
Jusqu’ici cet aréopage a toujours profité du lundi fermé pour bénéficier de conditions de visite optimales, c’est tout naturel. Difficile de leur imposer désormais le bain de foule.
Reste à savoir quelle va être la politique d’ouverture du musée des impressionnismes de Giverny. Va-t-il adopter lui aussi les sept jours sur sept ou non ? D’ici qu’il ouvre ses portes le 1er mai prochain, on finira bien par le savoir. Renseignez-vous avant de venir à Giverny si vous prévoyez de le visiter.

Monet, cathédrale de Rouen

Cathédrale de Rouen, effet de soleil, Claude Monet, Museum of Fine Arts, Boston C’est la série par excellence, le monument immuable qui ne change que par l’éclairage, alors que les sujets pris dans la nature sont soumis aux variations des saisons.
Monet a peint la cathédrale de Rouen avec acharnement, après les séries des meules et des peupliers. Il séjourne à Rouen deux années de suite, les hivers 1892 et 1893, et peint 28 vues du massif occidental du monument, et deux vues d’une cour sur le côté, la cour d’Albane.
Monet lutte, cauchemarde, reprend et retouche interminablement ses toiles. ll en résulte (c’est très remarquable sur les toiles du musée d’Orsay en particulier) une étrange matière épaisse, une pâte de couleurs mélangées de plusieurs milimètres d’épaisseur, comme si Monet avait voulu recréer le relief du portail en le modelant à la peinture à l’huile.

La paroisse de Rouen centre, qui s’attache à faire connaître son patrimoine exceptionnel, propose une exposition virtuelle de toutes les vues « de face » des cathédrales de Monet sur son site internet. La présentation synoptique est saisissante, et on peut agrandir pour plus de détail. Du très beau travail.
Et voici une vingt-neuvième cathédrale, une des deux « cour d’Albane », sujet de plein air peint en février. On conçoit que Monet ait préféré par la suite les vues depuis différentes fenêtres face au monument. Claude Monet, Cathédrale de Rouen, cour d'Albane

Plage d’Asnelles

Plage d'Asnelles, Calvados Des nuages mauves se pressaient dans le ciel des côtes de la Manche hier, laissant apercevoir parfois de minuscules coins de ciel bleu. « Juste de quoi faire un mouchoir à la Sainte Vierge !  » disait-on autrefois en Normandie. Selon l’importance des éclaircies, le vêtement qu’on aurait pu tailler pour la Bonne Mère dans le ciel bleu variait, le manteau étant signe de larges percées d’azur.
C’est un de ces temps incroyables dont la Normandie a le secret, lumineux sous les nuages, et qui invente des camaïeux grisés d’opale qu’il répand à n’en plus finir sur le sable et sur la mer.
Un temps de novembre un peu trop doux pour marcher sur des plages un peu trop belles, alors que se profilent à l’horizon les pontons du port artificiel d’Arromanches ; et en ce mois propice au souvenir des disparus toute cette douceur, cette beauté paisible continuent d’étonner en ces lieux qui ont connu les tragédies de juin 1944, le tourbillon de l’activité humaine et l’écho d’un fracassant déluge de fer, de feu et de sang.

Album photos

Album d'une vie, Claude Monet, par Florence Gentner, éditions du ChêneLe facteur avait une surprise l’autre matin, le superbe « Album d’une vie, Claude Monet » publié par les éditions du Chêne. Me voilà somptueusement récompensée de ma très modeste contribution à cet ouvrage.
Encore un livre sur Monet ! S’il devient difficile d’écrire quelque chose de neuf, le concept de celui-ci est très original. L’auteur, Florence Gentner, a réuni sous la forme d’un album photo un maximum de clichés de Monet, de sa famille et de ses amis. C’est un peu l’album que Monet aurait pu posséder et dont il tournerait les pages avec nous une après-midi dans sa maison de Giverny.
Les portraits sont présentés à l’ancienne avec un bord doré, ou comme si les coins étaient passés dans des fentes. La touche rétro est tempérée par des emprunts au scrap booking, l’ajout de fleurs séchées ou de rubans. Et ce que la collection de photos en noir et blanc ou sépia pourrait avoir d’austère est égayé par des croquis de Monet et quelques reproductions de tableaux. L’illusion est telle qu’on se surprend à vérifier que la page est bien lisse, et l’on est un peu déçu que ce ne soient pas de vraies photos collées à l’intérieur !
Les légendes sont composées de citations de Monet, ce qui rend le peintre présent non seulement par l’image mais aussi par les mots.
L’album se termine sur une biographie détaillée qui est la bienvenue quand la curiosité a été aiguisée par les photos.
A quelques semaines des fêtes, c’est une jolie idée de cadeau pour toutes celles et ceux qui connaissent déjà l’oeuvre de Monet et veulent aller plus loin dans leur découverte de l’artiste.

Au ban du jardin

Banc de Monet à Giverny
Le mauvais temps a banni les bancs du jardin. Les voici remisés à l’écart, au sec, en attente des jours meilleurs.

C’est l’une des premières tâches auxquelles on se livre dans les jardins de Monet à Giverny, aussitôt que les portes se referment pour l’hiver.
Il faut desceller les bancs, verser du sable dans les trous, et transporter les sièges à l’abri.
Là, ils seront bichonnés dans le courant de l’hiver, lavés, repeints, réparés si nécessaire.
Puis réinstallés pour l’ouverture du musée le 1er avril, et non plus bannis mais bénits par les premiers visiteurs.

Madame Chrysanthème

Madame Chrysanthème Estampe de Yoshitora représentant une courtisane en compagnie d’un étranger, 1861, collection Claude Monet

Monet a aimé le Japon à distance, sans jamais y aller. L’écrivain Pierre Loti, lui, a fait le voyage vers l’Extrême-Orient en 1885.
Cette année-là, son bateau séjourne six semaines à Nagasaki pour réparer des avaries. Cela laisse le temps à Loti de glâner des impressions sur ce pays lointain qui est à l’époque si à la mode en Occident.
Deux ans plus tard il publie en France un roman tiré de cette expérience japonaise, Madame Chrysanthème.
A l’époque où ses contemporains se ruent sur les bibelots japonais, les estampes, où leurs intérieurs se remplissent de meubles en pseudo bambous et leurs jardins de pont arqués, il y a certainement en eux une attente, apprendre à quoi ressemble en vrai ce Japon qui les fascine.
Madame Chrysanthème est donc un succès de librairie. Vincent van Gogh écrit à son frère Théo :

Est-ce que tu as lu Madame Chrysanthème ? Cela m’a bien donné à penser que les vrais Japonais n’ont rien sur les murs. (…) C’est donc comme cela qu’il faut regarder une japonaiserie, dans une pièce bien claire, toute nue, ouverte sur le paysage.

Mais le lecteur nippophile risquait fort d’être déçu par Madame Chrysanthème. Loti n’en fait pas mystère, il n’a pas été emballé par le Japon, et cette impression mitigée transparaît dans son roman.
Le paysage, oui, est magnifique, il y a dans la culture japonaise des aspects qu’il admire, mais les Japonais sont « laids, mesquins, grotesques ». L’exquise délicatesse japonaise lui paraît « maniérée et bébête ». Aujourd’hui encore la brutalité avec laquelle il compare les Japonaises à des chiens savants, des poupées, des singes met mal à l’aise. Où sont donc le respect et la tolérance ?
Loti se confronte à l’extrême altérité de ces habitants du bout du monde. Il sait qu’un fossé culturel le sépare d’eux. En toute honnêteté, il revendique sa subjectivité, son regard d’occidental.
Donc, nous découvrons un coin de Japon en 1885 à travers les yeux de Loti, et cette expérience de lecteur est extraordinaire. Tout ce que nous croyons savoir du Japon d’autrefois se retrouve raconté avec minutie et des mots du 19ème siècle, faisant voyager à la fois dans l’espace et dans le temps.
A titre d’exemple, voici comment Loti décrit un jardin japonais :

Le jardinet de Madame Renoncule (…) est un des sites les plus mélancoliques, sans contredit, qu’il m’ait été donné de rencontrer dans mes courses par le monde. (…)En pleine ville, encaissé entre des murs, ce parc de quatre mètres carrés, avec des petits lacs, des petites montagnes, des petits rochers ; et une teinte de vétusté verdâtre, une moisissure barbue recouvrant tout cela qui n’a jamais vu le soleil.
Cependant un incontestable sentiment de la nature a présidé à cette réduction microscopique d’un site sauvage. Les rochers sont bien posés. Les cèdres nains, pas plus hauts que des choux, étendent sur les vallées leurs branches noueuses avec des attitudes de géants fatigués par les siècles, et leur air grand arbre déroute la vue, fausse la perspective.

Loti a pris soin de relever tous les détails exotiques. Il est déçu quand l’exotisme fait défaut, comme c’est le cas à son arrivée dans le quartier occidental du port de Nagasaki. J’ai gardé pour la fin cette remarque visionnaire et désabusée :

Il viendra un temps où la terre sera bien ennuyeuse à habiter, quand on l’aura rendue pareille d’un bout à l’autre, et qu’on ne pourra même plus essayer de voyager pour se distraire un peu…


Nature morte au faisan

Nature morte au faisan, Claude Monet, huile sur toile, 62,5 cm x 76 cm, 1861, musée des Beaux-Arts de RouenDevinez qui a peint ce tableau ? Mais oui, Claude Monet. On est loin de l’univers des Nymphéas, n’est-ce pas ? Loin dans le temps : Monet n’a que vingt ans quand il peint cette « Nature morte au faisan » conservée aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Rouen.
A cette époque Monet s’intéresse beaucoup à la nature morte, un genre qu’il délaissera progressivement sans l’abandonner tout à fait.
Le tableau non daté pourrait avoir été peint au début de l’année 1861, avant que le jeune artiste ne parte sous les drapeaux en Algérie. Il est le septième du catalogue raisonné de Monet qui compte quelque 2000 toiles, et le cinquième plus ancien tableau de Monet conservé. C’est peut-être parce qu’il est signé O. Monet que Daniel Wildenstein l’estime antérieur au séjour de Monet en Algérie, puisque c’est pendant son incorporation que Monet a décidé de changer de prénom usuel.

Oscar, donc, s’est appliqué, il a fignolé sa toile, même si la touche est parfois fougueuse et que des zones non peintes apparaissent par endroit.
Le sujet n’est pas d’une grande originalité : une nature morte, un tableau de chasse. Posés sur une table dont on aperçoit le bord sculpté, un panier en osier rempli de bouteilles, un verre plein, une corne à poudre évoquant la chasse, et la dépouille d’un faisan.
La palette très courte se réduit à des tons de brun et de vert, le fond, très sombre, disparaît pour mieux faire ressortir le premier plan traité en clair-obscur.
Le jeune Monet a voulu démontrer sa maîtrise technique en représentant des textures différentes réputées difficiles à rendre. Le morceau de bravoure, ce sont les plumes du faisan, les petites plumes du cou, les plumes longues de l’aile. Et puis, le poli de la corne, la transparence du verre qui, comme les bouteilles, luit faiblement dans l’ombre, la lumière qui s’accroche aux brins d’osier, enfin le drapé du rideau de tissu vert sombre à l’arrière-plan.
Tous ces jeux de textures en font un tableau tactile. On a l’impression que non seulement on voit les objets présentés, mais qu’on pourrait presque les toucher, les sentir, y goûter.

Les premiers propriétaires de l’oeuvre restent eux aussi dans l’ombre. Wildenstein cite une énigmatique collection Bayen. Puis, en 1942, la Nature morte au faisan est exposée à Paris, galerie Daber, à l’occasion du « Petit Salon de la nature morte ».
Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Peu après le tableau est emporté en Allemagne par l’organisation nazie Otto, un service allemand effectuant des achats au marché noir en France (source Ministère de la Culture), qui l’a peut-être acheté ou peut-être saisi.
On retrouve l’oeuvre de jeunesse de Monet en Bavière, chez un particulier, en 1949. Deux ans plus tard elle est attribuée au Louvre, et l’Etat français la dépose à Rouen en 1954.
Depuis, ce tableau qui aime voir du pays a visité le Japon et les Pays-Bas, mais le plus souvent il reste sagement à Rouen, à deux pas de la cathédrale.

Delbrouck

École du centre, VernonCette partie de l’école du centre de Vernon n’est pas une merveille d’architecture, avec sa façade austère en brique sombre comme on les affectionnait au 19ème siècle. Mais les édiles qui l’on fait construire n’avaient pas cette ambition, ils voulaient une école pratique et pas trop chère.
Voilà tout de même 150 ans que le bâtiment remplit son office. Il est dû à un drôle de bonhomme, l’architecte Joseph-Louis Delbrouck.
Pendant environ dix ans, à partir de 1857, Delbrouck a été l’architecte attitré de la ville de Vernon. Avait-on besoin d’un hôpital, d’un abattoir, d’un établissement scolaire, d’un presbytère, d’un marché couvert, ou même d’une usine à gaz, on ne s’embarrassait pas à faire de longs concours d’architecture (la mode en viendra à la fin du siècle), on confiait le projet à Delbrouck, et quelques mois plus tard comme par miracle on avait les plans. C’était fonctionnel et solide.
L’école primaire que voici a donc été dessinée en 1858. A cette époque le maire de Vernon était le châtelain de Bizy, Louis-Napoléon Suchet, duc d’Albufera, un bonapartiste convaincu qui soutenait l’empereur Napoléon III.
La collaboration de cette mairie avec un Delbrouck, c’est le mariage de la carpe et du lapin. Notre architecte ne faisait pas mystère de ses idées de gauche. Tout jeune il a pris une part active aux clubs d’ouvriers. Adepte du socialisme coopératif, il déploie un tel activisme qu’il finit par faire de la prison comme détenu politique.
C’est sans doute pour se ranger des voitures, et parce qu’il n’arrive pas à percer à Paris qu’il s’installe à Vernon, d’où la capitale est à la fois éloignée mais facile d’accès.
C’est un bosseur, Delbrouck. Peut-être est-ce la qualité qui a séduit le duc. Le tandem se lance dans des projets d’envergure.
L’heure est à l’urbanisme, c’est l’époque où le baron Haussmann redessine Paris. A Vernon le maire veut bâtir un nouveau pont sur la Seine, un peu à l’écart du précédent, et ouvrir une percée à travers la ville dans le prolongement du pont.
Ce sera la rue d’Albufera. Mais la nouvelle voie passe en plein milieu de l’hôtel-dieu. Pas grave, on va le refaire ailleurs.
Voilà comment Delbrouck se retrouve chargé de concevoir l’hôpital de Vernon, sans doute son plus grand projet, avec une aile réservée aux civils et l’autre aux militaires.
Cet hôpital n’existe plus aujourd’hui, pas plus que les immeubles cossus qui ouvraient la rue d’Albufera à chaque extrémité, et où Delbrouck s’était réservé un appartement.
Mais l’école du centre, agrandie par la suite, reste un exemple de son travail qui a marqué durablement les rues de la ville et des générations de ses habitants.

Nicandra Physaloides

Nicandra PhysaloidesOn ne sait pas trop par quel bout photographier cette plante parfois haute comme un homme qui égrène ses grâces au bout de ses rameaux.
Pour illuminer son abondante verdure, le nicandra allume chaque jour d’éphémères petites fleurs mauves au coeur blanc de-ci delà parmi les feuilles. Les corolles épanouies font face au soleil pour mieux se faire admirer, non sans une pointe de vanité. Si fragiles elles se croient éternelles, avec l’insouciance de la jeunesse. Dès le soir, regardez ce qui se passe ! Leur pétiole se recourbe, leurs pétales se replient. Elles ont appris la modestie, elles baissent les yeux, la mine déconfite.
Leurs froufrous ne servaient qu’à séduire les insectes. Les voilà grosses sans le savoir.
Leur descendance mûrit sous les sépales qui enflent et gonflent comme de petits lampions. Ils dissimulent une baie bourrée à craquer de graines qui n’aiment rien tant que de se ressemer partout dans votre jardin.
Malgré sa ressemblance avec l’amour en cage, le délicieux physalis, il ne faudrait pas s’aviser de goûter aux fruits du nicandra qui cousine paraît-il avec la redoutable belladone.
C’est donc du regard que l’on goûte aux charmes de cette plante qui cache ses trésors sous le plus léger bouclier qui soit.

Choisis son camp

Mur à Montmartre, ParisJ’aime bien les pochoirs sur les murs des villes. A force d’avoir des oreilles ceux-ci méritent bien une voix, et les dessins au pochoir leur offrent ce moyen d’expression qui leur manquait.
La grande qualité graphique de ces peintures leur donne un impact incroyable. J’ai photographié ce mur à Montmartre il y a deux ans, mais il est d’une brûlante actualité.
4 novembre ! Ce soir ce n’est pas Big Brother qui nous regarde, je veux dire pas plus que d’habitude, c’est le monde entier qui a les yeux fixés sur le grand frère d’Amérique. Quelle sera la couleur du prochain président des Etats-Unis ? Les urnes vont-elles confirmer les sondages ou réserver une surprise ? De quel côté penchera la balance, celui des porteurs d’arme ou celui de la résistance à la guerre ?
Le mur a son idée. Il la chuchote en légende à l’image de Jean Moulin : choisis son camp ! Et si le conseil se répétait de mur en mur jusqu’aux isoloirs… Réponse demain.

Promenade de Vénus

Promenade de Vénus, château de Bizy, Vernon Au château de Bizy à Vernon, tout un coin du parc est dédié à Vénus.
Si l’allée aux tilleuls centenaires et les bosquets discrets qui la bordent portent le nom de la déesse de l’amour, serait-ce parce qu’il fait bon, depuis longtemps, s’y tenir par la main ?
Pour les amoureux venus déambuler sous les frondaisons, le château de Bizy, sous l’inspiration de Vénus, devient le château des bisous.

Gribouille

Fontaine de Gribouille, château de Bizy, VernonDans le parc du château de Bizy à Vernon, Gribouille trône au centre d’une fontaine. En fait, à en juger par sa couronne et son trident, il s’agirait plutôt de Neptune. Mais sa bouille enfantine l’a fait surnommer Gribouille par les enfants du château.

Pour la Comtesse de Ségur, Gribouille est un benêt qui accumule les bêtises, un vrai fardeau pour sa grande soeur raisonnable qui l’élève. Exemple fameux de ses boulettes, Gribouille se jette dans la rivière pour éviter que son habit neuf soit abîmé par la pluie.

Je me demande quelle est l’histoire de cette statue, si loin de l’habituelle représentation de Neptune en dieu barbu. Quel enfant lui a servi de modèle ? On dirait, mais c’est une interprétation toute personnelle, la transcription dans la pierre d’un bal costumé où un enfant aurait fait craquer ses parents en petit Poséïdon.
Ou encore un de ces rôles qu’on aimait prendre avant de poser pour un peintre ou un sculpteur, comme Louis XIV et toute sa famille représentés en dieux romains.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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