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Les vêtements de Monet

Jean-Pierre Hoschedé, dans l’ouvrage qu’il a consacré à son beau-père Claude Monet ce mal connu (éditions Cailler) donne une description détaillée de la façon de s’habiller du peintre. Ecrivant quarante ans après la mort du peintre, il s’est probablement appuyé sur des photos pour se rafraîchir la mémoire. Ses phrases ponctuées de jamais et de toujours sont bien un peu agaçantes par leur ton catégorique, et on pourrait trouver un contre-exemple à la plupart de ses affirmations. L’ensemble reste tout de même un témoignage de première main de la part de quelqu’un qui a très bien connu Monet dans sa maturité et sa vieillesse.

Sa tenue ne variait pour ainsi dire jamais. Coiffé d’un béret, chaussé de bottes de cuir ou de sabots. (Je précise de cuir parce que le mot botte fait maintenant penser exclusivement aux bottes de caoutchouc dont Monet n’aurait certainement pas voulu si elles eussent existé en son temps).

Ses chemises de fine baptiste, jamais de flanelle, étaient très particulières : les poignets plissés dépassaient longuement les manches de la veste recouvrant une partie des mains. La fermeture en était marquée par un jabot également plissé, ce qui lui permettait de ne jamais porter de cravate sans pour cela avoir l’air le moins du monde négligé, bien au contraire. Monet resta fidèle toute sa vie à ce genre de chemises, lesquelles semblaient faire partie de son individualité. Sans elles, ce n’aurait plus été Monet.

Pendant bien des années, il fut toujours vêtu, en hiver, de velours, en été, de grosse toile. Ses pantalons étaient pincés à la cheville, par plusieurs boutons. Il avait ainsi l’air fruste d’un campagnard. A l’aise dans ses vêtements, jamais guindé, jamais il ne suivit la mode, jamais il n’eût de veston à revers, mais toujours « à col chevalière » et le plus souvent fermé par le premier bouton.

Malgré cette simplicité, à cause d’elle peut-être, sa mise n’était pas sans une certaine coquetterie. Plus tard, rien ne changea dans sa façon de se vêtir, mais, et ce fut sans doute une conséquence de l’aisance enfin venue, il choisissait lui-même, chez un bon tailleur de Paris, ses étoffes, drap ou forte toile, toujours dans des teintes claires ou mélangées, c’est-à-dire chinées. Je ne me souviens pas avoir vu Monet avec un costume rayé.

A la campagne, il ne portait généralement pas de gilet, sauf lorsque la vieillesse fut venue. Rien qu’une chemise en été, et en hiver, par dessus elle, un gros jersey.

Monet porta toujours la barbe, une belle barbe nature que les ciseaux du coiffeur ne touchèrent jamais. Sur ses vieux jours, il ne porta plus ni le béret, ni les bottes, ni les sabots. Il adopta alors, pour l’hiver, un feutre, frère du célèbre chapeau de son ami Clemenceau et pour l’été un grand chapeau de paille, de paille souple, mais quelquefois, en excursion ou en voyage, il portait une casquette et cela à dater de la pratique de l’auto. Les bottes furent remplacées par des chaussures d’une bottier parisien – toujours le même – et faites sur mesure. Ce ne fut plus alors le paysan cossu, mais le campagnard chic quoique discret et sans aucune opulence vestimentaire. Même par les plus grands froids, même travaillant en plein air et en plein hiver, Monet ne mettait jamais ni foulard, ni cache-nez. Jamais il n’était emmitouflé, restant fidèle à son seul jersey que, souvent parles temps seulement un peu froids, ou par les soirées fraîches d’été, il jetait sur son dos, par dessus la veste, les deux manches ramenées flottantes de chaque côté de la poitrine.

Bien entendu la tenue de Monet telle que je viens de la décrire n’était pas celle de ses déplacements à Paris. Il lui fallait alors endurer, avec le complet veston à revers, la chemise de tout le monde, sans poignets ni jabot plissé, mais la chemise empesée avec manchettes à boutons, avec col rabattu (il n’en eut en aucune circonstance à col montant) et généralement une cravate Lavallière. Enfin à la place du béret, il portait un feutre mou, mais jamais le melon alors à la mode.

Lorsqu’il lui fallait ainsi s’habiller, cela n’allait pas toujours sans énervement de sa part : le col difficile à boutonner et les manchettes qui l’étaient aussi, se trouvaient souvent déchirés par lui avant que ma mère ait eu le temps de venir à son secours.


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