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La nouvelle star

La nouvelle star
Une très jolie plante à fleurs blanches en étoile a été introduite il y a peu dans les jardins de Monet. La reconnaissez-vous ? C’est de l’ail des ours, qui fleurit abondamment à l’état sauvage dans les vallées de l’Eure, et qu’on utilise de plus en plus en cuisine. (photo 01/05/19)

Forces vives

Massif jaune et blanc à GivernyDeux périscopes émergent de ce massif d’automne jaune et blanc à Giverny. Bien au-dessus des vagues formées par la verge d’or, les pétales jaunes de l’onagre luisent dans le soleil.
Si le photographe se rapproche, il verra mieux les deux petites pointes qui apparaissent juste derrière la corolle. Ce sont les boutons des fleurs qui prendront le relais dès que celle qui est épanouie sera fanée… ce qui ne tardera pas. Toutes jeunes, elles ont l’esprit farceur, et s’amusent à faire les cornes à leur aînée.
L’onagre n’est pas la seule plante à fabriquer sans fin de nouvelles fleurs qui s’empilent sur les précédentes. Dans ce massif, les cléomes blancs font de même. Au printemps, quand ils sont mis en terre, ils mesurent une taille modeste. Mais les inflorescences qui ne cessent de jaillir de leur cime leurs font gagner des centimètres. A l’automne, ils atteignent un respectable mètre cinquante.
Juste au-dessous de la couronne immaculée, les fleurs d’hier se changent en graines. Des esprits imaginatifs y voient des pattes, ce qui a valu au cléome son surnom de fleur-araignée. Pas très gracieux… Clé-home est tout de même plus invitant.
Ce massif photographié si plein de vie mi-septembre est depuis arrivé au bout de sa course. Avec la fraîcheur et les jours plus courts, les fleurs ralentissent leur croissance, comme prises d’engourdissement. Et puis un matin on dirait que la sève n’arrive plus à monter jusqu’en haut. La plante se flétrit, jaunit, brunit, et meurt. Il n’y a plus qu’à l’arracher.
Sous nos climats, la fin est écrite d’avance. Mais sous abri, combien de temps faudrait-il à un cléome ou un onagre pour comprendre qu’il faut s’arrêter maintenant ? Jusqu’où monterait-il ? Dépasserait-il les cléomes de pleine terre ? Et se croirait-il capable, comme les enfants qui grandissent et pensent que cela durera toujours, d’aller un jour toucher le ciel ?

Pâquerette

Pâquerette pomponnette à GivernyCette année les pâquerettes auront fleuri avant Pâques : le printemps est précoce et la fête tardive. Mais souvent, le début de la floraison des pâquerettes coïncide avec les fêtes pascales, et ces petits points de lumière dans les pelouses où vont tomber les oeufs en chocolat nous persuadent que cette fois, la belle saison a commencé.
Tout le monde connaît les pâquerettes spontanées, au coeur jaune entouré d’une couronne blanche, mais les pâquerettes horticoles en intriguent plus d’un. « Qu’est-ce que c’est ? » me demandent les visiteurs en pointant les petits pompons roses ou rouges qui animent les bordures du jardin de Monet. « Des pâquerettes ? » répètent-ils incrédules. Ils ont du mal à me croire, à faire coïncider leur image de la pâquerette toute plate avec cette chose bouffante et colorée.
J’anticipe cette réaction maintenant. Je précise « des pâquerettes de culture, des pomponnettes ». Ca passe mieux.
Quand même, si j’osais… une expérience me tente. Allez, le prochain qui me le demande, je lui réponds sérieuse comme une papesse « Bellis perennis », le nom botanique de la belle vivace. Je mise sur l’impact de la Science. Je parie que la dénomination passera comme une lettre à la poste, sans susciter de controverse.

Graines

Graines d'asclepiaEn fin d’été arrive la saison des graines. Les fleurs fatiguées de faire les belles pour les insectes pensent à l’avenir. Les voilà tout à coup métamorphosées en semences, équipées des dernières avancées technologiques des mutations, prêtes à s’élancer dans l’univers à la conquête de nouvelles terres.
Les graines de l’asclépia, ci-contre, s’ornent d’un énorme panache blanc pour mieux se laisser emporter par le vent. Grâce à cette houpette soyeuse, leur volume se voit considérablement multiplié, mais non leur poids. C’est juste ce qu’il faut pour jouer dans les bourrasques avant de finir par toucher le sol ailleurs, en espérant qu’il soit fertile.
Certaines plantes ont des graines si jolies, si graphiques, qu’elles constituent l’un de leurs principaux attraits. C’est le cas de la monnaie du pape, ou lunaire, une fleur de la famille des crucifères qui fleurit mauve au printemps. Elle nous est plus familière à maturité. Les graines de la monnaie du pape, plates, rondes et aux reflets argentés, lui ont valu son nom. On adorait autrefois en faire des bouquets secs, mais je crois que la mode en est un peu passée, aujourd’hui où tant de personnes sont allergiques à la poussière.
Au printemps dernier, alors que la lunaire fleurissait et que j’évoquais son avenir proche, sa gloire passée, son discrédit présent qui la rend rare dans les catalogues, et mon souhait de la cultiver pour sa beauté printanière, une de mes clientes m’a dit qu’elle en avait dans son jardin. Elle a promis de m’en envoyer des graines, la saison venue.
C’était une promesse charmante, et j’ai été touchée de cette gentille pensée. Le genre de promesses dont on sait qu’elles vont s’envoler au vent d’ici là, à peine le portail franchi. Soi-même, très vite, on n’y pense plus.
Cette semaine, j’ai reçu, intriguée, une enveloppe matelassée à l’en-tête d’une banque. Elle contenait un sachet de graines accompagné d’une jolie carte. C’était ma cliente de juin, banquière, qui m’envoyait les graines promises. Des graines de monnaie du pape, prêtes à pousser et fructifier dans mon jardin.
L’image était plaisante, mais je ne l’ai pas vue tout de suite. J’étais bien trop émue de recevoir ce cadeau. Il a ensoleillé ma journée.
Je vais semer les graines dans une bordure et en guettant leurs progrès, je sais que je penserai à la banquière qui a joué le rôle du vent. J’espère que le récit de son joli geste ici fera comme les graines de fin d’été, qu’il s’envolera pour aller pousser en terrain fertile. De mon côté j’ai décidé qu’aujourd’hui moi aussi, j’allais faire plaisir à quelqu’un, comme ça, gratuitement. Et ce n’est pas une promesse en l’air.

Iris remontant

Iris remontant, GivernyUn iris en octobre, au milieu des asters et des cosmos, c’est le spectacle insolite offert par les iris remontants.
Quand on aime les iris, difficile de résister à l’envie de les voir fleurir une deuxième fois. Les catalogues spécialisés en proposent de nombreuses variétés aux noms évocateurs : autumn echo, double click, Halloween Halo
Tous se hâtent d’ajouter que la deuxième floraison est aléatoire. Elle dépend de la latitude, de l’ensoleillement, de la richesse du sol, de l’arrosage estival, et bien entendu de l’âge du jardinier.
A Giverny, cet iris remontant est le seul que j’aie aperçu dans les jardins, non loin de la serre.
Je ne manque pas de le montrer aux visiteurs, et, cocorico ! si les noms de variétés sont souvent anglais, impératif commercial oblige, le mot technique de « remontant », lui, est passé tel quel en anglais et en allemand.
Toutefois, les anglophones préfèrent dire simplement rebloomer ou reblooming, qui a l’avantage de la clarté.

Tête de pavot

Pavot Quand le pavot est défleuri il reste très décoratif avec sa grosse tête ronde et sa petite couronne en forme de calebasse. Celui-ci revient de la corvée d’eau au marigot, il transpire à grosse goutte…
Plus tard en saison les têtes de pavots changent encore. Elles sèchent, perdent leur couleur verte pour devenir blondes. De petites ouvertures laissent échapper de minuscules graines, à la façon d’une salière. Ce sont ces petites graines grises qui sont utilisées en boulangerie pour fabriquer les pains spéciaux.

Pavot

Pavot Une petite tête aux cheveux bien peignés émerge d’un col façon fraise de François Premier, au milieu d’une envolée froufroutante : le pavot a un style à déconcerter les couturiers.
Une fois qu’il s’est extrait de son bouton, il étale sa grande corolle au soleil, bien droite ou un peu penchée en parabole de télé. Avec qui veut-il communiquer ? Ses fans sans doute, nombreux, fascinés par ses multiples toilettes crêpées. Le pavot aime le rouge vermillon bien claquant, ou alors le rose maculé de violet, mais parmi les plus petits il en existe aussi des blancs, des jaunes ou des bleu ciel du plus bel effet.
A Giverny Monet en cultivait déjà, et comme à son époque on peut apercevoir dans les massifs des Papaver orientalis mêlés à leurs cousins, des coquelicots indigènes arrivés là plus ou moins par hasard.

Couleur changeante

rosier grimpant jaune et blancCe rosier grimpant aux jolies petites fleurs simples se trouve dans le jardin d’eau de Monet, près du « lac », comme disent les enfants.
Le mélange du blanc et du jaune est d’un effet très heureux, très frais.
Ce rosier a la particularité d’avoir des fleurs qui changent de couleur.
Les boutons floraux sont jaunes, de même que la fleur quand elle vient de s’ouvrir le matin, un ravissant jaune paille entourant un coeur aux riches étamines d’or.
Mais si on revient l’après-midi, surprise ! Toutes les fleurs sont blanches !
On dirait qu’elles pâlissent au soleil, comme si la lumière les décolorait.
Avec le temps les pétales changent encore, ils se couvrent de taches roses.
Le plus étonnant est de pouvoir observer presque à vue d’oeil la transformation de la fleur.
Las ! Voyez comme en peu d’espace, elle a dessus la place ses beautés laissé choir !

Iris jaune et blanc

Iris jaune et blancC’est l’apogée des iris, leur heure de gloire, leur zénith. Dans le clos fleuri du jardin de Monet, ils sont tous plus beaux les uns que les autres, alignés le long des allées ou inaccessibles au coeur des parterres.
D’autres fleurs valent par l’effet de masse. Mais on se penche sur l’iris, on l’admire dans son individualité.
On en voit ici de couleurs inhabituelles, rose et jaune, violet presque noir, et même des rouges assez bizarres.
Ils paradent. Ils attendent les compliments. C’est un défilé de mode, toutes ces belles plantes un peu trop grandes, un peu trop sublimes, déployant des profusions de volants soyeux.
Quand l’iris défait son turban et se dénoue les cheveux, il est purement irrésistible de vitalité et de sophistication mêlées.
Et cette petite barbe suggestive, sensuelle, qui sert prosaïquement de paillasson aux bourdons.

Bouton

Iris en boutonTout comme les chenilles donneront des papillons, les boutons de fleurs finissent un jour par se transformer en corolles.
Avant d’ouvrir le coffret qui contient leur robe de satin, de soie, de velours, les iris ressemblent à des chrysalides. La métamorphose est-elle si difficile qu’il faille en pleurer une larme ? Doucement la fleur émerge de la gangue qui la tenait bien serrée.
Chaque fois que je regarde les boutons d’iris je ne peux m’empêcher de penser au turban de Simone de Beauvoir.
Pourquoi sa tête à elle sous le turban, qui pourrait évoquer des princes du désert, aussi bien ?
Peut-être parce qu’il y a chez l’iris en devenir ce même décalage entre le léger ridicule de la mise et l’admirable dissimulé sous l’apparence.
Ou peut-être parce que l’iris, nom masculin d’une fleur si féminine, si froufroutante, recèle la même ambiguïté que cette dame ambivalente et féministe, « avec un cerveau d’homme » comme disait son papa.
Toujours cette même question du genre des fleurs !

Lunaire

Monnaie du pape au printempsAussi appétissantes que des petits-pois mange-tout, les graines de la monnaie du pape sont déjà formées début mai alors que la plante fleurit toujours.
A l’automne elles seront devenues des piécettes ovales ou rondes selon l’espèce, fines et translucides comme du papier calque. Leur rondeur argentée leur a valu ce curieux nom de monnaie du pape, mais aussi celui plus joli de lunaire, par analogie avec la forme et la couleur de la lune.
Les petites fleurs légères de la lunaire forment une mousse colorée dans les massifs d’un beau violet, une association pleine de fraîcheur avec le vert du feuillage.
La fleur fait penser à celles de la giroflée, de la julienne et même du colza. Normal, elles sont toutes cousines, de la famille des Brassicacées, dont le personnage le plus notable est le chou. Mais oui, le gros chou pesant et dodu, il cousine avec ces légèretés aériennes ! D’accord, il a peut-être l’air balourd par comparaison, mais lui, au moins, il est nourrissant !

Pensées blanches et violettes

Pensées blanches et violettes Il existe tant de couleurs différentes de pensées que la tentation est grande de les collectionner. Dans les jardins de Monet elles se déclinent dans toutes les nuances de l’arc en ciel, blanches, roses, jaunes, orange, bleues, violettes, marron même, et comme si cela ne suffisait pas ces couleurs se combinent entre elles à l’infini.
Voici ces demoiselles dans leur version blanche rehaussée de violet qui met en valeur leur coeur jaune.
Quand elles fleurissent très serré comme ici et que la lumière leur fait tourner la tête du même côté, difficile de ne pas les comparer à des visages.
Elles sont au spectacle. Elles papotent avec leurs voisines, il y a encore un peu d’agitation dans les rangs. Elles attendent que la lumière s’éteigne et que les comédiens entrent en scène.

Ellébore

ElleboreIl est tombé quelques flocons de neige à Giverny aujourd’hui. Les ellébores étaient à leur affaire, les humains moins, qui grelottaient dans une atmosphère humide qui sentait l’hiver.
Admirer les ellébores du jardin de Monet est un privilège réservé aux tout premiers visiteurs de l’année. D’ici peu elles seront passées, elles se seront retirées sur la pointe des pieds pour laisser la place aux éclatantes fleurs du printemps.
Contrairement à ces dernières, l’ellébore ne joue pas les m’as-tu vue. Il faut presque se pencher pour admirer la couleur délicate de ses pétales, vieux rose ou lie de vin teintée de vert.
Modeste, elle courbe la tête vers le sol, d’un air de fixer vos chaussettes plutôt que de vous toiser de haut comme un tournesol.
L’ellébore met une hâte étonnante à fleurir bien avant l’arrivée du printemps. Si par hasard il neige un peu, elle paraît plus fragile encore, toute tendre dans la morsure du froid.
Il ne faudrait pas s’y fier. Sous ses dehors émouvants c’est une costaude qui ne risque pas de s’enrhumer. Ses belles feuilles épaisses et découpées, bien utiles pour tendre un rideau vert à l’arrière des plates-bandes, prouvent tout au long de l’année que l’ellébore déborde de vitalité.

Le printemps des fleuristes

Fleurs de printempsDes couleurs qui claquent et des parfums à faire tourner la tête : impossible d’ignorer que c’est déjà le printemps chez les fleuristes.
Les narcisses hauts sur pattes, les primevères toutes rouges de s’être hâtées de fleurir dans la serre, les jacinthes aux têtes surdimensionnées de premier de la classe prennent un bol d’air frais en compagnie des fidèles cyclamens.
Derrière la vitre des compositions plus fragiles les regardent avec envie.
Malgré la douceur printanière des derniers jours il faudra encore attendre avant de voir fleurir toutes ces belles dans les jardins. Mais que cela fait du bien de se repaître un instant de couleurs quand le ciel reste invariablement couvert et que l’hiver répand du gris partout…

Bonne année

Rose rose Quoi de plus naturel quand on s’appelle Rosemonde que de présenter ses voeux aux roses et au monde ? J’étais haute comme trois pommes quand j’ai appris ce poème de Rosemonde Gérard qui commençait par :

Bonne année à toutes les choses,
Au monde ! A la mer ! Aux forêts !
Bonne année à toutes les roses
Que l’hiver prépare en secret.

Il ne se passe pas un 1er de l’An sans que je ne me récite ces vers. Chers professeurs des écoles, choisissez bien les poèmes que vous faites apprendre aux enfants, il arrive qu’ils s’en souviennent toute leur vie !
N’est-ce pas merveilleux, cette façon de saluer la terre entière, dans ce qu’elle est et dans ce qu’elle sera, avec toutes les promesses qu’elle récèle ?
La suite est d’une grande générosité :

Bonne année à tous ceux qui m’aiment,
Et qui m’entendent ici bas,
Et bonne année aussi, quand même,
A tous ceux qui ne m’aiment pas.

Cette Rosemonde, elle méritait le prix de bonne camaraderie.

Pitié pour les fleurs

Il m'aimeLes coeurs amoureux ne sont pas toujours tendres. Les garçons transis gravent des prénoms dans l’écorce d’arbres qui ne leur ont rien fait. Les jeunes filles arrachent les pétales de marguerites qui ne peuvent se défendre.
Il est temps de donner la parole à ces malheureuses victimes que l’on torture depuis trop longtemps. Halte à la scarification des troncs ! Non à la dissection des fleurettes !
Songez, jeunes amoureux, que vous avez bien d’autres façons de laisser une trace impérissable de votre passion. Le marbre, par exemple. La publication des bans. Les registres de l’Etat-Civil.
Et vous, mesdemoiselles, plutôt que d’embêter les pâquerettes, vous pourriez le jouer à la roulette. Interroger les planètes. Lui poser la question bête.

Lotus

lotusComme le nénuphar, le lotus pousse dans les eaux tranquilles et y déploie de ravissantes corolles, blanches à coeur jaune ou rose à coeur rouge, par exemple.
Contrairement au nénuphar qui n’hésite pas à s’ouvrir au ras de la surface, le lotus préfère s’élever un peu au-dessus de l’eau.
Chez les Orientaux, le lotus est porteur d’une puissante symbolique.
Pour les hindous,

Le lotus prend racine dans la boue, qui représente la vie matérielle. L’eau que sa tige traverse symbolise le monde astral.
Quand la plante atteint la surface et qu’elle ouvre son bouton floral au soleil, elle représente l’être spirituel. Lorsque le lotus s’éveille sous les rayons du soleil matinal et qu’il ouvre ses pétales, l’interdépendence entre le lotus et le soleil est un symbole de l’amour.
Emerger de la vase et de la corruption et grandir à travers l’eau purificatrice jusqu’à atteindre la lumière du soleil, c’est la transformation métaphorique de l’être humain vers l’illumination.

Pour les bouddhistes, le symbole est encore plus fort, puisque le lotus est la fleur de Bouddha, rien de moins.

Fleurir une tombe

Fleurs sur une tombeOn fleurit les tombes à la Toussaint. Pourquoi ? C’est une question qu’on ne se pose même pas. On pourrait aussi bien, je ne sais pas, les couvrir de feuillages, de cendres, de sucre, de papier doré, allumer des bougies, y déposer des photos… Non. C’est à la grâce et à la fragilité des fleurs qu’incombe la tâche d’honorer nos morts.
En novembre le choix n’est pas immense, ce sont les variétés de fin de saison les plus résistantes qui tiennent la vedette. Les bruyères et tous les chrysanthèmes, jaunes, violets, mordorés, qui rivalisent d’énormité grâce au talent des obtenteurs.
On arrive au cimetière avec sous le bras les potées qui ont poussé fort à propos à l’entrée des supermarchés fin octobre. On se sent un peu embarrassé.
On retrouve la tombe avec une efficacité proportionnelle à la taille du cimetière et à la constance des visites. On pose le pot de fleurs devant, et puis… rien. On se concentre pour évoquer mentalement le disparu, on se sent un peu gauche. On s’en va.
C’est un peu court comme rituel. Il faudrait des gestes plus lents, moins furtifs pour se donner le temps du souvenir.
J’ai été saisie par cette sépulture couverte d’un somptueux manteau de fleurs. Je me suis sentie proche de cette personne aimante qui a patiemment détaché les têtes des fleurs pour les arranger sur la dalle funèbre de Robert Leclerc, décédé il y a seize ans. Le deuil sans doute s’est estompé, il reste le cadeau de ce temps passé à répandre des pétales au-dessus de la dernière demeure de la personne aimée, cette offrande de beauté éphémère.
Si on a choisi les fleurs, c’est peut-être parce qu’elles fanent et qu’elles symbolisent la brièveté de la vie.
C’est peut-être aussi parce que dans chaque fleur il y a fêlure, comme celle que laisse en nous le départ de ceux qui nous ont été chers.

Bouquet

FleuristeCette devanture de fleuriste en guise de bouquet virtuel pour vous, chère lectrice, cher lecteur.
Je vais prendre une pause du blog, accaparée par un mariage pas banal.
Dans l’hypothèse où mes petites notes vous manqueraient, n’hésitez pas à taper dans les conserves, les étagères sont bien garnies : 568 billets qui ne demandent qu’à être sortis du placard, il suffit de chercher à droite de l’écran la liste des archives.
Bonnes vacances à vous si vous en prenez, bon courage sinon.
Prochain billet vers la mi-novembre. Ce n’est pas le bouquet final non plus.

Fleurs

FleursLa nouvelle semble réservée aux initiés, tant la plupart des visiteurs n’en reviennent pas : les jardins de Monet à Giverny regorgent encore de fleurs en cette saison.
C’est beau, c’est somptueux, les allées se font toutes étroites entre les massifs éclatants de couleurs. Asters, rudbéckias, hélianthus, tournesols, dahlias, sauges, cosmos, capucines, phlox, daturas, sedums, et tant d’autres encore, on n’en finirait pas d’énumérer toutes les espèces de fleurs qui déclinent les couleurs de l’arc en ciel dans la douceur de l’arrière saison. L’air plus frais est plein de senteurs. Autour du bassin, les érables du Japon, le liquidambar, le hêtre pourpre, les taxodiums, les peupliers se parent de roux et d’or, faisant naître des reflets inédits entre les derniers nymphéas.
Au petit matin, si l’on est chanceux, la brume enveloppe le paysage d’un voile délicat. En fin de matinée le soleil le lève d’un coup et la gaité de ses rayons succède aux mystères vaporeux.
Encore deux semaines pour venir goûter aux charmes de Giverny…

Asclepia

AsclepiaComment s’appelle cette fleur ? demande Madame. Oh, elle porte un nom à coucher dehors…
Il exagère un peu, le visiteur des jardins de Monet dont j’ai surpris la réponse évasive. Ce n’est pas bien compliqué, Asclépia. C’est une jolie fleur d’un mètre de haut qui a des feuilles allongées rappelant la verveine, et dont les boutons floraux orange s’ouvrent en petite étoiles jaunes.
La belle vient d’Amérique et peut se cultiver en pots dans les vérandas. Il faut la rentrer en hiver, elle n’aime pas les températures inférieures à 10°.

Je fais la maligne, mais j’ai appris son nom récemment, et je me le répète chaque fois que je passe devant les asclépias, histoire de ne pas l’oublier. Et pour la joie secrète de saluer les fleurs en les appelant par leur nom. Il y a une jubilation à connaître et reconnaître, à savoir distinguer. C’est ce sentiment là qui nous pousse à apprendre même là où il n’y a pas grand chose à comprendre.

Oxalis

Oxalis D’où viennent les idées ? Qu’est-ce qui fait que d’un seul coup, on se tape le front en se disant « mais c’est bien sûr ! » ?
Au printemps dernier, des amis irlandais m’ont offert une oxalis dans un joli panier en terre cuite. Je n’en avais jamais vu de semblable et j’ai été étonnée et ravie de leur choix si original : c’est une variété à feuilles pourpres qui produit des fleurs bleu pâle ‘d’une délicatesse de songe’, comme aurait dit Clemenceau.
Comme toutes les oxalis, les feuilles se replient autour de la tige et en leur milieu, ce qui leur donne l’air de pliages habiles, à la façon des origamis japonais.
Voilà des mois que cette oxalis est sur l’appui de la fenêtre, et ce matin je viens d’avoir une illumination. Si nos amis irlandais ont été séduits par cette plante en particulier chez le fleuriste, c’est parce qu’elle devait leur rappeler le trèfle, le fameux trèfle irlandais !
Saint-Patrick qui a évangélisé l’Irlande avait l’habitude d’expliquer la sainte Trinité en montrant un trèfle. Cette feuille est devenue l’emblème national, et il est de bon ton à la Saint-Patrick d’en porter un à la boutonnière.
J’imagine que si mes amis étaient Ecossais, ils auraient privilégié des fleurs en forme de chardons, tandis que des Anglais auraient été attirés par des roses. Nous aurons sous peu l’occasion de réviser ce langage des fleurs un peu particulier, coupe du monde oblige.
En attendant, je bichonne mon oxalis, promue au rang de symbole irlandais. Il s’en trouve aussi dans le jardin de Monet, du côté de la cuisine et de l’enclos aux dindons, où j’ai pris cette photo. Elles forment un joli parterre à l’ombre. L’oxalis aime bien la fraîcheur. Cette année, elle est servie.

Rose trémière

Roses trémièresPourquoi rose ? Pourquoi trémière ? Le nom de cette grande fleur très répandue est une énigme. Il serait une déformation de rose d’outremer, expression apparue vers 1500. Est-ce à dire que la plante est d’origine américaine ? Mystère. En tout cas la voici totalement chez elle dans la plupart des coins de France, avec sa faculté de pousser n’importe où qui lui donne l’air de surgir des trottoirs.
Elle est parfaite le long des façades ou des murs, où son bon caractère de vivace la fait revenir chaque année sans embêter le jardinier. Elle pousse même l’amabilité jusqu’à se ressemer toute seule. Il n’y a plus qu’à sortir sa chaise longue et la regarder croître quasiment à vue d’oeil.
Difficile de parier sur sa couleur : la rose trémière s’hybride spontanément, on a donc la surprise du coloris, rose pâle un peu fade ou pourpre profond, en passant par toutes sortes de merveilles bicolores.
Si facile à cultiver, la rose trémière a pourtant deux défauts : elle craint le vent et la pluie qui la couchent, et quoi qu’on fasse elle a piteuse allure quand elle arrive en fin de floraison, avec ses grandes tiges déplumées qui arborent tout en haut leurs dernières corolles. Il ne faut pas hésiter à les couper, la rose trémière se dépêche alors de fabriquer une nouvelle tige et vous gratifie d’une floraison à l’automne, troquant la compagnie des marguerites et des hémérocalles pour celle des asters et des anémones du Japon.

Astilbe

AstilbeL’Astilbe ne manque pas de classe, avec ses inflorescences toutes douces qui font penser à des plumes d’autruches (des plumeaux, prétendent certains esprits chagrins que nous préférerons ignorer).
Rose, rouge ou blanche, l’astilbe orne les bords de bassins, comme ici à Giverny, car elle aime être au frais au bord de l’eau. L’exposition lui importe moins que l’humidité, on la voit réussir aussi bien à l’ombre qu’au soleil, à condition de lui éviter les ardeurs de midi.
C’est une plante de culture facile même pour les débutants en jardinage. En peu d’années le pied se développe, à tel point qu’il faut diviser les souches tous les quatre ou cinq ans. On en a alors pour prolonger la bordure ou pour donner à ses amis.

Pavot

PavotCa bourdonnait dans les pavots ce matin, au point que les fleurs en tremblaient. Dans le soleil radieux, des abeilles, des bourdons venaient à plusieurs visiter les grandes corolles, se rouler dans les étamines. A contre-jour leurs silhouettes mouvantes se dessinaient en ombres chinoises.
Le pavot a des pétales si fins et si froissés qu’on dirait du papier crépon, prêt à se transformer en jupons d’un jour pour le spectacle de fin d’année des petites classes. Roses ou rouges, tournent les robes des petites filles déguisées en fleurs…
Le pavot est l’as du pliage, il pourrait donner des cours aux aspirants parachutistes. Comme un magicien sortant des foulards de son gant, il fait jaillir de son bouton des surfaces insensées de pétales.
Les insectes ont bien fait de se dépêcher ce matin. J’ai repensé aux pavots ce soir en dépliant mon parapluie. Son tissu fin était tout froissé, on aurait dit un grand pavot rose, à l’envers.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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