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La ferme Singeot

La ferme Singeot
L’ancienne ferme des Singeot, dont la cour sert parfois de terrasse au café-restaurant Les Nymphéas.

Début mai 1883, Claude Monet et sa grande famille s’installent à Giverny. Monet a trouvé une maison à louer dans le quartier du Pressoir.

La propriété appartient à Louis Singeot et son épouse Aglaée. Le couple habite juste de l’autre côté de la rue de Haut, une maison cadastrée parcelle C 1090. Celle où logeront les Monet-Hoschedé est bâtie sur la parcelle C 1091. Les deux maisons ont été construites en même temps, vers 1880-1881. La matrice des propriétés bâties les note comme achevées la même année 1882. La maison familiale historique des Singeot, sur la même parcelle 1090, avait pignon sur la rue de Haut.

La ferme Singeot
Matrice des propriétés bâties de Giverny, compte de Louis Singeot

Qui est ce Louis Singeot, dont les biographes de Claude Monet disent qu’il s’agit d’un riche propriétaire givernois ? Il est vrai que les biens appartenant à Louis Joseph Auguste (ou Augustin) Singeot s’alignent sur cinq pages dans la matrice des propriétés non bâties. L’homme se déclare tantôt cultivateur, tantôt propriétaire, tantôt rentier. Il possède surtout des labours, mais aussi des vignes, des prés, des bois, des ‘plantations’ sans plus de précisions, au total environ 180 parcelles en général d’assez petite taille, mais cela finit par compter tout de même. Malgré tout, il faut relativiser : La commune de Giverny est divisée en plusieurs milliers de parcelles. Louis Singeot ne possède qu’une assez modeste portion du village.

La ferme Singeot
Début du compte de Louis Singeot dans la matrice cadastrale des propriétés non bâties de Giverny

Les Singeot n’ont pas d’enfant. Louis est issu d’une famille qui a perdu 4 enfants et dont il est le seul rescapé. Né en 4e position, il voit mourir son frère aîné, François, 10 ans, et son frère cadet, Alphonse, 8 ans. Louis se marie sur le tard, à 41 ans et demi (l’acte est précis !), alors qu’il habite toujours avec sa mère Sophie Radegonde dans la maison familiale. L’élue est Aglaée Saintard, une jeunette de 21 ans. Mais pas trace de naissance ultérieure à l’état-civil de Giverny.

Au moment du mariage de Louis et Aglaée en 1866, papa Singeot est décédé depuis un an. C’est donc Louis qui est le chef de famille. Il administre les biens, met sans doute aussi la main à la pâte, et acquiert patiemment des propriétés voisines avec un projet en tête : les réunir pour créer un vaste domaine où il fera bâtir une belle maison.

Que veut-il en faire ? Quinze ans plus tard, la construction simultanée des deux maisons, la sienne et celle qu’il louera bientôt à Monet, laisse à penser qu’il a l’intention de tirer un revenu de cette propriété. A moins – spéculons un peu – qu’il ne souhaite y habiter lui-même, mais en soit empêché pour l’instant par sa vieille maman, attachée à sa maison familiale et refusant de la quitter. Singeot mettrait alors en location la maison voisine, puis renoncerait à la récupérer.

En 1884, maman Singeot s’éteint. Louis hérite de tout, ce qui ne change pas grand chose en vérité. Il semble qu’il déménage à Gasny pour un temps, avant de revenir, en 1886, occuper le fauteuil de maire de Giverny, qu’il abandonne moins d’un an plus tard.

Louis et son épouse s’installent alors à Vernon, avenue de Paris, en location dans une maison qu’ils partagent avec un architecte. Le recensement de 1891 révèle qu’ils vivent sans domestique à demeure, détail surprenant. Seraient-ils moins aisés qu’il n’y paraît ?

Quand Monet leur achète finalement la maison, en 1890, (et à mon avis c’est Monet qui propose d’acheter et non Singeot qui met en vente) Louis et Aglaée réinvestissent la somme dans la construction d’une maison route d’Evreux. Après le décès de son époux, Aglaée mettra cette maison en viager pour s’assurer un revenu jusqu’à son dernier jour.


4 commentaires

  1. Encore un récit intéressant…dommage que Louis Singeot n’ait pas eu de descendance,l’histoire aurait peut-être été différente ou pas!!

    • Peut-être qu’il se voyait bien remplir sa grande maison d’enfants. Tous les espoirs étaient permis avec une si jeune épouse.

  2. Bonjour Ariane,

    mon ancêtre s’appelait lui aussi Louis Joseph Singeot : né en 1802 à Giverny, il y était viticulteur : marié 2 fois, il a eu plusieurs enfants, dont 5 au moins ont vécu.Cependant, en 1862, la petite dernière, Angelina Clémentine décède, elle a à peine 12 ans… La légende familiale parle de noyade dans l’Epte ( c’était bien avant le roman Nymphéas Noirs…)
    C’est le drame pour la famille pourtant coutumière des décès prématurés. Il est décidé de vendre et de partir pour la capitale…Question : à qui la propriété a -t-elle été vendue alors ?

    • Bonjour Anne-Marie, merci pour votre message. En 1883, j’ai compté huit foyers Singeot à Giverny dans le recensement de population, ce qui complique l’identification de vos ascendants. Il faudrait connaître l’adresse de votre Louis Joseph Singeot, et faire une enquête cadastrale. En suivant le devenir de la propriété bâtie dans les états de sections, vous allez retrouver trace de l’acquéreur et pouvez même espérer ensuite retrouver l’acte de vente. Bonnes recherches !

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Ariane.

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