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La maison de Zola

La maison de Zola

A Médan, joli village sur la Seine à l’ouest de Paris, près de Poissy, on visite la maison de campagne d’Emile Zola. L’écrivain y passait la belle saison. D’octobre à mai, il séjournait à Paris.

Zola est l’exact contemporain de Monet, puisqu’ils sont tous deux nés en 1840. L’un et l’autre ont lutté pour imposer un style nouveau, sont parvenus au succès et à l’aisance, et ont agrandi une maison bourgeoise qu’ils n’avaient pas bâtie en lui rajoutant deux ailes. Chez Zola, il s’agit plutôt de tours. La première extension est la tour carrée, dite tour Nana, construite grâce au succès du roman éponyme. La tour à pans coupés s’appelle la tour Germinal pour la même raison.
De dehors, la distinction entre les trois parties des bâtiments est très nette. De l’intérieur, on passe d’un espace à l’autre avec fluidité.

La maison de Zola

La maison initiale est minuscule, mais ils n’étaient que trois à y loger : Emile, son épouse, et sa mère madame Zola les deux premières années. Les extensions leur ont apporté plus de place et de confort : salle de musique et de billard, grande lingerie, vaste cabinet de travail, terrasse avec vue Seine… Des pièces inexistantes à Giverny.

La maison de Zola

Evidemment, je ne peux m’empêcher de comparer. Sur les partis pris de visite, d’abord : elle est guidée, avec une jauge à 26 personnes. Le rêve ! Sur les choix de l’écrivain et du peintre, ensuite, qui n’avaient ni les mêmes contraintes ou besoins ou désirs, ni les mêmes goûts. Si chez Monet on donne dans le japonisme, chez Zola règne la Belle Epoque, sous forme de vitraux magnifiques.

La maison de Zola

Le décor évoque la Renaissance, en particulier un splendide plafond à caissons, et la salamandre en mosaïque qui flamboie devant l’âtre est un clin d’oeil appuyé à François Premier. Des fleurs de lys partout, qui surprennent chez ce fervent républicain. Beaucoup de meubles ou de bibelots ont été vendus par la veuve de Zola pour survivre après le cauchemar de l’affaire Dreyfus. Mais certains sont toujours là, ornés de superbes marqueteries, témoins d’un goût pour les beaux objets.

La maison de Zola

Au mur, très peu de cadres, mais une collection d’armes exotiques, d’instruments de musique, qu’on chercherait en vain chez Monet. Seul point d’intersection, le coffre renaissant du salon-atelier de Giverny dont on aperçoit un bout sur cette photo. A vrai dire il surprend et dénote presque chez le peintre, à se demander comment il est arrivé là. Héritage ? Rescapé du château de Rottembourg ? Cadeau ? Achat inattendu ? Je n’y avais jamais réfléchi auparavant.

La maison de Zola

Dans la cuisine, une curiosité, le plafond carrelé. Comment ont-ils fait pour la pose ?
Cette pièce rappellerait la cuisine de Monet à Giverny. Moui. Un peu.

La maison de Zola

La salle de bains présente un luxe de confort, avec son beau chauffe-eau en cuivre. Zola prenait un bain chaque matin. Monet, lui, n’avait qu’un tub, tout comme Alice.

La maison de Zola

Dans la salle à manger, le décor mêle bois sombre, carreaux bleus de Delft et papier peint en cuir peint. Il fallait oser.

Dans le village, une exposition de photos anciennes montre la belle vue bucolique qui s’offrait sur la vallée de la Seine, au-delà de la ligne de chemin de fer qui bornait le bas du jardin. La maison devait être un havre de paix où écrire et se ressourcer, jusqu’à l’Affaire.

La maison de Sorolla à Madrid

La maison de Sorolla à Madrid
Musée Joaquin Sorolla, Madrid

Lors de son voyage à Madrid en 1904, Monet n’a pas rencontré le célèbre impressionniste espagnol Joaquin Sorolla, d’après ce que nous pouvons déduire de la lettre que lui envoie son meilleur ami Aureliano de Beruete. Mais Monet a été accueilli chez Beruete, il est donc entré dans un intérieur de peintre madrilène.

La maison de Sorolla à Madrid
Musée Joaquin Sorolla, Madrid

Si on ne visite pas la maison de Beruete, celle de Joaquin Sorolla est devenue un musée. Au moment de sa construction, le quartier devait être paisiblement résidentiel. Le joli bâtiment est maintenant cerné par des édifices récents, comme un témoin du Madrid d’autrefois qui résiste.

La maison de Sorolla à Madrid
Le jardin, petit havre de paix citadin, a été restauré entre 1987 et 1990. C’est un concentré de luxuriance, de fraîcheur et de style.
La maison de Sorolla à Madrid

Buis taillés, jeux d’eau, statues lui donnent un caractère formel et bien entendu hispanisant, un aspect renforcé par l’usage de carreaux de faïence décorés.

La maison de Sorolla à Madrid
Les azulejos font leur show dans l’escalier, qui ne passe pas inaperçu.
La maison de Sorolla à Madrid

La maison est un rêve de maison d’artiste : elle a conservé le mobilier, de nombreux tableaux, les objets et souvenirs, la décoration d’origine… On est chez les Sorolla.

La maison de Sorolla à Madrid
Buste de Sorolla par Mariano Benlliure Gil

L’intérieur est bourgeois et chic, parfaitement conservé, tout à fait dépaysant dans le temps et dans l’espace. Harmonie, religiosité à l’espagnole, c’est une maison pour vivre heureux, et peindre.

Chez Zadkine

Chez Zadkine
Les ateliers et le jardin de Zadkine à Paris

On vient à Giverny pour découvrir le lieu où vécut Claude Monet et qui fut sa source d’inspiration, mais les tableaux sont ailleurs. A Auvers-sur-Oise, on découvre la dernière chambre de van Gogh, d’une humilité monacale, et les paysages qu’il a représentés. Pas de toiles non plus. Le lien entre la résidence de l’artiste et l’exposition de son oeuvre fluctue selon les artistes, d’un musée à l’autre, entre le rien du tout d’Auvers et la richesse remarquable de la maison de Rodin à Meudon ou du musée Courbet à Ornans.

Chez Zadkine
La maison de Zadkine et de sa femme Valentine Prax

J’étais curieuse de découvrir l’atelier d’Ossip Zadkine, le sculpteur qui a réalisé le monument à van Gogh d’Auvers-sur-Oise. Il se trouve au 100 bis rue d’Assas à Paris, entre le Quartier latin et Montparnasse.

Comme chez Delacroix, la résidence de Zadkine est au calme, derrière la rangée d’immeubles sur rue qui dissimule et protège. Au bout de l’impasse, une maison à un seul étage, un peu anachronique au milieu des programmes immobiliers qui l’entourent. C’est tellement caché qu’on s’imagine qu’on sera seul. En fait non : c’est si petit que quinze personnes donnent une impression de foule.

Chez Zadkine

Les espaces de vie et de travail ont été transformés en salles d’exposition. On peut regretter la disparition des meubles, mais en contre -partie le visiteur est gratifié d’une magnifique présentation d’oeuvres originales abouties sculptées en taille directe par Zadkine : des bois, des pierres qui expriment la diversité de ses recherches artistiques et son sens de la matière. L’émotion jaillit devant la beauté de ces sculptures qui font figure aujourd’hui de classiques, où la figure humaine est omniprésente.

Chez Zadkine

Dans le jardin, les bronzes ont trouvé place sous les sycomores.

Le jardin de Delacroix

Le jardin de Delacroix

C’est l’un des plus jolis petits jardins dont on puisse rêver à Paris. Pour le trouver, il faut d’abord dénicher la place Furstemberg, un bonheur de petite place en plein quartier Saint-Germain, où fleurit en ce moment un grand paulownia.

(suite…)

Reflet à Majorelle

Bassin aux nymphéas, Jardin Majorelle, MarrakechIl y a même un bassin aux nymphéas ! A la fin de ma visite du jardin Majorelle à Marrakech, découvrir ce plan d’eau de la taille d’une piscine où flottent des feuilles de nénuphars encore dépourvus de fleurs me réjouit. C’est absurde, mais j’ai l’impression que le jardin m’a réservé une surprise pour me faire plaisir, comme si ma grand-mère m’avait préparé mon dessert préféré. Quelque chose de familier, et que j’aime.
Chaque visiteur fait sa propre visite d’un lieu, avec toute son histoire personnelle, ses références, ses connaissances, son vécu. Les lieux changent un peu, les visiteurs plus encore. La perception d’une scène est par essence unique. Les réflexions des visiteurs de Giverny, quand ils m’en font part au cours des visites, me passionnent.
Qu’est-ce qui m’enchante devant le bassin de Majorelle ? Le familier allié au décalé, la variance du connu, essence de la collection, notamment la collection photographique. Je retrouve les reflets d’arbres dans le bassin, mais ce sont des palmiers et non des hêtres ou des saules. L’effet, rapporté au bassin de Monet, est presque humoristique.
Que vient faire ici ce bassin aux nymphéas ? Je ne sais s’il y a une explication officielle. Je présume que Jacques Majorelle, qui tenait à donner une impression de fraîcheur à son jardin souvent caniculaire, a voulu utiliser différentes ressources des jeux d’eau, fontaines, jets, bassins.
Quand il crée son jardin de Marrakech, dans l’entre-deux guerres, celui de Monet est archi connu par le biais de ses tableaux de nymphéas. Impossible de savoir si Jacques Majorelle pense à Giverny en créant son bassin. Monet n’est pas propriétaire du concept, le nénuphar a été une fleur en vogue à la Belle-Epoque, décliné sur tous les supports par l’Art Nouveau. Et Jacques Majorelle, fils d’un des ébénistes les plus talentueux de l’école de Nancy, a engrangé le vocabulaire artistique de l’époque dès son berceau.
C’est peut-être simplement la valeur d’exotisme de la fleur qui a séduit le peintre. Le nénuphar coloré arrive d’ailleurs, et c’est ce qui lui donne sa place dans ce jardin de collectionneur où sont réunies des espèces végétales venues de tous les horizons.

Le jardin Majorelle

Le jardin Majorelle, Marrakech Le bassin de Monet à Giverny n’est pas le seul jardin de peintre qui soit célèbre. A Marrakech, le jardin conçu par le peintre Jacques Majorelle (fils de l’ébéniste art nouveau Louis Majorelle) attire 600 000 visiteurs par an.
C’est plus que Giverny, mais sur douze mois et non sur sept. Bon, c’est idiot de comparer, ce sont deux lieux uniques et magiques, envoûtants. Mais même en disant cela, je suis encore en train de comparer. Impossible de faire autrement : le parallèle entre les deux sites est assez troublant, tout en coïncidences et correspondances.
L’histoire commence presque pareil. Jacques Majorelle, peintre, tombe amoureux d’un lieu, décide de s’y installer, achète un terrain, puis l’agrandit, en fait un jardin par passion, par plaisir et pour l’inspiration, y a son logement et son atelier. A sa mort, le jardin souffre du manque d’entretien, jusqu’à ce que le mécénat le sauve et le rende célèbre.
Le plus intéressant, ce sont les différences, qui donnent une image en creux de l’autre jardin, révélant ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Différences d’abord dans la conception du jardin, et donc des perceptions du visiteur.
Si Giverny est voué au reflet, à Majorelle ce sont les jeux d’ombre et de lumière qui dominent. Profondeur des ombrages, luminosité des parties exposées au soleil : on ne sait jamais s’il faut garder les lunettes teintées ou les ôter, dans ce jardin où l’intensité de la lumière est si contrastée. Ces flashes lumineux suivis d’ombre apaisante sont une autre façon de troubler l’oeil, effet que Monet obtenait dans le jeu infini des reflets de son étang.
La forme, ensuite. A Majorelle, dès l’entrée, le promeneur se sent avalé par les bambous géants, puis il avance dans la fraîcheur d’arbres de toutes sortes, une nécessité dans un pays où la chaleur peut devenir écrasante. Le visiteur est happé vers le haut, son regard glisse le long des troncs lisses des palmiers dont la couronne se détache sur le bleu du ciel.
A Giverny, en revanche, on ne passe pas vraiment sous les arbres. On les longe. L’impression d’enveloppement est fournie par l’effet de clairière autour du bassin, et par les fleurs du clos normand, surtout quand elles deviennent géantes à la fin de l’été.
Si le climat de la Normandie est idéal pour les fleurs, celui de Marrakech, trop chaud, est plus difficile. Elles sont rares à Majorelle, et les taches colorées des bougainvillées n’en sont que plus saisissantes.
Jardin Majorelle, MarrakechCe sont les apports de couleur des éléments peints qui font vibrer les verts. Jacques Majorelle est réputé pour son bleu, dont il a orné sa maison et les pots et maçonneries de son jardin, un magnifique bleu cobalt intense découvert par lui dans les villages de l’Atlas. Il l’a complété d’un jaune vif, une association qui est un régal pour l’oeil.
Et puis, parmi toutes les émotions qui submergent le visiteur de beaux jardins, joie esthétique, surprises, émerveillement, on trouve aussi des peurs. C’est un mot un peu fort, je veux parler de ces craintes vagues et informulées dont on a à peine conscience, qui transforment le cheminement en parcours d’Alice au Pays des Merveilles, délicieux et un peu effrayant.
Pour le visiteur occidental, la luxuriance même du jardin Majorelle est aussi fascinante qu’inquiétante, avec son effet de jungle, ses plantes inconnues, bizarres, qui vivent leur vie tout autour de lui. Cachent-elles un danger ? A peine débouche-t-on « à l’air libre », devant la maison, qu’une collection de cactus assaille les perceptions. Inaccessibles, intouchables, les épines dardées transmettent pourtant, par l’oeil, une impression piquante.
D’autres craintes encore s’immiscent, celle de se perdre au milieu du dédale végétal, inquiétude liée à la profusion du jardin, que l’on n’aurait pas à Versailles, par exemple, un parc infiniment plus grand mais où l’oeil embrasse d’un coup tout l’espace. Et puis, de la désorientation induite par le jardin découle la peur de tomber, à force de regarder partout, crainte de trébucher sur un obstacle, et même de tomber dans l’eau.
Au fil de la déambulation, ces angoisses discrètes s’estompent et se dissolvent. Le visiteur s’approprie l’espace, l’inconnu devient connu, l’impression de danger devient ridicule.
Et en même temps, c’est un peu de la magie du jardin qui disparaît.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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