On entend parler des quantités de langues dans les jardins de Giverny. Pas toutes les langues de la terre, parce que les pays du Tiers Monde sont tristement absents de la fête, mais tout de même plusieurs dizaines de langues différentes, pour autant que je puisse en juger.
En quelques années, la propriété de Claude Monet s’est hissée au rang de jalon touristique français. On vient des Amériques, d’Asie, d’Océanie, de toute l’Europe et un tout petit peu d’Afrique s’émerveiller de ces beautés qui parlent à tous, les jardins.
Quand on quitte le langage des fleurs pour passer à celui des humains, les choses se compliquent. Un grand nombre de visiteurs sont francophones ou anglophones, mais pas tous. S’ils veulent une visite guidée, on passe par un interprète.
Quelquefois j’arrive à suivre ce que l’interprète dit, et c’est fascinant d’entendre mes phrases devenir les siennes, parfaitement exprimées dans une langue que je ne connais qu’un peu. Mais parfois la langue étrangère garde toute son herméticité. C’est le cas, par exemple, avec le japonais.
En général c’est le responsable du groupe qui fait aussi office d’interprète. Que transmet-il de ce que je viens de dire ? Je ne le saurai jamais. Par-ci par-là je perçois un « Monet » qui n’est pas une grosse indication. Où peut-il bien en être ? J’attends pour poursuivre qu’il se taise, signe qu’il est arrivé au bout du message.
Je suis surprise, parfois, par la longueur de ses interventions, qu’il doit compléter par des commentaires de son cru. D’autres fois c’est leur brièveté qui m’étonne. A-t-il compris mon anglais ? Juge-t-il que ce point ne mérite pas d’être traduit ? Qu’importe ! Je lâche prise, lui laissant la responsabilité de ce que ses clients entendent et comprennent. A chaque fois je suis aux anges, ravie d’être en compagnie de Japonais.
J’adore ces visites où quelqu’un d’autre établit un pont entre deux mondes, palliant mes limitations. La traduction d’un système linguistique vers un autre, qui était mon premier choix professionnel, continue de m’émerveiller : chaque mot traduit est un cadeau fait aux autres, un cadeau chargé de sens.
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le pont entre les langues est une bien jolie métaphore
je viens ici respirer le parfum des fleurs
Voilà bien un point pratique auquel je n’aurais pas forcément pensé!…Ces questions de langues me fascinent aussi [j’y ai fait récemment allusion fenetre-ovale.over-blog.c… ]
J’imagine sans peine ça doit être un peu particulier comme impression de se dire que ce que l’on raconte est ensuite à la merci de l’interprète [qui interprète ou qui traduit??!!]
Comme on dit en italien, traduttore, traditore ! (traducteur, traître ! ça n’y va pas avec le dos de la cuillère.)
Il n’y a pas de dos aux cuillères en Italie… surtout en ce moment… tout se dit, tout se montre et celui qui parle le plus haut domine le reste. Miseria….