Scène de l’Annonciation, poteau cornier du musée de Vernon. 15ème siècle
Regardez la bouche ouverte et les yeux écarquillés de Marie. Rarement les Annonciations mettent à ce point en scène le saisissement.
Qu’était en train de faire la Vierge, contre ce meuble à l’usage indéfinissable que l’on aperçoit à droite ? Était-elle occupée à son ouvrage, comme on aimait la représenter au Moyen-Âge, ou à une pieuse lecture, comme on l’imagine plus tardivement ? Ce qui est certain c’est que Marie ne s’attendait pas à une apparition surnaturelle. Et voici qu’elle entend une voix d’ange…
Le phylactère portant les paroles de l’archange Gabriel est visible au niveau de son oreille. Mais l’ange, elle ne le voit pas.
Ce n’est pas tout à fait conforme aux textes, puisque l’ange, est-il précisé, parut à Marie. Mais quelle habileté dans cette utilisation du poteau cornier ! Marie se trouve sur un côté du poteau, l’ange de l’autre. Ils ne peuvent se voir. L’angle matérialise la frontière entre l’humain et le surnaturel. Ce n’est pas une barrière. Rien qu’un angle, une question de point de vue.
Dans les représentations de l’Annonciation on retrouve très souvent un objet pour marquer cette frontière : une colonne, un vase, le bord d’un meuble… Ici l’artiste s’est servi du relief du poteau cornier.
Marie ne peut voir l’ange de l’autre côté du poteau, mais en nous plaçant face à cet angle nous pouvons embrasser d’un coup d’oeil les deux personnages. Nous avons alors un point de vue qu’on pourrait imaginer être celui de Dieu, qui voit aussi bien le rationnel que l’irrationnel. Comme si l’artiste nous donnait à voir qu’il faut dépasser ce que nos sens perçoivent pour entrer dans une dimension divine.
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