Le bonhomme hiver tournait déjà le dos quand il a plongé la main au fond de sa poche. Il y a trouvé un peu de neige. Il s'est rappelé que depuis qu'il était arrivé en décembre il avait préféré la grande lessive du ciel plutôt que le délicat blanchissage. Pris de remords, il s'est retourné vers le mois d'avril et il a lancé ses derniers flocons oubliés d'un geste auguste de semeur. Qu'on n'aille pas se plaindre en haut lieu qu'il n'a pas fait son boulot.
C'est un peu tard dans la saison, et peut-être que les cerisiers déjà en pleine floraison n'ont pas apprécié ce matin de retrouver leurs bouquets de fleurs tout empomponnés de blanc.
Mais cela nous avait manqué, cet enchantement de la blancheur, et c'était bien d'en profiter au moins une fois avant que la belle saison ne commence vraiment.
A Giverny, le buste de Monet qui orne la Prairie avait le rebord de son chapeau empli de neige. Dans les parkings, les voitures immobiles jouaient toutes à colin-maillard, un bandeau opaque posé sur le pare-brise.
Le vent a soufflé de l'ouest pendant que les flocons tombaient, les plaquant sur le panneau d'entrée du village et sur les troncs des arbres.
Les forêts avaient un habit de lumière éphémère et magnifique.
En dessous, les pentes blanchies des collines étaient un appel aux sports d'hiver ; à Vernon, les immeubles de la Zup alignés à flanc de coteau évoquaient, avec un peu d'imagination, leurs cousins des stations de ski. Bienvenue à Vernon 2000 !
Mais ce n'est pas demain que les fondus de glisse verront un remonte-pente au-dessus de chez Monet. A midi, tout avait déjà disparu.
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