La catastrophe de Duisbourg vient de douloureusement remettre en lumière l’ambivalence humaine face à la foule. Qui saurait résister à l’attraction qu’exerce un rassemblement de plusieurs centaines de milliers de personnes ? Si tant de gens se pressent là, c’est qu’il s’y passe quelque chose de bon pour moi ! raisonne obscurément un coin reculé de notre cerveau.
Il y a une espèce de joie animale, grégaire, à se frotter à nos congénères agglutinés, qu’on retrouve dans la chanson de Piaf.
Les chroniqueurs du 19e siècle qui décrivent l’affluence au Salon emploient cette expression : « on se portait », image d’une foule si dense que les pieds ne touchent plus le sol. Zola a des accents semblables pour raconter les grandes ventes du blanc dans Au bonheur des dames.
Et en même temps, qui n’a jamais éprouvé une angoisse soudaine en réalisant que sa liberté de mouvement se trouvait entravée par la présence physique des autres, que ce soit dans les bouchons ou au milieu d’un attroupement ? L’angoisse de l’étouffement peut pousser à faire n’importe quoi d’irrationnel, juste pour sortir de là.
La même ambivalence s’exerce parmi les visiteurs de Giverny. Ils veulent à tout prix venir, parce que tout le monde leur a dit que c’était bien, parce que c’est si célèbre, un truc qu’il faut avoir vu. Et à peine sont-ils là, qu’ils s’aperçoivent que pas mal d’autres personnes ont eu la même idée.
Leurs sentiments sont alors très mêlés. La présence des autres est une sorte de gage qu’ils ont bien fait de venir, mais en même temps ils souhaiteraient jouir du lieu en solitaire. Si l’affluence est trop grande, s’exprime de la déception, une forte frustration qui va parfois jusqu’à la colère.
Et vous, aimez-vous les bains de foule ? Les aimiez-vous à vingt ans ?
J’ai passé un week-end de grande inquiétude, sans nouvelles de mon fils qui séjourne à Duisbourg cet été. Heureusement, il n’est resté que cinq minutes à la Love Parade, parce que, Dieu soit loué, il n’aime pas beaucoup la musique techno.
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Ouf ! en effet, quelle angoisse çà a dû être … je fuis la foule du plus loin que je la vois, depuis toujours. J’ai même raté des choses intéressantes à cause de cette phobie, mais elle a pu m’éviter aussi des désagréments.
Bonjour Ariane
Toujours ce sens aigu de l’à-propos, de l’adéquation parfaite entre l’image et le texte. Avez-vous trouvé l’image qui illustrait le propos que vous aviez envie de tenir ou bien est-ce l’image qui vous a inspiré votre texte ? Ces feuilles sèches de bambous (ou de saule ?), en vrac, coincées dans le goulet formé par les deux nymphéas…
Quant à moi, je dois être, comme mon prénom, un vieux loup solitaire, qui fuit ses congénères autant que faire se peut. L’expo à venir, au Grand Palais, consacrée à Monet, me rend malade. Je ne peux pas la rater, mais rien que d’imaginer la foule dans les salles…
Brassens : plus de quatre…
Content pour vous qu’à l’angoisse ait pu succéder la joie
Jean-Loup
Contente de voir que la métaphore ne vous a pas échappé ! Souvent je pars de la photo, mais là bien sûr c’était l’inverse. J’aurais pu choisir une photo de foule à Giverny, mais j’ai trouvé cette image plus jolie et plus évocatrice. C’est ma façon de rendre hommage à tous ces jeunes gens qui ont trouvé la mort. Le nymphéa, à la frontière entre l’ici-bas et l’au-delà, entre la terre, l’eau et l’image du ciel, m’évoque l’idée de passage d’un monde à l’autre.
Pour l’expo Monet, allez-y à l’ouverture. Il faut du temps pour remplir les salles. C’est ce que j’ai fait pour l’expo Renoir, et ça valait la peine de se lever de bonne heure.