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Onagre

Fleur d'onagre« Tout jardin est d’abord un massif de vocabulaire à déchiffrer« .
C’est Christian Limousin, auteur d’essais sur Mirbeau, un grand ami de Monet, qui souligne « les complicités évidentes entre l’univers des mots et celui des jardins. » Je n’irai pas dire le contraire.
Si Monet voyait le jardin en peintre, comme un paysage dont il commandait les couleurs, si d’autres se passionnent pour la géométrie du monde floral, si pour le jardinier les plantes sont avant tout des êtres vivants qui ont faim, qui ont soif, chaud, froid, qui naissent, grandissent, se reproduisent et meurent, c’est aussi par leurs noms que les fleurs exercent sur beaucoup d’humains une joyeuse fascination.
Voyez l’onagre, par exemple. Vous pensiez que cette bête-là était une espèce d’âne sauvage galopant librement dans les steppes de Mongolie ? Ou, si vous êtes versé dans l’histoire des armes, que c’était un genre de catapulte utilisé par les Romains ? Ce n’est pas faux. Mais l’onagre est aussi une fleur jaune qui pousse sur les talus caillouteux et que l’on peut inviter dans son jardin.
L’onagre a une floraison brève, mais renouvelée tout au long de l’été. Sa fleur s’ouvre en une minute, fait la belle le temps d’une soirée, et finit par pendre telle un petit mouchoir jaune égaré dans la nature. Elle est jolie quand même dans cet abandon, si bien qu’on peut en voir dans plusieurs massifs du jardin de Monet.
Les anglophones la nomment evening primrose, primevère du soir, et aussi suncup ou sundrop, tasse ou goutte de soleil, une jolie façon de rendre hommage à sa couleur éclatante. En allemand, c’est une Nachtkerzen, une bougie de la nuit.
Au Québec, selon un site sur la flore laurentienne, « les sables littoraux du bas Saint-Laurent et du golfe présentent souvent au coucher du soleil un admirable spectacle, au moment où les onagres, ces hiboux des fleurs, déploient leurs grands pétales d’or, et constellent la dune d’innombrables croix de Malte immobiles au bout des tiges purpurines.« 
Des ânes, et maintenant des hiboux ! Difficile à première vue de comprendre le lien entre les différents sens du mot onagre.
Le nom botanique de l’onagre est l’oenothera, construit sur la même racine grecque que l’oenologie, la science du vin : de quoi y perdre encore un peu plus son latin.
Quelques pistes qui valent ce qu’elles valent : tout dérive d’onagre, l’âne. La catapulte imite son coup de pied, sa ruade. La plante, et en particulier ses racines, serait mangée par les ânes, selon les uns. D’autres y voient des feuilles dont la forme rappelle les célèbres oreilles de ces charmants quadrupèdes.
Et peut-être bien que l’onagre, la plante, servait autrefois à parfumer le vin. Les Grecs ne renâclaient pas à des expériences originales.


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Ariane.

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