Cimetière allemand de Champigny-la Futelaye, Normandie, Eure.
On célèbre un peu partout le souvenir de la Libération ces jours-ci. A Vernon, c’était hier. Les drapeaux sur les monuments, les plaques pavoisées et fleuries des hommes tombés dans les rues, accessoirement le bouchon consécutif au rassemblement des anciens combattants et des officiels devant le mémorial à l’entrée du pont sur la Seine, tout cela rappelait à chacun la date historique.
Saisis au milieu de leurs occupations, en train d’aller quelque part, les citoyens que nous sommes ont eu ainsi l’occasion de penser pendant quelques instants à ceux dont la vie s’est arrêtée trop tôt, pour que nous puissions vivre libres et en paix.
Le souvenir de la Libération est encore très vif en Normandie, et ce d’autant plus que l’on se rapproche des plages du Débarquement. C’est plus qu’une page d’histoire, c’est devenu une part de la culture normande. Partout, des stèles, des musées, des chars. Et des cimetières.
Le cimetière américain de Colleville-sur-Mer est le plus connu, et certainement l’un des endroits les plus visités de Normandie. Émouvant et grandiose comme un Requiem, il est installé sur les lieux mêmes du combat, Omaha-la-sanglante… Plus de 9000 croix blanches s’alignent dans cet immense jardin du souvenir, admirablement entretenu par les Américains.
J’ai déjà eu l’occasion de parler de l’excellent centre d’interprétation, et du symbolisme omniprésent dans le cimetière. L’hommage vibre partout, dans une sorte de glorification post mortem des soldats morts au champ d’honneur.
C’était étrange, avec ces souvenirs de Colleville en tête, de visiter aujourd’hui le cimetière allemand de Champigny-la Futelaye, où reposent 19709 soldats de la Wehrmacht.
Peut-être connaissez-vous celui de la Cambe, dans le Calvados, le plus grand de France avec ses 21 000 tombes allemandes, qui reçoit 800 000 visiteurs par an. Champigny-la-Futelaye est presque aussi grand, mais infiniment moins connu.
Je viens de découvrir avec stupéfaction son existence dans le département de l’Eure, à une petite heure de route de Giverny. Il se trouve en rase campagne à cinq kilomètres de Saint-André-de-l’Eure.
Tout paraît sobre ici. Du recueillement sans mise en scène. Une pierre tombale, croix de pierre basse, pour quatre hommes. Pas de mausolée gigantesque, juste une salle de prière dépouillée, minérale, et des stèles portant le nom des communes où ont eu lieu les affrontements les plus meurtriers.
Le parking est entièrement vide. Je suis seule avec les vingt mille morts.
Je lis leurs prénoms, si souvent les mêmes, Whilhelm, Otto, Werner, Kurt, Karl, Fritz, Georg, Heinz, Heinrich, Berthold, Horst, Ernst, Anton, Friedrich… Ils sont presque tous nés dans les années vingt.
Beaucoup sont tombés en août 44, une véritable hécatombe. Je calcule leur âge. Celui-ci était à quatre jours de son anniversaire, il aurait eu 19 ans.
De temps en temps, une tombe marquée « ein deutscher Soldat », un soldat allemand, non identifié.
Il règne ici, me semble-t-il, une impression d’accablement. Est-ce celui du sacrifice inutile, la mort dans la défaite ?
L’association qui entretient le cimetière le fait pour oeuvrer pour la paix. Elle atteint son but : peu de lieux de mémoire font haïr la guerre aussi bien que celui-ci.
Je suis repartie indignée par la désinformation qui règne autour de ce cimetière allemand. Comment se fait-il qu’il soit si mal connu ? Dans mon édition, le guide Gallimard de l’Eure, par exemple, n’en souffle mot.
Il ne fait pas bon être à l’écart des circuits touristiques.
Il ne fait pas bon être l’ennemi d’hier.
Même si, pour les familles en deuil, la douleur est toujours la même.
Et bien j’ignorais complètement l’existence de ce cimetière ! tu as raison de parler de désinformation. Tous les cimetières de ce genre font mal, quelque soit le camp, boucherie inutile de tant de jeunes hommes. Je ne manquerai pas de m’y arrêter si je passe par là.
Je le connais pour habiter à seulement quelques kilomètres d’ici. Mais c’est par hasard que je l’ai visité car il est hélas très mal indiqué.
J’en garde un souvenir touchant…
Merci pour cet article.
Effectivement, ce cimetière est très mal référencé sur le web également. Il apparaît lors d’une recherche très basique sur Wikipedia (mais pas d’article développé, avis aux amateurs qui auraient envie d’écrire un petit article), et rien sur le site Normandie44, alors que d’autres sites, moins importants, y figurent. Pourtant, je ne pense pas qu’il s’agisse d’ostracisme ou d’ignorance (La Cambe est assez connu et visité). Plutôt une forme de négligence, regrettable mais désormais en passe d’être réparée grâce à votre article. Avez-vous mis un mail au Conseil général? Il y a certainement un documentaliste-archiviste ou un historien qui peut remédier à ce défaut.
Merci pour votre blog. Je suis allée jeudi dernier visiter l’expo des impressionnistes et je peux encore en profiter grâce à vos articles.
Sylvie, Merci pour votre message. Ce n’est pas seulement le grand silence du web qui me choque, mais plus généralement des instances du tourisme. Je viens de faire une recherche sur le site du conseil général, pas un mot sur ce cimetière, et sur le site eure-tourisme, c’est pire, Champigny n’est même pas sur la carte. La thématique Seconde guerre mondiale n’inspire pas les promoteurs des ressources touristiques euroises. J’en suis scandalisée, en raison du devoir de mémoire, et de la non-exploitation d’un site qui me paraît d’un intérêt majeur.
Bonjour Ariane.
Tombé par hasard sur cet article, je tiens à vous remercier pour celui ci. Je suis un passionné des 3 conflits franco-allemands et de tout ce qui touche aux systèmes fortifiés modernes (Maginot, Seré de Rivières, Atlantikwall, Südwall etc). Tout comme vous je ne cesse de m’étonner et de m’indigner du manque d’informations de mémoire dans l’Eure et ses alentours à propos de ces heures tragiques. Le cimetière de Champigny en est l’exemple le plus concret. référencé uniquement dans les ouvrages spécialisés, il semble ignoré depuis toujours des politiques de développement du tourisme haut-normand. Un néophyte a plus de chance d’être renseigné ou de découvrir ce site en foulant les sites touristiques bas-normand, c’est dire. Et pourtant il y a de quoi dire sur ce site qui devrait être un pôle d’attraction du tourisme dans l’Eure. Malheureusement et à l’instar de nombreux sites français, les plages du débarquement qui ont toujours été le moteur du tourisme bas-normand occultent la présence de lieux tout aussi intéressants. Il y a de la place pour tous, mais les mémoires sont sélectives tout comme les politiques touristiques. Champigny paie à la fois son éloignement des autres sites majeurs de la bataille de Normandie et cette politique euroise (les circuits de la bataille s’arrêtent à l’Aigle (61)). Voila pour le petit coup de gueule.
Si je peux me permettre j’apporterais un petit complément à cet article bien utile.:
Il s’agit du cimetière contenant les sépultures des soldats allemands tombés lors du "Kessel de Falaise" et lors de "la Poursuite". Après les combats de la poche de Falaise, les débris de l’armée allemande et les troupes échappées de la Poche tentent de gagner la Seine afin de se rétablir sur une coupure. C’est la phase la moins traitée, la moins connue et pourtant pas la moins documentée de la bataille de Normandie. Au cours de ces combats (Vallée de la Risle, de l’Eure, de l’Iton et de la Seine, les allemands essuient de lourdes pertes. Les hommes sont inhumés dans des nécropoles provisoires. C’est le service des sépultures américaines qui enterre des allemands et des GI à Champigny. Après la libération, Champigny devient un des sites de regroupement des sépultures allemandes isolées ou de cimetières provisoires tandis que les corps américains sont déplacés à Colleville sur Mer et Saint James. C’est le deuxième cimetière allemand normand après la Cambe (14) par le nombre de tombes. Environ 19000 corps y repose auxquels s’ajoutent les ossements de 800 soldats. Le nombre évoluait régulièrement encore récemment du fait du nombre réguliers de corps retrouvés dans des terrains privés, principalement dans la région de Chambois-Trun (61). Les corps découverts récemment sont à ma connaissance désormais enterrés à la Cambe.
J’en profite pour vous glisser le lien vers mon blog: eure18701945.canalblog.co…
Comme j’ai pu le dire, je suis passionné et me désole du manque de savoir et de mémoire sur cette période dans l’Eure; j’essaye humblement au travers de ce blog de combler, un peu, ce manque. Manquant malheureusement de temps, ce blog bien qu’ambitieux avance à vitesse réduite. Mais il ne s’agit pas de publier beaucoup et travestir l’histoire mais bien de tenter de la restituer telle quelle.
bien amicalement,
Enguerran.
Enguerran, un grand merci pour ce complément d’information qui ne manquera pas d’intéresser d’autres passionnés. Je suis entièrement d’accord avec vous sur l’incompréhensible ostracisme qui frappe ce cimetière. Je viens de le découvrir presque par hasard alors que j’habite l’Eure depuis vingt ans, que je m’intéresse beaucoup à son patrimoine. Ce n’est pas normal.
SAVEZ VOUS QUE LE MARI de TRAUDL JUNG, QUI ETAIT HANS JUNGE – UNTERSTURMFUHRER – REPOSE DANS CE CIMETIERE . IL A ETE TUE EN NORMANDIE;
TRAUDL JUNGE ETAIT LA PLUS JEUNE SECRETAIRE DE HITLER , RESTEE DANS LA BUNKER JUsqu’AUX DERNIERS INSTANTS;
ELEES EST DECEDEE EN 2003 A MUNICH.
ELLE NE S’ETAIT JAMAIS REMARIE
Bonjour
Je suis tombė par hasard sur ce forum et demain je vais sur la tombe de Hand Hermann Junge que savez vous de lui?
Marc
Merci pour votre article,
Ce cimetière, chargé d'histoire, manque de visibilité sur le Web !
Bonjour, et merci pour cet article.
On l’appelle aussi le cimetière de Champigny-St-André. Est enterré dans ce cimetière Block 7 Reihe 3 Grab 237 Kurt Maier, soldat allemand abattu par la résistante Madeleine Riffaud à Paris le 23 juillet 1944.
J’en discutais encore avec elle ce samedi 25 avril 2020. J’écris d’ailleurs un roman historique à partir de cette histoire.
mon site avec nos livres http://www.l-oree.org
Bien à vous tous
Michel Boixière
Quelle émotion cela doit être. Tous mes voeux de succès à votre ouvrage.
C’est par le registre des inhumations du cimetière parisien d’Ivry que je découvre l’existence de ce cimetière: tous les corps de militaires allemands inhumés à Ivry, décédés par exemple en 1943 (pages que je consultais), y ont été transférés en mars 1949.
J’ai visité ce cimetière un jour de brouillard, seul. J’ai arpenté toutes les allées. Des jeunes filles aussi y sont inhumées, des médecins, beaucoup de jeunes gens, des gradés aussi, un véritable voyage au pays de la mort. Une expérience terrifiante, j’ai eu l’impression de marcher sur un gigantesque champ de bataille. C’est là que j’ai pris conscience du destin tragique de l’humanité, toujours et éternellement en guerre ou sur le point de l’être.
Merci pour votre témoignage, en résonance avec l’actualité, hélas.