De la maison de ville de Pierre Corneille, en plein coeur de Rouen, à sa maison des champs de Petit-Couronne, il y a huit kilomètres, une distance qui se parcourt en dix minutes quand la circulation est fluide.
Combien de temps mettait Corneille à rejoindre sa campagne, et dans quel équipage s’y rendait-il, avec sa nuée d’enfants ? C’était sans doute une expédition, qu’on n’entreprenait pas tous les week-ends.
Sur place, dans cette maison aux dimensions modestes – deux pièces en bas, trois pièces en haut – l’imagination hésite encore. Où dormait tout ce monde ? Thomas, l’inséparable petit frère de dix-neuf ans plus jeune que Pierre, était-il aussi de la partie, comme le suggère une gravure accrochée au mur ?
La maison récemment restaurée a un air si pimpant qu’il est difficile de s’imaginer quels sont les éléments d’origine. Les meubles, d’époque, ont tous été rapportés. Mais même si l’authenticité est absente, l’esprit des lieux est bien là et vaut la peine d’être ressenti.
Dans le jardin, plus petit qu’autrefois, beaucoup de fleurs et de légumes résistent encore vaillamment à la fraîcheur de l’automne. Il n’a pas gelé ici. L’orange des capucines vibre. Sur le gazon, les pétales de roses se mêlent aux feuilles rougies du cerisier.
Entièrement recréé il y a une quinzaine d’années, le potager obéit au même principe de restitution que l’ameublement de la maison. Seuls les végétaux qui étaient déjà cultivés au 17e siècle y ont droit de cité. Exit les tomates, on récolte ici des cives, des panais, du poireau perpétuel et des carottes blanches, du chou, des herbes aromatiques, des pommes, des cerises, des noix…
Les plates-bandes impeccables s’alignent à côté du four à pain, et ce voisinage entre les futurs légumes du potage et les miches odorantes qui pourraient sortir du four met l’eau à la bouche.
La maison des champs de Pierre Corneille est une enclave de vie rurale calme et lente, une petite bulle de nature et de 17e siècle tout à la fois.
Corneille devait y puiser l’harmonie de ses vers. C’est un endroit où plonger ses racines.
Racine… j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
A visiter un jour. Je ne sais pas grand-chose de la vie de Pierre Corneille, ni côté ville, ni côté campagne. Mais je le situe mieux maintenant, grâce à ce billet très vert.
C’est surtout son frère Thomas qui m’intrigue. Pourquoi a-t-il sombré dans les oubliettes, alors qu’il a eu un tel succès de son vivant ? J’ai lu quelques pages de son Ariane, et il y dit des choses très modernes, me semble-t-il. D’où vient la dictature du goût ? Qui impose ce qu’il faut garder et ce qu’il faut jeter ? Tant de questions mystérieuses…
Un très grand merci pour votre blog magnifique.
" Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années." Le Cid, Corneille.
J’aime beaucoup ce jardin en photo, notamment les arbres en espaliers.
Les persistants seront bientôt les seuls à en défendre vaillamment la structure géométrique et ordonnée.
Camille : Merci à vous ! Il savait parler aux jeunes, ce Corneille…
Yann : on en revient toujours à l’aspect graphique de la nature, n’est-ce pas ?