Le sens de certaines expressions ne coule pas de source, surtout quand on les découvre dans une langue étrangère. En allemand, avoir bâti près de l’eau, c’est avoir la larme facile, pleurer pour un oui ou pour un non. (nah am Wasser gebaut haben)
Parfois, le sens est plus transparent, comme l’image de l’eau qui coule pour marquer la fuite du temps. Mais les métaphores lexicalisées ne se transposent pas toujours telles quelles d’une langue à l’autre. Le jour où je me suis risquée à traduire mot pour mot « de l’eau a coulé sous les ponts », mon interlocuteur germanique m’a dit que j’étais très poétique. Alors qu’en anglais, l’expression existe : « a lot of water has passed under the bridge ».
J’ai un faible pour les gens qui ont bâti près de l’eau, qui se laissent aller à l’émotion. Pourquoi voyage-t-on, si ce n’est pour vivre des émotions ?
Ma cliente arrivait non pas d’Allemagne mais des Etats-Unis, en compagnie de deux jolies adolescentes. Elle a pleuré en mettant le pied sur le pont japonais, quand elle a découvert le paysage d’eau créé par Claude Monet.
« Je n’arrive pas à croire que je suis là ! Ca fait trente ans que j’en rêve ! »
C’était à coup sûr le symptôme d’une Linnea-ite aiguë. Diagnostic vite confirmé : en effet, la dame et ses filles avaient lu et relu le fameux petit livre qui a su faire rêver tant d’enfants et leurs parents d’un voyage à Giverny.
Pour cette quadragénaire, de l’eau avait coulé sous les ponts depuis son enfance, mais le rêve était resté là, intact. Au point que l’eau du bassin aux nymphéas lui a fait monter les larmes.
Vernon, le vieux moulin sur la Seine
Magnifique histoire… d’eau.
Livre que j’ai souvent offert, l’anecdote est touchante.
Et ce qui me ravit, moi, c’est la photo de ce vieux moulin à colombages, que j’ai manqué le jour où j’ai visité Vernon.
On ne peut pas être plus près de l’eau que ça…