La lettre de Monet à son fils Jean à propos des engrais était suivie d’un post-scriptum destiné à l’épouse de Jean, Blanche Hoschedé-Monet :
PS. Maintenant c’est à ma petite Blanche que je fais appel, si elle veut bien aller chez un jardinier de la rue Verte qui s’appelle, je crois, Marie lui demander s’il a encore de la fameuse petite capucine vivace comme celle que l’on met tous les ans le long de la grille.
C’est chez lui que j’en avais eu un pot dans le temps, et cet étourdi de Florimond me les a laissé perdre ou à peu près. Bref, si elle peut en trouver chez ledit Marie, que ce dernier m’en adresse de suite deux pots par grande vitesse en gare de Vernon. Merci d’avance et un bon baiser d’avance aussi. Cl. M.
Blanche, fille d’Alice Hoschedé, l’épouse de Claude Monet, est toute dévouée à son beau-père, et cela ne fait nul doute qu’elle va se faire un devoir de courir Rouen pour trouver la fleur désirée.
La capucine tubéreuse est vivace si on veut, ou plutôt si l’hiver est très doux, car sous nos climats il est recommandé de la rentrer, un peu comme les dahlias. Elle ne résiste pas à un gel de -5°, et j’imagine que c’est ce qui a dû se passer. Monet, en février, vient de s’apercevoir que son jardinier a omis de rentrer les tubercules, et il craint fort qu’ils ne repartent pas au printemps. Au passage, je n’aurais pas voulu être à la place de Florimond, il a dû passer un quart d’heure très désagréable. Il est certain que Blanche comme Jean savent lire entre les lignes « cet étourdi de Florimond », qu’ils connaissent les sautes d’humeur de Monet, et que Blanche a à coeur d’arrondir les angles.
Tout porte à croire que Blanche a réussi sa mission payée d’avance d’un baiser, et que les capucines ont réintégré leur place le long de la grille, mais aussi sur les trépieds installés dans la roseraie devant la maison. Quelques années plus tard, c’est l’endroit que choisit Monet pour poser pour le photographe, ce qui donne ce cadrage étonnant où les feuilles de capucines tubéreuses au premier plan sont plus nettes que le visage du peintre.
C’est sur ces mêmes trépieds qu’elles fleurissent encore en été. J’ai pris la photo ci-dessus à la mi-juillet.
Pour les amateurs de curiosités, il paraît que la capucine tubéreuse se multiplie généreusement comme les pommes-de-terre, et que ses tubercules se dégustent bouillis ou poêlés. Crus, ils ont un goût de raifort, cuits, ils rappellent l’asperge. Si vous êtes curieux d’essayer, il ne vous reste plus qu’à en cultiver, car on ne peut pas dire qu’ils inondent les marchés. Peut-être qu’on en trouve encore à Rouen, dans la rue Verte ?
Je savais que l’on pouvait consommer les feuilles et les fleurs en salade,mais pas les tubercules…peut-être d’une autre variété.
J’aime beaucoup lire les extraits "amusants" des lettres de Claude Monet….
Oui, j’ai goûté les fleurs de capucines grimpantes, c’est très piquant !