Il y a des instants où la lumière offre un supplément d’âme aux choses. Ce matin à neuf heures, après la grande douche du lever du jour, le jardin de Monet étincelait. Un rayon de soleil tournait le coin des bambous, ébouriffait les grappes mauves de la glycine au-dessus du pont japonais et venait caresser la spirée tout juste fleurie. C’était léger comme un baiser sur la joue d’une mariée, tout ce blanc qui cascadait en voile, et la petite touche rouge des ancolies en guise de fard à lèvres.
A l’époque de Monet, il n’y avait là ni ancolies ni spirée. Monet affectionnait l’herbe autour du bassin, tout simplement. Face à l’opulence du jardin de fleurs, le jardin d’eau était dépouillé, sobre, et comparé à celui d’aujourd’hui, presque nu. Une pivoine par-ci par-là, un trépied à rosiers, quelques agapanthes et autres iris… Mais pas, ou si peu, d’arbustes, de massifs fleuris, de couleurs. Pas de masses végétales en dehors des branches des saules. Rien n’entravait le regard. La vue s’offrait dégagée sur le pont et sur les nymphéas, car Monet voulait les peindre.
Qu’on peigne ou que l’on photographie, il est bien difficile aujourd’hui de retrouver exactement les motifs de Monet depuis la berge. Car petit à petit une surenchère végétale s’est mise en place, dans une espèce de peur du vide. Que faire pour émerveiller les visiteurs, si difficiles à éblouir de nos jours ? Comment offrir un intérêt printanier au jardin d’eau, alors que les nymphéas sont des fleurs d’été ? Les jardiniers plantent. Le jardin d’eau déborde de merveilles.
En ce moment fleurissent les splendides azalées, les cornouillers, les glycines, les spirées, les premiers iris, les berbéris, les rhododendrons, tant d’autres encore, tout cela au-dessus de tapis de pensées, de giroflées, de myosotis, de tulipes multiples, de pétasites, de sceaux de Salomon… Et oui, j’en suis témoin à chaque pas dans le jardin, c’est un enchantement. Les visiteurs, et plus particulièrement les visiteuses ne cessent de le répéter, c’est beau, c’est beau…
Alors faut-il regretter les infidélités au jardin d’origine ? Je ne le crois pas. Tout jardin évolue, et même du vivant de Monet, il n’a cessé de changer. Le pont par exemple s’est vu doter d’une pergola de glycines. Ce n’est plus le jardin d’un homme mais de 600 000 personnes. L’évolution des conditions implique l’évolution des plantations.
Il faut planter pour le public, oui. Mais que souhaite le public ? Il a des désirs contradictoires. Etre ébloui de fleurs et reconnaître les motifs des tableaux qu’il a vus : des nymphéas, le pont en gros plan.
Ménager des vues tout en fleurissant les berges avec naturel et subtilité, c’est le défi que doivent relever les jardiniers d’aujourd’hui.
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Vous décrivez si bien ce lieu magnifique! C’est beau oui c’est beau…
Toujours l’espoir de m’y rendre un jour…
le pont de bois,le plus cèlèbre du monde…du monde…si Claude savait ça…
Quelle luxuriance ! Ne pas en faire trop mais éblouir tout de même, c’est un équilibre délicat à obtenir. Mais vous avez raison, les visiteurs cherchent aussi les tableaux de Monet dans son jardin, des perspectives à conserver.
Une cliente m’a dit aujourd’hui que la spirée se nomme bridal veil en anglais. Le voile de la mariée ! Je ne le savais pas, mais je vais essayer de m’en souvenir.
Bonjour, quelle poésie dans votre écriture, vous lire est un réel bonheur, comment se fait il que vous connaissiez si bien le jardin de Monet, une passion, habitez vous dans les environs?
en tous cas merci! Martine
Martine, merci beaucoup pour votre message ! Oui, j’habite à côté. Je travaille tous les jours comme guide-conférencière dans les jardins de Monet, et en effet, c’est une passion !
Visite dimanche dernier dans ce jardin irrealiste, cette maison ou l'o sent l'âme du peintre
Du bonheur simple, de la magie, des couleurs
Je suis contente que vous ayez aimé votre visite chez Monet, Nelly ! C’est si beau en ce moment, on ne s’attend pas à tant de couleurs en octobre. C’est vrai que c’est magique.