Un ami de Claude Monet, l’écrivain Marc Elder est l’auteur d’un très joli livre sur le maître de Giverny. D’une plume alerte et vivante, Elder retranscrit les instants les plus marquants de ses entretiens avec Monet. Beaucoup de sujets sont évoqués, de l’importance de Durand-Ruel à la personnalité de Courbet, de l’influence de Boudin à la rencontre avec Geffroy, le tout entremêlé de descriptions prises sur le vif du jardin, du déjeuner dans la salle-à-manger jaune, ou encore de la Seine.
Les sources contemporaines sont toujours très intéressantes, mais pour autant peut-on les prendre pour argent comptant ? Dans ses remerciements suite à la publication du livre en 1925, Monet écrit à Elder :
A vous, tous mes remerciements, bien que vous me fassiez dire bien des bêtises, mais cela c’est de ma faute. Je me laisse trop souvent aller à répéter tout un tas de souvenirs plus ou moins intéressants.
Réponse ambiguë. Monet est-il gêné de voir ses souvenirs exposés aux yeux de tous, ce qui est possible, ou est-ce une façon polie de signifier à Elder qu’il a légèrement enjolivé les choses, ce qui est tout aussi probable ? Si tel est le cas, comme Monet le dit lui-même, il en est le premier responsable. Selon son biographe Daniel Wildenstein, le peintre avait tendance à la fin de sa vie à livrer aux journalistes des versions revisitées de ses souvenirs.
Je crois que c’est un penchant bien humain. Tout le monde embellit les histoires à force de les répéter. Il semble même que ce soit de la répétition des récits, de leur transmission orale que soient nés les plus beaux contes.
Pour les guides qui sont amenés à redire d’innombrables fois les mêmes histoires, le risque de broder est grand, et cette fois c’est un travers. La déontologie professionnelle exige le plus de véracité possible. Mais l’exercice du métier pousse à la recherche d’effets émotionnels pour capter l’attention des auditeurs. Quelquefois la narration entraîne vers l’ajout de roses, et d’autres fois d’épines.
Le glissement du détail relevé dans la littérature vers l’interprétation personnelle est insidieux, il est très difficile d’en prendre conscience. Si je dis que Monet était un patron exigeant, je suis sûre que c’est vrai et que je peux trouver des auteurs qui rapportent cette exigence. Mais si j’ajoute que c’était un patron qui distribuait plus facilement les critiques que les compliments, je commence à donner ma propre vision de l’homme, celle que je me suis forgée au fil des lectures. Jusqu’où puis-je m’aventurer en terrain stable ? A partir de quand est-ce que je risque de déformer la réalité ? Et à quel moment entendrai-je résonner en moi un très dérangeant « mais qu’est-ce que tu en sais ?« , comme cela m’est arrivé récemment au bord du bassin alors que j’étais en train, ciel, de médire de Monet ?
Pour ne pas risquer de se laisser entraîner par sa propre verve, il faut relire sans cesse des ouvrages de référence sur le sujet abordé. Revenir aux sources. Et laisser la broderie aux brodeuses qui savent si bien faire naître sous leurs doigts des roseraies tout entières.
Coucou Ariane, ce jeudi j’ai suivi pendant quelques minutes votre commentaire en anglais sur les bambous…..Il faisait beau, vous étiez à l’ombre mais dans la petite allée vous aviez bien du mal à travailler avec les nombreuses personnes qui sont passées au milieu de votre petit groupe. Courage pour la suite de la saison et bravo pour toutes vos recherches et vos partages.
Bonjour Eliane ! Ah oui, le début d’après-midi était vraiment chargé. Et dire qu’il y a tant de beaux jardins qui fleurissent pour presque personne.