Cela a quelque chose du supplice de Tantale. A Giverny, les jardins sont dans tout leur éclat, derrière des grilles fermées. Les visiteurs venus des alentours, les fameux 100 kilomètres à vol d’oiseau, se pressent dans les rues, à la faveur d’un week-end de l’Ascension radieux. Leurs voitures ont rempli le parking à demi : ils sont plusieurs centaines.
Ils sont nombreux à porter un masque. Ils déambulent en couple ou en famille, heureux de sortir de chez eux, de retrouver la joie d’une escapade. Mais celle-ci tourne court. Rien à visiter, pas même l’église. Pas moyen de s’asseoir pour prendre un verre ou manger un morceau, guère de vente à emporter. Marcher au grand air ailleurs qu’autour de chez soi, c’est déjà ça.
Dans la rue Claude Monet, on n’entend que du français, et c’est un peu bizarre. Contrairement à d’habitude, les promeneurs parcourent la voie principale de Giverny de bout en bout plutôt que de rester dans le quartier des musées, puisqu’il n’y a pas grand chose d’autre à faire. Seules les galeries de peinture sont ouvertes, sous réserve d’application de la distanciation et avec recommandation du port du masque.
Je suis entrée, tout à la joie de bavarder un moment avec des gens que je connais. Pendant que nous papotons, c’est un crève-coeur d’entendre des dames demander, avec beaucoup de gentillesse et de politesse, si elles peuvent utiliser les toilettes. Tout est fermé, les commodités les plus proches, c’est… chez elles.
Naturellement, les fourrés ont repris du service. Même situation à la Roche-Guyon ou sur la route des Crêtes, ce belvédère au-dessus de la Seine si prisé pour le pique-nique. Pourquoi est-ce que tout le monde s’agglutine au même endroit ? La campagne est si vaste, dès qu’on s’éloigne un peu.
C’est une situation bancale qui ne saurait durer. Giverny retient son souffle, en attente des nouvelles décisions gouvernementales. L’Eure est en zone verte. On parle d’une possible réouverture en juin pour la Fondation Monet. Les terrasses aussi, espérons-le. Tout le monde pense la même chose, même si c’est encore en partie du domaine du rêve : il est temps que ça se termine. On n’est pas encore sortis du tunnel, mais il y a de la lumière au bout. On déconfine. Et le soleil brille si fort.
J’y suis allée le premier jour du déconfinement. Très peu de monde. Le village est toujours aussi beau. Evidemment c’est un crève coeur de passer devant le jardin fermé. Devant l’affiche de l’expo qui devait commencer au musée des Impressionnismes aussi. J’ai vu l’annonce de la réouverture entre le 8 et le 15 Juin. Je me demande si on pourra y avoir accès, même en allant sur place. Les entrées seront probablement contingentées.
PS. J’ai vu hier soir les modalités de réouverture, qui sont finalement différentes de ce qui avait été annoncé, mais sans doute plus simples pour gérer le flux des visiteurs.