13/18
« Nous partons au musée avec le père Durand ! » écrit Alice Monet le 14 octobre 1904 à sa fille Germaine. Le point d’exclamation veut tout dire de leur joie et de leur anticipation. Les Monet viennent d’arriver à Madrid et ont rendez-vous avec Paul Durand-Ruel, leur vieil ami le marchand des impressionnistes parisien, pour aller sans tarder admirer enfin les merveilles du musée du Prado, alors baptisé Museo Nacional de Pintura y Escultura. C’est le but de leur voyage, son prétexte, sa raison d’être.
Alice n’est pas bavarde concernant la réaction de Monet face aux oeuvres qu’il souhaite voir depuis si longtemps. Elle parle plutôt de son bonheur à elle :
Comme tu penses, nous ne faisons que des visites aux musées, aux églises, aux Académies. C’est admirable et on est si heureux d’être initié, guidé par Monet devant ces merveilles. […]
Lettre d’Alice Monet à sa fille Germaine, 15 octobre 1904, Madrid
Cela devait être quelque chose en effet d’avoir Monet (et Durand-Ruel) pour guides ! A condition toutefois que Monet ne soit pas submergé par l’émotion. On en sait un peu plus sur son ressenti grâce aux confidences faites à Marc Elder et publiées dans A Giverny chez Claude Monet en 1924 :
Dans un seul musée j’ai eu l’impression joyeuse de la peinture fraîche, de la peinture vive, chaude encore de la main créatrice : à Madrid. Le Prado ! Quel musée ! Le plus beau de ceux que je connais. Quand je me suis trouvé dans ces salles, au milieu des Titiens, des Rubens, des Velasquez, des Tintorets qu’on dirait faits d’hier, qui éclatent de force, de lumière, de couleur, l’émotion m’a empoigné au coeur, à la gorge, et j’ai pleuré, pleuré sans pouvoir me contenir… Michel et Blanche n’en revenaient pas et me regardaient avec inquiétude… Que voulez-vous ? c’était plus fort que moi. (…) Je me demande par quels procédés Madrid a conservé sa jeunesse à la peinture.
Vingt ans ont passé, Elder brode parfois, confond Alice et Blanche, mais je ne vois pas comment il pourrait oser inventer les larmes de Monet.
Le musée du Prado compte des dizaines d’oeuvres de Velazquez, Rubens, Titien ou du Tintoret susceptibles d’avoir ému le peintre. Parmi elles, j’ai tendance à croire que le chef d’oeuvre de Velazquez La Reddition de Breda, dit Les Lances, se détache. Il fait partie des cartes postales sélectionnées par Alice (dans la boutique du musée ?) pour sa correspondance, preuve que la toile lui a fait, à elle aussi, une vive impression.
Enfin découverte du Prado…émerveillement et les larmes de Monet,une très grande émotion!!!
Tu as aimé Madrid et je pense que tu as » vibré » aussi à la découverte de ce magnifique musée!