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Les glaïeuls de Monet

Claude Monet, Bouquet de glaïeuls, lis et marguerites, 1878, collection particulière

S’il faut en croire la date apposée par l’artiste, ce magnifique bouquet a été peint par Monet au début de l’été 1878, à l’époque des marguerites, des lis et des glaïeuls. Le catalogue raisonné propose le 30 juin 1878 comme date de vente à un certain Theulier. Ce jour-là, Monet peint la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis pavoisées. Une journée bien remplie.
Claude Monet, Camille et leurs deux enfants résident alors à Paris. Ils ont quitté Argenteuil au début de l’année et ne s’installeront à Vétheuil qu’à la fin de l’été. Où Monet s’est-il procuré ces fleurs éclatantes ? Est-ce un cadeau ? Mystère. En tout cas elles ne viennent pas de son propre jardin, il n’en a plus.

La disposition des fleurs n’a rien de savant. Les plus grandes sont placées derrière, les autres fourrées tant bien que mal en guise de faire-valoir par devant. C’est une brassée de fleurs fraîchement coupées et tout son charme vient de cette absence d’apprêt. Monet peint avec fougue, il se dégage une grande énergie de ce tableau.

Monet avait une passion pour les glaïeuls, une fleur élancée, colorée, sophistiquée comme peut l’être un iris, autre favori de l’artiste. Dans son jardin d’Argenteuil, il en cultivait des massifs entiers.

Claude Monet, Dans le jardin, 1875, collection particulière

Voici la disposition du jardin de la deuxième maison de Monet à Argenteuil, celle qui est maintenant ouverte au public. A gauche ce qui semble être des dahlias, devant des géraniums, à droite de grands glaïeuls, au fond une rangée d’arbres, au centre une pelouse où ces dames s’assoient sans façon.

Claude Monet, Au jardin, la famille de l’artiste, 1875 Collection particulière

Et voici le même jardin dans une autre lumière, avec le petit Jean debout entre les deux femmes. Cette fois on distingue bien les géraniums roses et rouges, mais les glaïeuls se font discrets.

Claude Monet, Les Glaïeuls, 1876, Detroit Institute of Arts, Michigan. Titre sur le site du musée : Rounded Flower Bed (Corbeille de fleurs)

L’année suivante, Monet a légèrement changé la disposition de ses glaïeuls. Ils dominent cette fois les géraniums, et ce sont eux qui sont roses et rouges. Camille, sous son ombrelle verte, toujours prête à poser pour son mari, donne l’échelle. On peut essayer d’imaginer où elle se trouve, peut-être à la place ou se tenait Monet dans le tableau précédent.

Claude Monet, Au Jardin, les glaïeuls, 1876, collection particulière

Les places ont à nouveau été interverties. On sent que Monet cherche des cadrages pour mêler la figure féminine et les tiges fleuries des glaïeuls. Selon le catalogue raisonné, ces toiles ont été peintes juste avant que Monet ne se rende à Montgeron sur l’invitation d’Ernest Hoschedé, juste avant Les Dindons.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

Monet revient au motif du glaïeul cinq ans plus tard. A l’été 1881, il se trouve à Vétheuil. Cette fois, on peut imaginer que les fleurs qui lui servent de modèle ont été cultivées par ses soins. Monet les a coincées dans une bonbonne de Brissard.

Ces bonbonnes en terre vernissée étaient utilisées pour le transport de la boisson aux champs ou au marché. Elles étaient fabriquées en Eure-et-Loir, dans la petite ville d’Abondant, près de Dreux. La mienne n’est pas très grande, 17 cm, arriver à y faire tenir droite une fleur quatre fois plus haute ne serait pas une mince affaire. Mais le résultat de la disposition obtenue par Monet est saisissant : on a l’impression que la bonbonne est le bulbe de la fleur, le lieu de sa naissance. Le choix de ce contenant rustique et terreux donne de l’assise à la composition. Les deux glaïeuls paraissent d’autant plus s’élancer à l’infini.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

Monet peint grandeur nature : la toile fait un mètre de haut. Et il aime tant ce motif qu’il en fait un deuxième tableau, presque identique et pourtant légèrement différent : pour s’en convaincre il suffit de regarder la signature de Claude Monet, à gauche sur la première oeuvre, à droite sur la deuxième.

Cet emplacement de la signature en miroir laisse à penser que Monet voyait dans ces deux toiles des pendants. Dès 1881, les deux Glaïeuls sont achetés par son marchand Paul Durand-Ruel.

Cette forme originale, toute en longueur qu’impose le glaïeul était parfaite pour un tableau destiné à l’espace situé entre deux fenêtres. Elle pourrait avoir donné à Monet l’idée des pendants.

L’histoire est belle, car les oeuvres jumelles n’ont jamais été séparées. A chaque fois qu’elles ont changé de propriétaire, elles ont été vendues ensemble. La dernière fois, le voyage les a conduites au Japon, une destination qui aurait été du goût de Monet.


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Ariane.

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