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Le contrat de mariage de Blanche et Jean Monet

Les Archives de l’Eure détiennent les minutes de Me Grimpard, notaire à Vernon, devant lequel plusieurs contrats et actes ont été passés par la famille Hoschedé-Monet. Hélas pour nous, pour une raison inconnue, la famille était aussi cliente de l’étude de Me Leclerc, dont les archives antérieures à 1926 ont toutes disparu. (Dans l’incendie de Vernon en 1940 ?? Je ne sais pas, je n’ai pas retrouvé l’adresse de l’étude. Si vous avez des précisions, merci d’avance de nous les partager en commentaire. )

Cela revient à tirer à pile ou face. Quand on sait qu’un acte existe, selon le notaire devant lequel il a été passé, on a soit bon espoir de le retrouver, soit aucun espoir.

Par chance, quand Blanche Hoschedé et Jean Monet, le fils du peintre, décident de se marier, c’est Me Grimpard qu’ils vont voir. On est le 8 juin 1897, la veille de leur mariage, célébré le 9 juin à Giverny. J’imagine un peu de tension.
Les fiancés sont venus accompagnés de leurs parents, Alice et Claude Monet. Alice n’est citée qu’à la fin et signe l’acte, mais Monet apparaît dès le début, car il vient faire une donation au futur époux.

Que dit le contrat ? Blanche et Jean se marient sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ils ne sont pas responsables des dettes l’un de l’autre.
Jean apporte ses effets personnels et des meubles et objets divers d’une valeur de 5000 francs.
Pour estimer ce que cela représente, on peut comparer avec la valeur aujourd’hui d’une pièce d’or de 20 francs : autour de 400 euros. 1 franc or de la fin du 19e siècle représente donc environ 20 euros. Même de tête, on peut ainsi se faire une idée des prix en multipliant les francs du temps de Monet par 20.

Jean a ainsi pour 100 000 euros de meubles et d’objets ! Il est vrai qu’il ne vit plus chez ses parents mais à Rouen, où il lui a bien fallu se meubler et s’équiper des objets de la vie courante. Je me figure que c’est assez cosy.

Vient ensuite l’acte de donation au futur époux par son père, Claude Monet. Celui-ci n’a pas associé Blanche à cette donation à Jean qui est une avance sur sa succession, or Blanche n’est pas l’héritière de Claude Monet. Le principe est de rester équitable envers Michel Monet, le fils cadet, le jour de la succession.

« En considération du mariage, Monsieur Monet père fait, par ces présentes, donation en avancement d’hoirie sur sa succession future, à Monsieur Monet, futur époux, son fils, qui accepte, d’une somme de cinquante mille francs que Monsieur Monet s’oblige à verser au futur époux le jour du mariage dont l’acte de célébration civile vaudra quittance au donateur. « 

Ca fait combien tout ça ? 50 000 x 20 = 1 million d’euros actuels. Ils ont de quoi voir venir.

Sauf que. Monet se réserve un « droit de retour », c’est à dire que si Jean meurt le premier et qu’ils n’ont pas d’enfant, (et c’est exactement ce qui va se passer) Blanche est tenue de lui rendre cette somme.

A moins que Jean ne l’ait favorisée. C’est à lui de voir :

« Mais cette réserve de droit de retour n’empêchera pas l’effet de toute donation ou autres avantages en usufruit que le futur époux pourrait faire en faveur de la future épouse, pendant le cours de leur mariage, même avec dispense de caution et d’emploi ».

Si de telles donations existent entre eux, elles se trouveraient aux archives de la Seine-Maritime, à Rouen ; une recherche difficile, sans date ni nom de notaire.

Qu’apporte Blanche dans le mariage ? Ses effets personnels, non estimés, et son trousseau, d’une valeur de 5000 francs. (Tiens ! autant que les meubles apportés par Jean). Blanche a aussi une rente, qu’elle est présumée s’être offerte avec ses gains et économies. Elle a « une inscription de quinze cent cinquante francs de rente trois pour cent sur l’Etat français (…) portant jouissance du premier avril dernier. » Si je comprends bien, l’Etat lui verse chaque année 3% de 1550 francs, soit 46,50 francs en 1897. Des clopinettes.

Suivent des articles relatifs à la succession des futurs époux, qui auront le droit de conserver tous leurs biens mobiliers jusqu’à leur décès. Puis l’acte précise ce qu’il adviendrait en cas de création d’une entreprise (le veuf ou la veuve peut poursuivre seul.e l’exploitation, à certaines conditions envers les héritiers de son conjoint ou sa conjointe). On voit que Jean, qui travaille comme chimiste pour son oncle Léon Monet depuis 1891, avait déjà l’idée de se mettre à son compte en tête au moment de son mariage. Il ne mettra ce projet à exécution qu’en 1909, douze ans après son mariage, quand les relations avec son oncle se seront détériorées, en créant avec un associé une pisciculture de truites à Beaumont-le-Roger, dans l’Eure.

La pisciculture périclite, et en 1913, Blanche et Jean, très malade, reviennent vivre à Giverny. Jean achète une maison, les Pinsons. C’est lui qui signe l’acte de vente. Mais dans ses lettres à divers correspondants, Claude Monet laisse entendre qu’il s’est donné beaucoup de mal pour installer les enfants à Giverny. Qui a payé, en définitive ? Peut-être bien papa Monet, car il se peut fort que les jeunes aient été ruinés par l’aventure de la pisciculture. Jean n’a plus que quelques mois à vivre. Il décède le 9 février 1914.

Pour autant que je puisse en juger, Claude n’a pas demandé à Blanche de lui rendre les 50 000 francs. Au décès de Jean, Blanche est apparemment restée propriétaire de la maison des Pinsons, car sa soeur Germaine y a vécu dans les années 1960.


2 commentaires

  1. Toujours très intéressants les contrats de mariage ,notamment celui çi..les futurs mariés débutaient bien dans leur vie maritale!
    En généalogie je constate que presque » systématiquement » un contrat était établi même si les « biens » étaient plus que modestes.Chez mes ancêtres j’ai pu voir « une couverture usagée et rapiècée,une caisse en bois…émouvant et d’une autre époque!!!

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Ariane.

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