Les oeuvres de jeunesse de Claude Monet surprennent par leur réalisme, tant l’artiste est connu pour la touche impressionniste centrée sur l’analyse de la lumière qu’il développera par la suite. Voici à nouveau la pointe de la Hève, la même année 1864, mais déserte cette fois, si bien que le regard est irrésistiblement attiré par la barque et ses trois passagers. Cette toile, probablement exécutée sur le motif, est considérée comme une étude pour un tableau de plus grandes dimensions :
Dans cette marine destinée au Salon, Monet a pris quelques libertés avec son esquisse. La ligne d’horizon est la même, la toile se termine à droite par les mêmes cabanes accolées, mais les épis ne correspondent pas, à moins de supposer que celui du premier plan est sous l’eau dans le premier tableau. Les vagues sont plus marquées, leur orientation en oblique par rapport à la plage reflète une réalité que Monet connaît bien : c’est à cause de cette orientation habituelle de la houle que les épis ont été installés afin de retenir les galets.
C’est au moment de la basse mer que l’on pouvait espérer faire le tour du cap en carriole à cheval. Le peintre, qui paraît juché sur quelque chose, un rocher ? note les traces laissées par le passage d’un chariot. Celui qu’il nous montre s’avance dangereusement dans l’eau, sans raison semble-t-il. Au milieu de la composition, Monet a placé deux chevaux dont on se demande ce qu’ils font là. Cela n’a rien d’étonnant, car la scène qui paraît si réaliste sort de l’imagination de l’artiste. En effet, ce couple de chevaux apparaît dans une toile peinte la même année à Chailly-en-Bière, près de Barbizon.
Claude Monet, qui n’a pas 25 ans, ne rejette pas complètement les méthodes préconisées par l’Académie des Beaux-Arts. Nous avons ici la preuve qu’il bidouille encore dans ses tableaux, si je peux me permettre. Quand va-t-il cesser de le faire, pour se focaliser sur l’objectif de rendre ce qu’il a sous les yeux ? Ce serait présomptueux de croire pouvoir fixer une date, car l’étude attentive de tableaux bien plus tardifs laisse quelques doutes quant à l’absolue fidélité à ce qu’il voit. Derrière le mythe, se dessine la liberté de l’artiste. Et comme le disait Monet lui-même à propos de ses tableaux de Londres, la question de savoir comment ils étaient faits ne regardait que lui.
Encore des explications détaillées,intéressantes, sur ces toiles, que tu donnes et que j’apprécie!
J’aime bien la dernière phrase de Monet égal à lui même…
Bonjour Ariane, je me pose des questions concernant le pain de sucre de Saint-Adresse. Le pain de sucre est me semble t-il le premier monument construit sur les falaises du cap de La Hève en 1852, quelques années avant la chapelle Notre Dame des Flots. Pourtant dans les années 1860 lorsque Monet peint le cap il ne représente aucun des deux monuments. L’artiste choisit de représenter l’activité humaine quand il s’agit des pêcheurs, des épis et des bateaux. Pourquoi choisit-il de ne pas représenter le pain de sucre ?
Merci pour vos articles, bien cordialement,
Louison
Bonjour Louison, merci pour votre message. Il est bien difficile de répondre à votre question. J’imagine que, de là où il se trouvait, il ne voyait pas le pain de sucre ni la chapelle.
En revanche ils figurent bien tout deux sur cette autre toile de Monet, à voir jusqu’au 30 juin à Giverny :
http://givernews.com/2024/04/07/les-monet-de-lexpo-a-giverny/