La France compte beaucoup de somptueuses cathédrales gothiques, mais, aux dires des profs d’histoire de mon enfance, Chartres est la plus belle de toutes. J’ai grandi loin de la Beauce, et cette affirmation est longtemps restée pour moi parole d’Evangile. Mais quand, adulte, installée dans l’Eure, j’ai pu visiter l’Eure-et-Loir, l’épithète est devenue une énigme. Comment cette cathédrale, avec ses deux flèches dissemblables, sa nef obscure, pouvait-elle être considérée comme un modèle insurpassable ?
Je viens de comprendre les raisons de l’admiration des spécialistes, grâce aux lumières dispensées par un érudit chartrain lors d’un récent éductour. « La cathédrale de Chartres a été faite par des intellos pour des intellos », affirme-t-il. Chartres était, au début du 13e siècle, un haut-lieu de la pensée occidentale, avec une école qui rassemblait les meilleurs savants, lettrés et théologiens du royaume, et peut-être du monde. Ce cénacle de têtes bien faites résumait toute la connaissance de l’époque.
Une des particularités de Chartres tient à la rapidité de sa construction. Presque toute la cathédrale a été construite en à peine un quart de siècle, sous l’épiscopat d’un même évêque. Alors qu’ailleurs l’édification des grandes églises se prolonge, que les programmes se succèdent, conduits par des personnes différentes, l’unité de style et de pensée donne ici une grande cohérence au sanctuaire. Autre fait remarquable, la cathédrale a été peu endommagée, ni par les Huguenots, ni par les Révolutionnaires, ni par les guerres. La plupart des statues chartraines ont encore toute leur tête.
Comme dans toutes les églises, le symbolisme est essentiel à Chartres, mais ici il atteint des sommets. Rien n’est le fruit du hasard, tout a été pensé par des esprits supérieurs. Notre guide s’est attaché à nous le démontrer longuement par une foule d’exemples.
Je crains de trahir sa pensée en essayant de la retranscrire, mais l’idée générale est celle de correspondances tirées entre l’ancien et le nouveau testament, le premier préfigurant le second. Correspondances aussi entre l’ici-bas, avec ses rois, ses clercs, et l’au-delà. Injonctions faites au chrétien avant qu’il ne pénètre dans le sanctuaire, mais aussi avant qu’il ne quitte ce monde pour entrer dans l’autre.
Chaque statue a au moins un sens, et plus sûrement plusieurs. Sa taille, sa position, son traitement, le moindre détail, sont signifiants, et l’on empile les thèses sur l’iconographie de la cathédrale.
Les intellos d’aujourd’hui et de demain n’ont pas fini de se creuser la tête pour tenter de percer les mystères transmis dans la pierre par les grands esprits du temps des cathédrales.
Merci beaucoup pour ce billet, qui donne envie de revisiter la cathédrale de Chartres avec d’autres yeux, peut-être un peu plus d’attention et… un guide !
Au risque d’être taxée d’intello, je me souviens de l’intense émotion qui m’a saisie en découvrant vers les vitraux de Chartres, au point que je ne me souviens plus du reste…
Waou, magnifique, je manque de mots… Très bon week end Ariane (tu ne réponds plus au commentaires, tu ne passes plus chez moi, est ce que ça va ???)
Merci pour vos commentaires ! J’étais en vacances et la connexion était très, très laborieuse.