Souvent les noms d’anciens commerces depuis longtemps disparus fleurissent encore aux façades. Personne ne s’est soucié de les effacer. Ils ont perdu leur fonction de communication, ils annoncent dans le vide la présence de la boutique, décalés par rapport à l’époque. C’est précisément ce décalage qui les rend souvent touchants, amusants.
Il y a des modes dans la calligraphie, des types même de commerces qui n’existent plus, des façons de parler et de nommer qui n’ont plus cours… Prenez par exemple ce « palais de la vogue » qui s’étale à Vernon sur un immeuble datant visiblement de la Reconstruction d’après-guerre, vers les années cinquante. Ce n’est pas si vieux, la graphie rigoureuse n’est pas particulièrement vieillotte, et pourtant, quel nom suranné ! Imaginez-le deux secondes sur la devanture d’une boutique qui viendrait d’ouvrir… Effet rétro garanti.
C’est une question de vocabulaire et de figures de styles. Avec palais, on est dans l’hyperbole. L’exagération a pour but de grossir artificiellement la surface de vente, le choix proposé, la qualité de la marchandise.
Tout le monde aime les hyperboles, on en emploie tous les jours, il suffit de se laisser aller à l’enthousiasme ou à l’emportement, c’est hyper trop méga génial pour exprimer les émotions.
Mais à force, ça s’use. Assez vite même. Est-ce pour cela que le mot palais a pris ce côté désuet ? On ne saurait plus l’appliquer à rien aujourd’hui, hormis au sens propre à une demeure princière urbaine. Il fait sourire sur les restaurants chinois.
L’usage de vogue a bien plongé lui aussi, peut-être parce que ce qu’il désigne est par essence bref et fluctuant : c’est ce qui est apprécié momentanément du public.
La vogue, c’était les vêtements en vogue. Au contraire de l’hyperbole, la synecdoque est une figure de style bien discrète. Prendre la partie pour le tout ou inversement passe très facilement inaperçu.
Dans son sens de nouveautés on a remplacé vogue par mode, tendance…
Une petite dernière ? L’alliance des deux mots palais et vogue tient de l’oxymore involontaire, les deux mots s’opposent par le sens. D’un côté le faste empesé d’un palais, de l’autre la futilité des longueurs de jupons…
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