Les carpes sont à l’étang de Monet ce que les baleines sont à l’océan. Elles ont des cétacés la couleur grise et l’ondulation à la fois souple et lourde. On les guette, à défaut du souffle jaillissant de leurs évents, les visiteurs repèrent leurs bulles. Les carpes créent l’évènement dès qu’elles s’approchent du bord.
Peu leur chaut : il en faut beaucoup pour émouvoir une carpe. Elles laissent les enfants s’écrier, les adultes montrer du doigt. Elles poursuivent leur objectif. Est-ce une pensée intérieure, même fruste, qui les guide dans leurs évolutions aquatiques ? Ou est-ce le seul hasard qui prévaut à leurs déplacements ?
Elles s’agitaient ce matin, en train de frayer sans doute, bondissant avec une énergie inhabituelle hors de l’eau où elles ondoyaient deux par deux.
Parfois on les surprend, avec leur tête étrange, profilée comme le cockpit d’un avion, les yeux renfoncés, la lippe boudeuse. Elles se glissent entre les nénuphars, en gros sous-marin qui peine à être furtif. Elles sont ici chez elles, comme leurs cousines de papier sur les estampes d’Hiroshige que Monet aimait, et qui on pris leurs quartiers sur les murs bleus de sa maison.
Les carpes voient notre monde par en-dessous. Nous sommes de l’autre côté de la surface, inaccessibles et lointains. Bruyants.
Elles, elles ont fait voeu de silence, tandis qu’elles tournent autour des tiges de Nymphéas.
Certains jours, où j’ai dû parler plus que de raison, je dois avouer que je les envie.
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Beau texte, je le lis et le relis, en silence.
Le silence est communicatif !