Depuis que les nénuphars ont recommencé à fleurir, le bassin de Monet a retrouvé son aspect coutumier.
Chaque jour de nouvelles fleurs apparaissent, à la faveur d’une eau qui dépasse désormais les 16° fatidiques.
Les moins frileux sont les blancs, premiers à montrer leurs corolles, puis viennent les roses et les jaunes, les pêche, les crème, tout un camaïeu de couleurs douces piquetées au milieu de l’eau.
A quoi tient la magie des Nymphéas ? Pourquoi fascinent-ils autant ?
Une visiteuse de Giverny m’a révélé leur secret. Avec le léger sourire de quelqu’un qui s’excuse presque de proférer une évidence, elle m’a dit :
– Le charme des nénuphars, c’est d’être une fleur inacessible. Personne ne peut la cueillir.
Inaccessible étoile…
Il doit y avoir du vrai là-dedans.
Joliment dit. C’est vrai qu’elles fascinent.
Le Parfum du Nymphéa
Tout doucement, la lumière perce les rideaux de pleureurs de la chambre aux nymphéas. Une chaleur venue du sud réveille les ladies endormies. Les fleurs, divas du jardin, s’étirent lentement. Plus besoin de se faire belle avant le show de la journée, à voir défiler des touristes. C’est la rançon de ces années d’expérience. Pas de bruit, pas de parfum, pas de maquillage. Ils ne seraient pas nombreux à l’apprécier. « Juste ma robe de nymphéa et je suis prête ». C’est probablement ce calme des 5 sens qui touche tout le monde. « Rien à voir avec ces greluches de l’autre côté : parfumées, colorées, à la mode, entretenues. Elles sont belles, certes, mais éphémères. Elles ne passeront pas l’hiver. Alors que moi, je suis là depuis 1980 ! Et puis, un rien les affole. Un courant d’air et elles se mettent à jazzer. »
Des Anglais gastronomes se demanderont : « Can we eat them? – With a beer, perhaps. »
Dérangé par ce raffut, le crapaud, prince du bassin, entrera en scène en ralant : « Quoi ! Pas moyen de dormir ! » avant de plonger, faisant danser les nymphéas.
Peut-être qu’un russe passera avec sa guide… Une famille en visite ne s’arrêtera sans doute pas…
Encore quelques instants de calme. Le nymphéa repense à son enfance dans le Lot, à Latour Marliac.
Ca y est. Le rideau de brume se lève. Les visiteurs entrent. Le spectacle peut commencer.