D’un bout à l’autre de ses 374 pages, ce gros livre consacré aux merveilles disséminées un peu partout dans les églises ou les édifices publics de l’Eure est un régal.
L’intrigante photo de couverture n’est pas celle d’une gargouille. Elle avait déjà servi d’affiche à une expo, et je me demandais bien ce que signifiaient ces espèces de tuyaux sortant de la gueule de la bête. La réponse se trouve, bien entendu, dans un des chapitres du livre, celui consacré aux superbes statues gothiques de la collégiale d’Ecouis.
Le dragon est en train d’avaler sainte Marguerite, et ce sont les plis de sa robe, magnifiquement ciselés, que l’on voit disparaître dans la gueule du monstre, tandis que la sainte, orante, jaillit de son dos dans le même temps.
Un des mérites de l’ouvrage est de prendre le temps de présenter vraiment les objets, souvent illustrés par plusieurs grandes photos, angles différents, détails. Le commentaire approfondi, signé par deux conservatrices, Valérie Péché et Sylvie Leprince, d’une grande clarté et d’une richesse informative passionnante, m’a captivée !
Le livre n’a rien d’un catalogue d’objets classés. Les auteurs ont choisi de ne présenter qu’une sélection d’oeuvres, toutes intéressantes, significatives, et situées dans l’Eure. C’est en effet le Conseil général qui est à l’origine du projet.
Du vitrail à la peinture d’histoire, des albâtres aux cloches de Corneville, dix-neuf thématiques ont été retenues. Elles brossent un tout petit aperçu de l’immense patrimoine du département, qui figure parmi les dix premiers de France en nombre d’objets classés ou inscrits monuments historiques, plus de 3000 au total.
Cette frénésie de classement apparaissait déjà au niveau des paysages, on la retrouve dans le mobilier. Je ne sais s’il y a ou non un rapport.
Les auteurs ont habilement choisi des oeuvres très connues, telles que la châsse Saint-Taurin, ou des artistes dont le nom est familier, comme François Décorchemont, et d’autres qui le sont beaucoup moins. On se promène un peu partout dans le département, et de préférence dans les petites communes. La plupart des objets sont visibles, motivations supplémentaires pour des balades de découvertes à deux pas de Giverny !
J’ai ainsi eu la surprise de remarquer enfin une oeuvre de Quentin Varin dans un recoin de la collégiale des Andelys, où pourtant je guide, après avoir lu une analyse détaillée du tableau… Le livre aide à voir, mais aussi à comprendre, et à ce titre il n’est pas indispensable d’envisager une visite dans le coin pour l’apprécier.
Enfin, cerise sur le gâteau, le grand peintre Gérard Garouste, qui habite l’Eure, a contribué à l’ouvrage en mettant en mots son ressenti face aux objets présentés, d’où le titre, regards croisés.
Histoires d’objets, regards croisés sur le patrimoine mobilier de l’Eure, Silvana Editoriale, 38 euros
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