La ville du Havre porte une salamandre sur son blason, souvenir de son fondateur François Premier. Le grand roi de la Renaissance s'était choisi cet animal "magique" comme emblème. On retrouve la salamandre partout dans les châteaux qu'il a construits, comme par exemple sur cette cheminée du château de Blois. La salamandre y figure à côté de l'hermine, emblème de son épouse Claude de France, fille d'Anne de Bretagne.
Pourquoi la salamandre ? On la croyait capable de résister au feu, donc indestructible. Combien de petites bêtes auront succombé à la curiosité des humains tentés de vérifier ce postulat ?
On laisse désormais les salamandres tranquilles, et c'est
tant mieux pour elles. En fait, on les ignore. On n'en croise pas tous les jours. Quand cela arrive, on s'en souvient, comme on se souvient d'avoir vu des biches ou des dauphins. L'émotion de ces rencontres, quand on réalise que la nature, ce n'est pas juste notre petit carré de fenêtre.
Cela m'est arrivé trois fois, et à chaque fois, si j'avais été seule, je n'aurais pas vu la salamandre. La dernière remonte à une dizaine d'années. La sortie nature animée par l'extraordinaire médiatrice employée alors par l'agglomération de Vernon se terminait. Virginie avait choisi de nous emmener dans une campagne de bois et de lisières, à la tombée du jour. Mais les animaux qu'elle avait observés seule lors de son repérage se dérobaient à la vue, peut-être dérangés par notre groupe. On sentait une certaine déception poindre, on se persuadait qu'on avait bien aimé quand même la petite rando dans la campagne. La plus désolée, c'était Virginie, qui souhaitait ardemment avoir quelque chose à nous montrer.
Et soudain quelqu'un a vu les taches jaunes et noires d'une salamandre près d'une flaque, dans la pénombre. La sortie était sauvée. Virginie est une spécialiste des amphibiens. Elle a pris la petite bête dans sa main avec délicatesse pour nous la faire voir, en nous racontant tout des moeurs des salamandres et de leur difficile histoire avec les humains. Je crois qu'elle a proposé aux jeunes présents de la prendre dans leurs mains.
J'étais venue à la balade avec une adolescente allemande. "On a vu une Salamander !" s'est-elle exclamée avec enthousiasme. Elle avait les yeux brillants de qui rapporte un trophée.
Car les trophées ne sont pas tous d'airain. Il en est de toutes sortes, et plus souvent que des objets ce sont nos expériences qui en tiennent lieu. Un trophée est le signe de quelque chose de rare et de difficile à obtenir. Il est des trophées que l'on brandit après une victoire, d'autres que l'on garde en soi pour longtemps. Il en est qui ne pèsent pas plus lourd que le souvenir d'une salamandre dans le creux de la main.
Belle conclusion pour ce beau billet, merci Ariane.