L’abbatiale Saint-Ouen de Rouen est un pur joyau, une merveille d’harmonie gothique. Les moines qui l’ont fait bâtir au 14e et 15e siècles disposaient d’une église romane imposante, aussi étendue que l’abbatiale actuelle. Mais quatre cents ans après sa construction, elle tombait en ruines. Peut-être même que les moines l’ont un peu aidée à s’écrouler, pour avoir l’opportunité de bâtir plus beau et plus haut :
la voûte gothique se trouve à 33 mètres du sol, la hauteur de Notre-Dame de Paris.
Face à la somptuosité de l’édifice, la qualité de la pierre employée surprend. Elle est souvent truffée de silex. Les pierres taillées posées côte à côte, issues d’un même banc, restituent l’aspect de la roche dont elles proviennent, traçant un curieux décor moucheté.
C’est plus joli que d’avoir une pierre à silex deci-delà, c’est surtout plus solide. En construction, on place les pierres dans le sens du lit de carrière, celui des couches de sédiments qui ont fait la roche. Dans ce sens, la pierre peut supporter le poids d’une montagne en compression. Si on ne respecte pas le sens du lit, on dit que la pierre est placée en délit. Elle va rapidement se déliter, c’est-à-dire se fissurer et se fendre.
Respecter le banc de provenance présente certainement le même avantage d’une qualité homogène de la pierre, donc d’une résistance uniforme à la compression.
Le silex est partout présent dans les pierres du val de Seine, en plus ou moins grande quantité. A Vernon, la collégiale en montre, mais beaucoup moins que Saint-Ouen. Pourquoi avoir choisi une pierre qui n’était pas la plus belle de la région pour un édifice aussi ambitieux que l’abbatiale rouennaise ? C’est que les commanditaires, les moines, ne passaient pas des appels d’offre. Ils possédaient leur propre carrière. Force était de faire avec.
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