Les guides sont des médiateurs, qui essaient de faire capter l’âme d’un lieu, d’un objet, d’une histoire. Dans cet effort pour donner à percevoir, je m’applique à la bienveillance. Beaucoup de mes collègues sont dans cet état d’esprit, mais pas tous. J’ai suivi des visites de guides narquois qui moquaient les coutumes d’autrefois ou la vie privée d’un personnage illustre. Ces visites m’ont mise mal à l’aise.
La tentation est grande de faire rire pour s’attirer les faveurs de son public. On peut faire rire de bien des façons, tant que personne n’est blessé. Mais faire rire aux dépens des gens du passé est leur manquer de respect, et qui sommes nous pour nous croire supérieurs ?
Depuis que je fais des formations sur Giverny, je milite pour que mes collègues parlent un peu plus du jardin de Monet, et pas seulement de sa biographie. Le peintre aimait s’effacer derrière son oeuvre. Si Giverny est son lieu de vie, c’est aussi une oeuvre d’art horticole éblouissante et unique, qui demande à être commentée pour bien la voir.
Il m’est arrivé la semaine dernière une expérience incroyable et merveilleuse, et depuis j’hésite entre la garder dans mon coeur ou la partager. J’espère pourtant que les personnes qui liront cette histoire en seront touchées.
Le 28 décembre, je suis allée voir une kinésiologue. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette médecine douce, Florence Servan-Schreiber décrit très bien la kinésiologie dans un article de Psychologies. Parmi de nombreuses applications possibles, la kinésiologie peut aider les patients à se recentrer, à évacuer le stress ou dénouer des blocages. Les thérapeutes qui la pratiquent ont développé leurs aptitudes à la perception des énergies fines.
Cela nous a prises par surprise. Je venais de dire qu’un homme tenait une grande place dans ma vie, Claude Monet. A cet instant, la kinésiologue a remarqué : les énergies sont en train de changer, le sentez-vous ? Oh là là, ça brasse !
Je ne sentais rien du tout. Elle a fermé les yeux pour mieux écouter et ressentir. Elle souriait : il est là. Claude Monet est là. Il dit qu’il aime bien ce que vous faites.
C’est alors que la vague de bienveillance m’a atteinte à mon tour. Je l’ai senti m’inonder, cent fois plus forte que de la bienveillance humaine. Une immense gratitude m’a emplie. Les larmes coulaient. Oh merci, merci, merci…
Quand l’émotion a diminué, j’ai pu expliquer à la praticienne « ce que je fais » dans ma façon de parler de Monet : ne pas juger, essayer de comprendre avec empathie, m’émerveiller de la beauté du monde que Monet exprime à travers son oeuvre. Commenter le jardin plutôt que sa vie privée.
Il y a aussi dans cette expérience une libération. Jusque là, je n’étais pas sûre que j’aurais vraiment aimé avoir connu Claude Monet. Il n’était pas toujours facile pour les personnes de son entourage. Bourru. Exigeant. Mais j’ai compris maintenant que lorsque nous passons dans la Lumière, nous nous défaisons des traits de personnalité qui étaient les nôtres sur terre. Il ne reste que l’amour.
Vous avez peut-être remarqué que je n’ai pas beaucoup écrit cette année. J’en avais perdu le goût. La passion me manquait pour bloguer ou pour faire avancer mes projets de livres. Je sentais que j’avais besoin d’encouragements, mais ceux que je recevais me paraissaient tièdes. Et voilà tout à coup les encouragements les plus inouïs qui soient. Ils me donnent des ailes.
Ils sont arrivés à l’improviste, alors que je ne m’y attendais pas. Je crois que je n’aurais pas eu l’idée de consulter qui que ce soit pour manque de motivation. C’est une chose qu’on subit sans penser qu’il est possible d’y remédier.
Quelle formidable expérience ! Merci pour ton témoignage, Ariane, qui confirme ta grande attention à guider dans la justesse du lieu – ce qu’on peut deviner en lisant ton blog. Je suis ravie que tu aies retrouvé de l’énergie pour partager ici.
J’adore ta photo de l’eau, ce beau vert qui fait du bien tant il nous manque au coeur de l’hiver. Presque une toile abstraite, pleine de rythme.
Tania, merci pour ta bienveillance ! Oui les couleurs nous manquent dans la grisaille de janvier. Cela fera d’autant plus de bien de les retrouver au printemps, comme autrefois lorsqu’on rouvrait les retables à la fin du Carême et que leurs belles couleurs faisaient à nouveau irruption dans la vie des fidèles. Sur le bassin de Monet, les reflets sont presque toujours superbes. On pourrait passer des heures à les admirer. Et même se mettre en tête de les peindre…
Mon époux me dit toujours « il ne faut pas rencontrer les artistes, seulement garder leur interprétation en mémoire, pour tous les plaisirs qu’ils nous ont offert à ce moment-là ». Je parle pour toute forme d’Art. Dépasser l’artiste, être de chair qu’il est ou qu’il a été, celui qui, comme tout humain, a ses défauts et ses qualités, ce qui lui donne du relief, du volume. Nous sommes construits ainsi. En quelque part, vous deviez passer par cette étape pour ouvrir une nouvelle porte, dans ce jardin d’Eden, que nous avons la chance de voir cette année fin mai. Mise en lumière du tempérament de Monet, sans doute des facettes cachées que nous ne devinerons jamais. Que reste-t-il? Ses toiles si généreuses, lumineuses, toutes ces couleurs qui nous chavirent le coeur et l’âme. Ce jardin merveilleux animé par tous ces êtres de passion, les jardiniers….
Vous avez retrouvé le chemin, le bon, celui de l’amour, du plaisir retrouvé, une perspective des plus agréables pour un guide qui a dépassé son métier pour devenir un passeur….On continuera à vous retrouver! Meilleurs voeux dans cette nouvelle voie! Mina de Sclos
Merci Mina, oui il faut voir l’oeuvre avant tout. Ravie que vous programmiez une visite en mai. Bons préparatifs !
Ariane
Chère Ariane,
Je vous remercie cordialement d’avoir eu le courage et la générosité de partager votre
expérience inouïe.
Au moment où j’ai commencé à lire votre blog j’étais plutôt stressé et fatigué.Mais j’ai vite senti que votre témoignage allait m’apporter quelque chose de merveilleux.
Vos énergies transformées et agissantes m’ont atteint à mon tour : je me sens bien mieux.
J’accèderai mieux à la richesse profonde et authentique de Monet.
Je comprends que votre envie d’écrire avait baissé en 2018. Mais je suis sûr qu’en 2019 vous allez revivre, voire renaître chaque jour , avec -entre autres- l’envie d’écrire.
Comme vous , il m’est arrivé ces derniers jours d’avoir eu des cadeaux de la vie inattendus qui m’ont donné des ailes et rempli de gratitude.
Votre ami alsacien Gérard Willig.
Gérard, merci beaucoup pour votre message. Les cadeaux de la vie sont précieux, je vous souhaite qu’elle vous en réserve encore beaucoup. Ils sont si intimes qu’il est délicat de les partager, n’est-ce pas ? Je suis heureuse de voir ce qui se passe quand on s’autorise à le faire, heureuse de savoir que vous vous êtes senti mieux après avoir lu mon récit. Belle année à vous.
J’ai fait quelques séances de kinésiologie et je peux imaginer ce que tu as vécu, même si je n’ai pas moi-même vécu moi-même une expérience aussi forte. C’est assez fabuleux. J’ai hâte que Giverny réouvre et que j’aille m’y ressourcer. En attendant demain ce sera encore un samedi avec poubelles en feu et cache-cache CRS-Gilets jaunes.
Aifelle, j’espère que la kinésiologie a bien marché pour toi aussi. Encore deux mois et demi avant la réouverture le 22 mars. D’ici-là, j’espère que les manifestations à Rouen auront cessé. A Giverny c’est fort tranquille.
BONNE ANNÉE Ariane ! Tous mes vœux pour 2019. Votre témoignage m’a fait beaucoup de bien à moi aussi, il donne l’espérance d’une vie qui continue bien au delà de la mort, une vie où seul l’amour compte…..
Oui, j’ai l’espoir qu’il y a des choses merveilleuses qui nous attendent là-haut. Bonne année Eucharis !