La visite de jardins est parfois l’occasion de changer son regard sur le monde. A Giverny, certains visiteurs m’ont confié qu’auparavant ils n’avaient jamais prêté attention aux reflets dans l’eau. D’autres découvrent l’extrême variété du règne végétal en détaillant la composition des massifs. On peut aussi s’ouvrir à une esthétique nouvelle, une façon de concevoir un jardin qui sort des sentiers battus.
C’est le cas d’une visite au jardin Plume, qui s’est fait une spécialité de l’utilisation des graminées, bien avant que tout le monde ne s’y mette. Le jardin Plume est situé à l’est de Rouen, en pleine campagne, à Auzouville-sur-Ry. Sylvie et Patrick Quibel y travaillent la lumière, mêlant la légèreté des herbes et beaucoup de fleurs aux couleurs franches. Cette broderie subtile est contenue par une forte structure de haies et de buis taillés.
Si pour vous les herbes sont des mauvaises herbes, le jardin Plume vous fait changer d’avis. Les graminées ont une manière à nulle autre pareille de s’emparer des rayons du soleil. C’est d’un attrait irrésistible.
Avec de telles images dans la tête, on se prend à regarder autrement les bords des chemins. Je suis allée me promener au nouveau quartier Fieschi à Vernon, une ancienne caserne en cours de reconversion en zone résidentielle. Dans les terres remuées par les engins de construction, des plantes sauvages prospèrent.
Camomille, achillée, tanaisie, vesce, chardon se mêlent, tandis qu’il ne reste que les capsules des coquelicots. On dirait un jardin, oui, dense et lumineux, offert gracieusement à l’admiration par l’Eté.
Toute cette beauté spontanée est menacée. Demain peut-être une pelleteuse viendra excaver par ici, sans considération pour les simples. Cette menace qui pèse sur elles a quelque chose qui me touche, comme une image de notre monde en sursis.
Les plantes savent-elles que leur vie est en danger ? Je me figure que oui. C’est dans leur nature d’être à la merci des voraces et des piétineurs. Cela ne les arrête pas, au contraire. Il y a dans l’énergie qu’elles mettent à vivre, à fleurir, à fructifier, à se ressemer pour continuer à se reproduire une foi extraordinaire. Essayons toujours ! semblent-elles dire. Nous verrons bien si nous parvenons à nos fins, confier à la terre nos gênes pour que la vie se poursuive. Elles sont heureuses, elles profitent de l’été, de la chaleur du soleil. Pour l’instant tout va bien.
Une autre visite bien agréable,d’un jardin différent de Giverny mais qui a tout son charme aussi!!
J’aime tant ces fleurs sauvages qui luttent désespérément avec énergie ,je pense aussi qu’elles savent que leur vie est courte…
Par chez toi aussi on construit…et ce béton qui avance inexorablement,tu imagines ici….
Oui, la campagne perd du terrain. Mais pour ce qui est du quartier Fieschi, il était déjà bâti depuis longtemps, c’est plutôt une valorisation de ce qui était devenu une friche militaire.
Merci de présenter ce jardin que je ne connaissais pas. J’aime beaucoup comme tu prolonges cette visite par un regard nouveau vers les fleurs au bord des chemins ou sur ce qui a presque disparu en ville, les terrains vagues. Belle conclusion !
Merci Tania. Oui, les dents creuses sont guettées par les promoteurs… Pourtant les fleurs de terrains vagues sont si jolies !