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Monet à Belle-Ile-en-Mer

A l’automne 1886, Claude Monet quitte soudainement Giverny et met le cap sur la Bretagne, avec l’intention de la visiter en touriste. Mais ce qui devait être un grand périple tourne court. A Belle-Île, le peintre est happé par le paysage de la côte sauvage. Il se fixe dans le hameau de Kervilahouen, à un kilomètre des falaises, et peint sans relâche pendant plus de deux mois.

Rien n’a changé sur ce littoral, hormis la construction d’un centre de thalasso. Ce sont les mêmes landes couvertes de végétation rase, épineux et bruyères, qui laissent le regard filer au loin. Le phare de Goulphar troue toujours l’obscurité de ses éclairs décalés de 3 et 7 secondes. Surtout, la côte rocheuse est identique dans ses moindres détails, effaçant comme par enchantement les 133 ans écoulés.

J’ai suivi le chemin que prenait Monet, une route maintenant, jusqu’au choc de me trouver face à son motif. Pour qui vient de Giverny, de son paysage calme et verdoyant, l’émotion de ce chaos de roche et de mer est intense. Monet n’est pas que le peintre des bords de Seine, c’est aussi l’homme des falaises de Seine-Maritime. Il a dû retrouver à port Goulphar le caractère colossal des portes d’Etretat.

L’à-pic est vertigineux. S’il y a une pente, elle est très abrupte. Souvent le plateau s’arrête à la verticale à cinquante mètres au-dessus des flots tumultueux. Pas l’ombre d’une barrière, d’une matérialisation du danger. Un pas de plus et c’est le grand saut et la mort assurée. Comme si cela ne suffisait pas, un vent intense ne cesse de souffler.

Le haut du rocher dépasse la falaise à l’horizon, signe que Monet s’est placé plus bas que sur la photo

A quarante-trois ans, Monet est intrépide. Sur place, en recherchant les emplacements où il se tenait pour peindre, on mesure la folie de son entreprise. Car il arrive que le point de vue précis soit pour ainsi dire inaccessible, quelques mètres plus bas dans la pente. Il est probable que Monet cherchait à éviter le vent, mais comment faisait-il pour descendre, avec son matériel, et pour peindre là pendant des heures ? On sent un homme qui a passé son enfance à parcourir les falaises du pays de Caux. Il est insensible à la peur.

Avec l’aide d’un pêcheur du pays, Poly, Monet arrimait son chevalet et sa toile avec des pierres pour braver le vent. La pluie aussi ne l’a pas épargné, et finalement la tempête. Et Monet peint sous la pluie, et Monet peint la tempête…


2 commentaires

  1. Très émouvant de revoir ce paysage à l’identique ,tant d’années après,les mêmes découpes,incroyable.!!!
    Et Monet peint pour notre plus grand plaisir,quelle beauté!
    Tu as fait une belle escapade.

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