Ces derniers jours, les grenouilles coassantes captent l’attention des visiteurs de Giverny. Massés autour du bassin aux Nymphéas de Claude Monet, ils ne les quittent pas des yeux, et cette vue réveille chez beaucoup d’entre eux des souvenirs d’enfance.
« Quand j’étais enfant, avec un copain, on les attrapait avec un chiffon rouge et un hameçon ! » se souvient un monsieur penché vers une toute petite fille. « Elles étaient attirées par la couleur rouge, elles mordaient au crochet, et on les tirait hors de l’eau. »
Il y a de l’excitation dans sa voix au souvenir de cette pêche si simple, de ces grenouilles si faciles à berner. « On les attrapait… et après on les mangeait. » La voix a hésité un instant, le temps que l’adulte décide d’épargner à l’enfant l’épisode de la mise à mort des grenouilles. Le récit passe de l’évocation d’un plaisir à un autre plaisir, du jeu à la table, et jette un voile pudique sur l’entre-deux.
Certains de mes clients, qui me font des récits semblables, se montrent plus explicites. Une dame me raconte qu’elle voyait les grands « couper les cuisses aux grenouilles toutes vivantes, et rejeter le reste à l’eau, en prétendant que les pattes allaient repousser. » On ne sait ce qui l’a choquée le plus, du geste barbare ou du mensonge qu’on lui faisait.
D’autres enfants se livraient à des jeux plus innocents, comme le concours de sauts de grenouilles, variante de l’exaspérante course d’escargots. Innocence apparente, car les grenouilles épuisées de sauter au sec finissaient par crever.
Les grenouilles, qui « ont un sacré clapet » aux dires d’une visiteuse, ont pris un genre de revanche cette semaine. Les ténors du plan d’eau ont infligé aux promeneurs de Giverny un concert ininterrompu et assourdissant. Je crois tout de même qu’il touche à sa fin. On commence à voir les premiers têtards.
mais les voilà enfin les belles grenouilles de Giverny, ici les tétards ont déjà des pattes elles sont en retard.