Le parapluie est au guide ce que les ciseaux sont au coiffeur, le stéthoscope au médecin, le sifflet à roulette au chef de gare. Quand on guide en plein air par temps variable, il est risqué de prétendre s’en passer, et carrément téméraire de s’en dispenser si l’on doit guider un groupe, surtout au milieu d’une foule. Le parapluie brandi sert de fanion, il ouvre la voie comme un brise-glace.
C’est un peu difficile quand on débute. En tête du cortège, vous levez le bras avec le parapluie fermé, l’air de tâter le vent, et vous vous sentez vaguement ridicule. Pourtant ce geste a un effet souverain : il vous fait entrer dans le rôle, encore plus que le badge préfectoral.
Tout le mois d’avril, le temps humide nous a imposé le parapluie à Giverny. C’était un peu lassant. Depuis que le ciel s’est remis au beau, je suis contente de le laisser à la maison.
Pour le remplacer comme signal dans la foule compacte de mai, j’emporte un iris factice.
Le voici photographié dans mon jardin (je ne me permets pas ce genre de privautés dans celui de Monet) à côté d’un iris naturel. C’est une jolie imitation en tissu, avec une tige suffisamment rigide pour la tenir sans qu’elle ne ploie.
L’idée n’est pas de moi mais de ma collègue Patricia qui utilise un beau tournesol. Il nous arrive souvent de nous partager un groupe, chacune sa fleur dans le jardin, les clients apprécient, ils trouvent que c’est efficace et joli.
Par rapport au parapluie, la fleur présente des avantages considérables. Elle est plus légère, et il n’est pas besoin de tendre le bras, elle culmine spontanément au-dessus des têtes.
De plus, si le parapluie suggère la menace d’une averse, l’iris est en harmonie avec le jardin.
Le seul problème, finalement, c’est la qualité de l’imitation. Pour beaucoup de visiteurs, l’aspect artificiel de la fleur ne saute pas aux yeux.
Alors que le parapluie ne suscite aucune question, aucun commentaire, l’iris fait débat. Environ une personne sur deux est persuadée qu’il est vrai. Même à contre-saison.
On marmonne sur mon passage, on s’insurge. J’entends des réflexions réprobatrices : « si tout le monde faisait comme elle ! » Les enfants le clament tout haut, accusateurs : « la dame elle a cueilli une fleur ! »
Je leur fais toucher la fleur, je leur demande s’ils croient qu’elle est vraie. Aux adultes j’indique la bonne adresse où se procurer la même, face à la Fondation Monet.
Tout cela pourrait encore passer. Le plus fatigant, ce sont les remarques idiotes, comparaisons religieuses (on dirait que vous portez une croix / un cierge) ou métaphores licencieuses (la queue est longue !). Cette dernière sortie émanait, à ma surprise, d’un vieillard ratatiné dans son fauteuil roulant, qui n’avait visiblement rien perdu de sa verdeur verbale.
Voilà pourquoi, au bout de quelques jours de beau temps, je me fatigue un peu de l’iris. S’il fait gris demain, je ressortirai le parapluie. Si le soleil brille, je prendrai l’ombrelle.
et une étoile ?
comme une baguette magique ?
je veux bien y réfléchir pour vous (en remerciement au charme que vous apportez à ce Jardin, par exemple)
La guide à l’iris bleu ! Je n’ose vous demander la couleur de vos yeux.
Clo, voilà une idée brillante !
Tania: noisette, mais c’est moins pratique pour guider.