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Est-il possible aujourd’hui de refaire le voyage des Monet vers l’Espagne ? De prendre les mêmes routes, parcourir les mêmes étapes, s’arrêter dans les mêmes hôtels, visiter les mêmes musées ? Quand j’ai parlé de ce projet autour de moi, on m’a regardée avec surprise : « Tu es vraiment mordue, toi ! » Heureusement, mon époux trouvait ce défi amusant. Nous sommes partis à deux, dans une voiture nettement plus confortable qu’une Panhard de 1900 ; et comme la carte du lieutenant-colonel Prudent est introuvable, nous avons utilisé les moyens modernes de pilotage pour déterminer notre chemin.
Quelques lettres adressées par Alice à sa fille Germaine pendant le voyage ont été publiées par Philippe Piguet, petit-fils de celle-ci, dans Claude Monet au temps de Giverny. Ce livre est le catalogue de l’exposition éponyme au centre culturel du Marais en 1983, tout juste cent ans après l’installation de Monet et sa famille dans le village. Les lettres ont fait l’objet de coupes pour leur publication. Nous savons dès le départ qu’il nous manquera des informations qui figurent peut-être dans les parties coupées, ou qu’on ignore complètement. Ce n’est pas grave, puisque ce n’est qu’un jeu. Voici la première lettre :
Tours, 9 octobre 1904
[…] Vous savez par les cartes et les dépêches que nous sommes arrivés pour dîner à 5h à Tours, mais avec une marche de colimaçon, jamais la voiture n’a si mal marché. Michel dit que c’est son train ordinaire et nous faisons du 25 à l’heure. Seulement où Michel a raison, c’est quand il dit que la voiture est trop chargée : les pneus, les outils, les bagages et nos bons poids, c’est effrayant. Aussi nous expédions la malle directement à Bordeaux. Puissions-nous aller à une meilleure allure, car nous voulons coucher à Bordeaux. Hier, pour comble, deux routes empierrées, heureusement pas de crevaisons, mais des soupapes à réparer et un terrible vent debout. Ici, hôtel délicieux, dîner exquis, chambres merveilleuses, mais j’attends l’addition ! Quelle jolie ville, gaie, propre, animée ! […] Quel déjeuner nous avons fait à Chateaudun ! […]
Au départ de Giverny, la route logique, la plus directe, est de passer par la vallée d’Eure pour gagner Dreux puis Chartres et Chateaudun. Les Monet y arrivent pour déjeuner. Se pourrait-il qu’ils dégustent le menu d’anthologie dont parle Alice « Aux Trois Pastoureaux », un établissement réputé, fondé il y a trois siècles et qui existe toujours ? Puis ils font route vers Tours par la nationale 10.
De nos jours, la N10 est doublée par une autoroute, l’A10. Le tracé historique est tantôt la nationale, tantôt une départementale dont le numéro se termine par 10, quand la nationale a fait l’objet d’aménagements. Certaines parties sont encore bordées de platanes, dont les alignements filent immanquablement vers les centres villes, alors que la route les évite. Circuler tranquillement entre ces arbres majestueux est devenu un plaisir rare, mais quand cela se produit, nous sommes sûrs que Monet est passé par là. Teuf teuf teuf teuf teuf…
Tours possède naturellement quantité de monuments et de bâtiments antérieurs à 1904, à commencer par la mairie, qui devait être flambant neuve quand Monet est passé devant. La ville donne une impression de jeunesse et de classicisme mêlés, un bonheur pour le flâneur.
Les Monet ont-ils pris le temps de se promener dans les rues ? Si oui, vers quels quartiers leurs pas les ont-ils conduits ? Ont-ils marché jusqu’à cette place où nous découvrons des maisons à pans de bois, qui auraient pu leur rappeler la Normandie ?
A la recherche du temps perdu, nous cheminons émerveillés, avec en tête toutes ces questions, jusqu’à arriver au bord de la Loire. Rive sud, nous sommes en route pour la partie méridionale de la France, et nous imaginons les Monet, heureux de cette première étape réussie, emportés par le sentiment de liberté que donne l’auto, partis pour l’aventure.
Quelle bonne idée de refaire la route au plus près du voyage de Monet. L’occasion aussi de relire les écrits à disposition.
Et sans Monet je ne serais peut-être jamais allée à Tours ! C’est devenue une grande ville universitaire, comme Rouen ou Toulouse, et l’on est frappé par toute cette jeunesse quand on vient d’une petite ville dont les jeunes partent pour faire leurs études. Du temps des Monet, le contraste produit par cet exode des jeunes ne devait pas encore exister.
MERCI !!!
On y est
C’est ce que j’ai pensé en découvrant les lettres d’Alice… 😉 Merci à Philippe Piguet de les avoir partagées.
Une bonne idée en effet de faire ce voyage mais à une allure un peu plus rapide..je n’en doute pas!
De la ville de Tours je n’ai vu que des reportages mais elle vaut certainement une visite .
Belle photo pour clôturer ce billet intéressant comme toujours!!
Avantage, se lever moins tôt qu’eux, et faire le lièvre plutôt que la tortue… Tours est tout près des châteaux de la Loire, peut-être une idée de destination pour toi ?
Oh oui j’aimerais…tant d’escapades à faire dans notre beau pays!!!