Normalement on ne va pas au Louvre pour voir des tableaux impressionnistes, puisque les collections nationales des oeuvres de la deuxième moitié du 19e siècle se trouvent de l’autre côté de la Seine, à Orsay. Néanmoins, il faut bien que quelques exceptions viennent confirmer la règle. C’est ainsi qu’au deuxième étage du pavillon Sully, le département des peintures françaises du Louvre présente un bel ensemble de Renoir, Sisley, Degas, Jongkind, Boudin, Cézanne, Pissarro, Toulouse-Lautrec, et trois Monet.
Il s’agit de la donation Hélène et Victor Lyon, entrée dans les collections du Louvre en 1977. Comme souvent, une condition requise était de ne pas séparer les tableaux de la donation. C’est ainsi que les Canaletto et les Guardi se retrouvent parmi les peintures françaises, et que les impressionnistes rigolent sous cape, en se demandant un peu ce qu’ils font là.
L’intégralité de cette donation, et d’ailleurs l’intégralité des oeuvres exposées au Louvre peut être visualisée en ligne, grâce à la base Atlas, qui présente 30.000 oeuvres. C’est colossal, si bien qu’il est compréhensible que les fiches laissent un peu l’internaute sur sa faim.
J’aurais aimé en savoir plus, par exemple, sur les raisons des pérégrinations des Monet, qui sont allés faire un tour à Orsay en 1986 avant de revenir dans le giron du Louvre. Avoir des précisions sur les techniques employées – quels sont les trois pastels qui imposent la pénombre ? Et pourquoi cet accrochage à deux niveaux, qui rend les toiles reléguées au-dessus bien difficiles à admirer ?
Les Monet ne souffrent pas de ce traitement. Ils sont exposés à hauteur des yeux. Trois paysages de neige, et rien d’autre, c’est assez étonnant.
Le premier chronologiquement est celui du milieu, peint début 1867 à Honfleur, la Route devant la ferme Saint-Siméon. C’est aussi le plus grand. De chaque côté, deux vues de la Seine charriant des glaçons font pendant. A gauche, une vue prise à Bougival à la fin de cette même année 1867, Glaçons sur la Seine à Bougival. A droite, la Débâcle près de Vétheuil en 1880.
Une lumière assez proche baigne les trois tableaux, une lumière grise de ciel couvert. Mais l’évolution de la manière de Monet en treize ans est stupéfiante. En 1867, c’est une jeune homme de vingt-six ans qui peint des tableaux où un certain calme règne. A Vétheuil en 1880, Monet est devenu un peintre accompli, riche d’années de recherche et d’expérience impressionniste. La toile vibre sous les coups de brosse, dégageant une incroyable énergie, celle du fleuve en crue et celle de Monet électrisé par le spectacle.
Ces oeuvres magnifiques mériteraient davantage de publicité… la lumière est tout à fait unique.