On fleurit les tombes à la Toussaint. Pourquoi ? C’est une question qu’on ne se pose même pas. On pourrait aussi bien, je ne sais pas, les couvrir de feuillages, de cendres, de sucre, de papier doré, allumer des bougies, y déposer des photos… Non. C’est à la grâce et à la fragilité des fleurs qu’incombe la tâche d’honorer nos morts.
En novembre le choix n’est pas immense, ce sont les variétés de fin de saison les plus résistantes qui tiennent la vedette. Les bruyères et tous les chrysanthèmes, jaunes, violets, mordorés, qui rivalisent d’énormité grâce au talent des obtenteurs.
On arrive au cimetière avec sous le bras les potées qui ont poussé fort à propos à l’entrée des supermarchés fin octobre. On se sent un peu embarrassé.
On retrouve la tombe avec une efficacité proportionnelle à la taille du cimetière et à la constance des visites. On pose le pot de fleurs devant, et puis… rien. On se concentre pour évoquer mentalement le disparu, on se sent un peu gauche. On s’en va.
C’est un peu court comme rituel. Il faudrait des gestes plus lents, moins furtifs pour se donner le temps du souvenir.
J’ai été saisie par cette sépulture couverte d’un somptueux manteau de fleurs. Je me suis sentie proche de cette personne aimante qui a patiemment détaché les têtes des fleurs pour les arranger sur la dalle funèbre de Robert Leclerc, décédé il y a seize ans. Le deuil sans doute s’est estompé, il reste le cadeau de ce temps passé à répandre des pétales au-dessus de la dernière demeure de la personne aimée, cette offrande de beauté éphémère.
Si on a choisi les fleurs, c’est peut-être parce qu’elles fanent et qu’elles symbolisent la brièveté de la vie.
C’est peut-être aussi parce que dans chaque fleur il y a fêlure, comme celle que laisse en nous le départ de ceux qui nous ont été chers.
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