On doit à Rodolphe Walter, principal collaborateur de Daniel Wildenstein pour le catalogue raisonné de Claude Monet, d’avoir enquêté sur la personnalité de Jean Rebière, le médecin du peintre, et de lui avoir rendu un hommage mérité. En 1986, Walter publie à la Bibliothèque des Arts une monographie qui lui est consacrée, « Le médecin de Claude Monet, Jean Rebière ».
Personne ne se souvient pourquoi ce Rémois est venu s’installer aux confins ouest de l’Ile de France, à Bonnières. Mais quand il s’y établit en 1887, il n’a pas encore achevé ses études, et il va faire toute sa carrière dans le petit bourg proche de Giverny, jusqu’à son suicide en 1930, un geste qui met fin à ses souffrances dues au cancer de la prostate.
Selon les nombreux témoignages recueillis par Walter, Rebière a laissé l’image d’un homme au physique agréable, excellent cavalier, au diagnostic sûr, au dévouement sans limite. Il n’avait au fond qu’un seul défaut, celui de se laisser envahir par une mère abusive qui, après avoir perdu son mari et son deuxième fils, n’avait plus que lui et entendait bien le garder pour elle seule. Rebière est donc resté célibataire. Ses malades étaient toute sa vie.
A l’aube de la Première Guerre mondiale, Rebière est nommé chirurgien-chef de l’hôpital auxilliaire de Bizy, à Vernon. Il organise cet hôpital de cent lits et s’occupe d’en former les infirmières, avant de prendre en charge les hôpitaux de Rosny et Villarceaux.
A quel moment exactement Rebière devient-il le médecin de Monet, qui ne demeure pas dans le canton de Bonnières mais près de Vernon, une ville où exercent plusieurs praticiens ? Une lettre de Monet de 1918 évoque Rebière pour la première fois, mais la rencontre des deux hommes remonte sans doute déjà à plusieurs années. Walter émet un hypothèse : l’excellent généraliste bonniérois a pu lui être recommandé par son chauffeur Sylvain, dont la femme est originaire de Bonnières.
C’est au moment où la santé de Claude Monet décline, à la fin de sa vie, que le rôle du Dr Rebière devient plus important. Outre sa présence sur place en « back-up » des médecins parisiens dépêchés par Clemenceau au chevet de l’artiste pour soigner sa cataracte, il diagnostique chez Monet en août 1926 une lésion et un engorgement à la base du poumon gauche.
Il est trop tard pour y faire quoi que ce soit, c’est, selon les mots de Blanche Hoschedé Monet, « un mal qu’on ne peut guérir ». Cette affection pulmonaire incurable décelée suite à une radio effectuée au cabinet du médecin, ronge Monet pendant de longs mois. Ses forces déclinent, son moral aussi, « il souffre parfois beaucoup ». Selon Walter, « Rebière semble avoir décelé un cancer du poumon (…) comme l’atteste la présence d’une tumeur » évoquée par Clemenceau dans une lettre à Blanche à la fin octobre. Ce diagnostic ne surprend guère en raison du tabagisme de Claude Monet.
De courtes rémissions permettent cependant à Monet de reprendre les pinceaux, à toutes petites doses, comme il en fait mention dans une lettre du 4 octobre 1926. Il s’éteint deux mois plus tard, le 5 décembre 1926. Rebière, présent à l’enterrement, soutient Clemenceau durement éprouvé par la perte de son ami.
En souvenir de Claude Monet, Rebière reçoit un tableau, un paysage avec des arbres. Cette toile « sera arrachée de son cadre et volée pendant la dernière guerre. » Triste point d’orgue…
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