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Avant l’eau courante

Entre 1889 et 1909, la voisine américaine de Claude Monet, Lilla Cabot Perry, qui habitait la propriété du Hameau à Giverny, a pris quelques clichés de son illustre voisin, de son jardin et de son atelier. Ces documents sont conservés dans les archives de la Smithsonian Institution et accessibles en ligne.

J’avais déjà parlé de ces photos fascinantes où l’on peut observer, comme sur celle-ci, les plantations de la grande allée, la finesse des troncs de sapin qui devaient être bien jeunes, et le joyeux fouillis des fleurs, marguerites, glaïeuls, feuilles de pivoines et d’hélianthes… Au passage, où sont les deux ifs ? Auraient-ils été plantés par Monet ?

Mais ce n’est qu’hier que mon attention a été attirée par un détail noir sur fond noir, tout à droite de la photo. Une grande roue à bras, qui ne pouvait être que la pompe à eau. Elle se dresse entre la porte principale et celle de la cuisine, ce qui est assez logique. C’est là que se trouvait le puits, aujourd’hui recouvert d’une dalle de béton. Je suppose que ce puits est là depuis plusieurs siècles, même s’il n’apparaît pas sur l’acte de vente. Est-ce le précédent propriétaire, Louis Singeot, qui l’a modernisé en lui adjoignant une pompe ? Vu le style contemporain de la maison qu’il a fait construire avant de la louer à Monet, ce serait bien son genre.

Il me semble apercevoir, au pied de la roue, une margelle de bassin et le bec du déversoir. Cette roue me paraît être celle d’une pompe à chapelet. On tourne, et l’eau monte du fonds du puits par un tuyau de cuivre, tirée par une chaine qui comporte des tampons de caoutchouc du diamètre du tuyau disposés à intervalles réguliers.

C’est beaucoup plus clair en vidéo, et il n’en manque pas car ces pompes intéressent à nouveau. Pour peu qu’on ait un vieux puits dans son jardin, elles permettent l’autosuffisance en eau, sans dépense d’électricité. En Normandie, l’entreprise Constructions d’Antan remet en fonctionnement les pompes à chapelet, mais les bricoleurs passionnés peuvent aussi le faire eux-mêmes, et les adeptes des low-tech en fabriquent avec des roues de vélo recyclées… Complètement 21e siècle ! Et quelle joie, à chaque fois, de voir l’eau couler !

Monet évoque cette pompe dans une lettre à Alice du 29 mars 1893. De Rouen, il lui écrit :

Pour n’en pas perdre l’habitude, dire à Eugène de penser à arroser bien des choses (…) et veiller à ce qu’on n’arrose pas avec de l’eau sortant de la pompe.

Lettre 1203

Un commentaire

  1. Tu connais si bien ce lieu et tu as l’oeil avisé…je ne l’aurais pas vu!!
    Belle initiative actuelle, ces pompes sans electricité,les anciens connaissaient les économies!!!

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