Claude Monet, Sainte-Adresse, 1867, National Gallery of Art, Washington
Monet a 26 ans quand il peint cette scène de bord de mer près du Havre, à Sainte-Adresse, où sa famille possède une résidence d’été. Influencé par Eugène Boudin, le jeune peintre donne une large place au ciel tourmenté. La belle saison touche à sa fin, estivants et promeneurs sont partis, ne restent que les pêcheurs près de leurs bateaux sur le front de mer.
Dans ses jeunes années, Monet anime encore ses oeuvres de petits personnages, qui invitent à se pencher de plus près sur le tableau. Qui sont-ils ? que font-ils ? Un homme porte la blouse bleue des Normands et parle avec une femme à la coiffe blanche qui tient un enfant dans ses bras. D’autres sont assis, sans qu’on comprenne à quoi ils sont occupés. A droite, un cabestan pour remonter les bateaux sur la plage montre qu’Etretat n’avait pas l’exclusivité de cette technique. Mais quels sont tous ces objets qui jonchent le sol ? Des barres de cabestan, des mats, des rames ? Pour un spectateur de l’époque, il est probable qu’ils étaient faciles à reconnaître, alors que notre oeil d’aujourd’hui peine à les décrypter.
Quinze ans plus tard, l’attention du peintre à la lumière s’est affinée. Les flots écumants observés à Pourville, près de Dieppe, font penser à ceux qu’il captera bientôt à Belle-Île. Le ciel occupe un tiers de la surface du tableau.
Il arrive toutes sortes de choses aux peintures. Selon le commissaire de l’exposition Cyrille Sciama, celle-ci présenterait un repeint à droite. Toute cette côte vert épinard ne serait pas de la main de Monet. Peut-être la mer s’étendait-elle à l’origine de ce côté du tableau ? A gauche, on a bien la touche de Monet qui croque vivement deux dames admirant le paysage. Ses belles-filles ?
Claude Monet, Falaises à Pourville, (détail) 1882, Washington, National Gallery of Art
Regardez la virtuosité. Avec une grande économie de moyen, quasiment des gravures de mode, et pleines de vie.
Invité par son frère Léon aux Petites-Dalles, Claude Monet y peint les très hautes falaises dans des couleurs vibrantes et lumineuses. La composition est coupée en son milieu pour faire ressortir le jeu du reflet. Les baigneurs et les personnages qui escaladent la pente donnent l’échelle. Voyez-vous en bas à droite une image anticipée des nymphéas, comme le suggère le commissaire de l’exposition ?
A Belle-Île-en-Mer, deux ans plus tard, Monet n’est plus distrait par les baigneurs, il n’y en a pas. Le ciel, pourtant si vaste, est réduit à une mince bande, tant l’artiste est fasciné par le combat de la terre et des flots.
Ma photo ne rend pas la somptuosité de coloris de cette oeuvre peinte à l’époque où Monet revisite des lieux qui lui sont familiers pour en tirer des séries. La touche est devenue caressante, subtile, déclinant des camaïeux tendres tout à fait époustouflants.
En bas du tableau, on aperçoit la cabane du douanier, ou cabane des pêcheurs, si souvent représentée par l’artiste. Les personnages ont déserté la toile. Si l’exposition de Giverny présente ces oeuvres de façon thématique, en fonction des sujets, ports, falaises, tempêtes, etc., les replacer par ordre chronologique montre tout le chemin stylistique parcouru par Monet en trente ans de peinture.
On ne se lasse pas d’admirer ces toiles,de plus avec tes explications,merci merci!
Dans le tableau « falaises à Pourville » une main étrangère???
J’avais lu que Boudin avait beaucoup appris à Monet pour peindre les ciels. »L’élève » avait bien retenu les leçons!
Merci pour ce post qui donne envie d’aller les voir en vrai.
Est-on certain du titre du 2ème tableau ? Celui avec le repeint. Ne serait-ce pas les falaises de Dieppe ? Le musée pourrait peut-être passer le tableau aux rayons ?
Il y a toujours une possibilité d’erreur, et il est vrai que Daniel Wildenstein le place à Dieppe (titre : Sur la falaise à Dieppe) mais à l’été 1882 Monet séjourne à Pourville avec sa famille. La National Gallery propose un fichier grand format en téléchargement, on voit très bien les coups de pinceaux, chacun peut juger par soi-même. https://www.nga.gov/collection/art-object-page.66425.html
Le site américain ne parle pas d’un repeint, c’est peut-être une impression de l’équipe du musée de Giverny. Dans ce cas, le tableau aura peut-être droit à une analyse plus poussée au retour.
Merci Ariane, pour le lien vers la nga de Washington.
Oui, en effet, c’est l’appellation (W754 Sur la falaise à Dieppe) donnée par D. Wildenstein, qui m’avait fait réagir. Celui-ci semble d’ailleurs assez catégorique, je le cite : L’appellation enregistrée par Durand-Ruel dès Janvier 1883, renvoie à la falaise entre Pourville et Dieppe. Malgré les transformations de toutes natures subies par le site, on reconnaît le Val Saint-Nicolas, valleuse « suspendue » qui se trouve sur la côte aux Hérons, face à l’entrée du terrain de golf actuel.
Je me suis amusé, sur mon moteur GPS préféré à rechercher l’itinéraire à pieds entre Pourville et le golf de Dieppe (la côte aux Hérons). Résulat : 2,2 km pour 27 minutes de marche. Performance tout à fait possible pour Claude Monet.
Non, non, je n’ai pas d’actions au Wildenstein Plattner Institue
J’essayerai de me tenir informé s’il y a un suivi d’analyse de ce tableau.
Encore merci pour ce post passionnant.
Bon, on est entre les deux. Ca donne envie d’aller voir sur place, cet été. Si ces dames sont au sommet d’une valleuse, cela expliquerait qu’elles s’approchent aussi près du bord.