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Après l’averse
Après la pluie, le jardin de Giverny s’égoutte. Les perles d’eau roulent au creux des fleurs et sur leurs pétales. Parfois elles s’attardent, en suspens, semblant résister à la gravité. Elles hésitent, en attente.
Elles ont le pouvoir de couvrir les corolles de paillettes scintillantes de lumière.
Elles s’infiltrent et se répandent, elles sont partout.
Comment font-elles pour ne pas rouler sur cette surface incurvée ? Le bord du pétale, déjà un peu bruni, révèle que la fleur n’est pas née de la dernière pluie.
Les gouttes apportent un surcroît de charme à des fleurs qui en ont déjà beaucoup, comme les digitales.
Elles sont aussi capables de transformer les plus banales des feuilles d’hémérocalles en autoroutes, sur lesquelles la circulation se fait intense.
Camouflage (bis)
A Giverny un jour de pluie…
Beauté de la pluie
En ces temps de canicule, je vous propose quelques images des jardins de Monet baignés d’humidité pour nous rafraîchir. Voilà déjà plusieurs années que les métamorphoses apportées par la pluie ou la rosée me fascinent.
Et vous, aimez-vous la douce lumière argentée diffusée par les nuages, la géométrie des ronds dans l’eau qui se percutent, le relief créé par le choc des gouttes sur la surface du bassin ?
Des perles sur ma robe
Après la pluie, les fleurs rivalisent d’élégance. Elles tourbillonnent, parées de bijoux pour le bal. La rose rose fait gonfler ses jupons.
La blanche lavatère s’anime de lumière.
Le dahlia s’est mis un brillant derrière l’oreille.
Quelle chance, il pleut !
Pour le chasseur d’images, la pluie offre des ressources que le temps sec n’a pas : il peut observer les métamorphoses dues à l’eau. Traquer les perles d’argent des gouttes, cueillir les ronds dans l’eau, s’émerveiller de la brillance nouvelle des feuilles.
Voici le reflet des bambous dans une toute petite flaque, car le sol est si bien drainé dans les jardins de Monet qu’elles ne sont ni grandes ni nombreuses. J’étais en train de soigner la mise au point, qui se dérobe dans les reflets, quand un surveillant de notre éden impressionniste m’a remarquée, de dos, dans cette position inconfortable. « Vous cherchez quelque chose, Madame Cauderlier ? » a-t-il volé à mon secours.
Je cherche le bonheur, et je l’ai trouvé. Il ne me faut pas grand chose : un peu de pluie dans les jardins de Monet.
Après la pluie
J’aime bien me promener dans le jardin de Monet après la pluie. Sous la pluie, même, si elle est douce et tiède comme ces derniers jours. Sinon, dès qu’elle s’arrête.
Les dernières gouttes font des ronds dans l’eau, ou glissent encore le long des feuilles et des branches, finissant de laver les végétaux tout luisants de propreté. L’air sent le frais. Les oiseaux se remettent à chanter.
Dans cette lumière douce d’après la pluie, quand les nuages se font moins épais, les couleurs brillent. Un rayon perce. Il fait plus doux soudain.
Après être resté fermé tout l’après-midi dans la fraîcheur de l’averse, le nymphéa hésite. Est-il raisonnable de se déployer maintenant, si près de l’heure du coucher ? Pour lui c’était un dimanche de paresse, toute une journée sans faire l’effort de s’habiller. Tant qu’à faire, autant rester en pyjama : des nuages ont déjà ravalé le soleil.
Ce mouvement lent des plantes me fascine. Une amie qui vit dans le désert m’a envoyé il y a quelques jours des images animées de la floraison des cactus, en accéléré. C’est une vraie danse que nous ne savons voir, car nous ne percevons que des images arrêtées de la transformation des plantes.
Je les regarde le long des allées, toutes ces fleurs de l’été, ces dahlias, ces rudbeckias dans leur époustouflante variété. De l’un à l’autre, selon leur degré d’épanouissement, on devine le mouvement en train de se faire. Tel pétale incurvé va s’ouvrir, à en juger par la fleur d’à côté, telle corolle dressée comme les mains au-dessus de la tête finira en jupon autour du coeur.
Et puis, il y a toutes ces dissemblances, comme autant de cadeaux. Regarde-nous ! disent les fleurs. Elles font les belles, après la pluie, elles se redressent pour être admirées. Regarde-nous !
J’obéis. Je les admire, je les compare. Tiens ! Celle-ci a un coeur marron. Celle-là est très double, quelle pile de pétales ! Et cette autre, toute simple et légère… Elles font les coquettes dans leurs robes qui tournoient.
Il n’y a plus de visiteurs dans le jardin mouillé. Les corolles des derniers parapluies ont disparu. Dans le calme revenu, la présence des végétaux se fait à nouveau perceptible, et elle me tourne un peu la tête.
A verse
L’avantage d’habiter la Normandie, la Bretagne ou le Nord, c’est que la pluie fait partie du décor. Pour tout dire, c’est un must de l’expérience touristique, un truc qu’il faut avoir connu pour bien comprendre la région.
Quand il fait beau, j’aime bien m’amuser à la souhaiter aux visiteurs. « Depuis combien de temps êtes-vous en Normandie ? Il n’a pas encore plu ? J’espère que vous aurez la chance de goûter à la pluie normande avant votre départ ! » La tête des gens. Je me dépêche d’ajouter un smiley oral, que je plaisante, que je leur souhaite le meilleur temps possible. Et de leur vanter les effets bénéfiques de la pluie, essentiels à l’économie agricole de la région.
L’autodérision, la pluie tournée en fierté chauvine, c’est ce qui nous sauve, parce qu’on le sait bien, c’est ennuyeux et triste, surtout quand le ciel est très couvert et que la grisaille pèse comme une chape de plomb.
Heureusement, souvent, l’éclairage est malgré tout joli, argenté, ménageant des trouées de lumière. Souvent, s’il pleut, c’est quelques gouttes à peine. Il bruine, il pleuviote, il pleuvine, sans mouiller vraiment. C’est la vérité brute des statistiques, il tombe moins d’eau à Giverny qu’à Nice, où les heures d’ensoleillement, c’est clair, battent celles de la Normandie de façon écrasante.
La petite pluie fine si typique du Nord-Ouest n’est pas très gênante pour les visites. Ce qui paralyse, c’est l’averse. S’il pleut des seaux, des cordes, ou comme une vache qui lève la queue, c’est le sauve-qui-peut.
Tandis que, tassé dans quelque recoin, vous risquez un oeil inquiet vers les nuages plombés, vous avez le temps de repasser toutes ces belles expressions imagées. Va-t-il se mettre à choir des chiens et des chats ? Je n’ai jamais entendu aucun anglophone prononcer cette expression (it’s raining cats and dogs) qui fait la joie des collégiens français, et je me demande si elle ne tombe pas un peu en désuétude, tout comme les hallebardes chez nous. Quand le ciel ouvre grand les vannes, ce que j’entends le plus souvent, c’est « it’s pouring ». Pour moi le verbe to pour, verser, est associé au geste de servir le thé fumant, et ça fait un peu frémir d’imaginer des tas de théières en train de déverser sur nous leur contenu depuis les nuages. Il est heureux que la pluie soit froide, finalement.
Giverny sous la pluie
Je vais vous faire une confidence, à vous qui êtes des esthètes : c’est sous la pluie que le jardin de Monet est le plus beau.
Ce n’est pas seulement parce que les ondées font fuir les visiteurs, et que le jardin, soudain, s’offre à vous presque seul. Avantage appréciable, certes, mais rien au regard de la métamorphose du lieu.
Alors, voilà. Il ne pleut pas très fort en général à Giverny. Au moment des premières gouttes, vous êtes allé vous asseoir sous le grand saule au bout de l’étang.
Les branches qui s’agitaient tout à l’heure ont fini de se balancer. La pluie chante doucement autour de vous en piquetant les frondaisons.
L’intensité lumineuse a baissé. Les yeux se reposent sous l’écran des nuages, dans la lumière argentée qu’ils diffusent.
Devant vous, sur l’étang, des cercles d’abord épars, puis de plus en plus nombreux se dessinent, et leur rondeur répond à celle des feuilles de nymphéas. Animé de cette géométrie sans cesse renouvelée, le bassin est plus hypnotique que jamais.
Il fait doux.
Sous la pluie, chaque feuille se met à briller, lustrée d’argent.
Les fleurs font des points lumineux encore plus intenses que d’habitude.
Tandis que l’humidité envahit l’atmosphère, l’ambiance se met à changer.
Vous sentez le végétal se détendre autour de vous.
En tendant l’oreille, on entendrait les plantes soupirer d’aise.
Vous respirez la bruine fraîche aux odeurs de terre et d’herbe froissée.
Un oiseau passe, rapide.
Vous êtes bien, occupé seulement à être là, parcelle de la nature autour.
Pelotonné dans la tiédeur, sous le saule, vous regardez tomber la pluie sur le jardin de Monet.
Sous les roses
A Giverny, quand il a plu, les roses grimpantes ont l’air de s’égoutter, tête à l’envers, comme des verres après la vaisselle.
C’est tout le jardin repu, soif étanchée, qui s’assèche, dans une satisfaction presque palpable.
L’air humide se gorge de senteurs fraîches.
Dans l’allée des clématites, les roses ont succédé aux rideaux de dentelle aériens, tout juste défleuris.
A l’étage en-dessous, elles s’étirent sur des supports à peine inclinés, à la façon de stores tendus pour tamiser les rayons du soleil. Leurs bouquets de couleurs tendres font oublier les lianes sarmenteuses des clématites, dépourvues de charme désormais.
Dans le jardin de Claude Monet, c’est le temps des pavots, des hémérocalles, des alliums encore.
Les jardiniers travaillent dur pour installer les fleurs d’été, encore frêles, qui prendront bientôt de l’ampleur. C’est le moment de venir à Giverny pour y puiser des idées sur la façon de composer des massifs impressionnistes, avant de les adapter à son propre jardin.
Après la pluie
Il faut les grosses chaleurs de l’été pour se souvenir comme c’est bon, la pluie, les gouttes fraîches qui vous criblent les bras nus et traversent les vêtements légers jusqu’à la peau, les filets d’eau qui ruissellent le long du visage ou des cheveux et vous chatouillent le creux du cou…
Le thermomètre affichait un bon 33° cet après-midi, un score inhabituel pour Vernon transformée en ville morte.
Et puis toute cette humidité puisée dans l’océan a fini par se déverser sur la Normandie, sur les vaches qui broutent imperturbables, sur les chemins poussiéreux et les humains alanguis.
Ouf ! On respire à nouveau, tandis que s’exhalent dans l’air du soir des parfums de terre et de foin.
Derrière les nuages qui se déchirent le ciel bleu refait son apparition.
Ce soir les flaques ouvrent des coins d’azur sous les pieds, où viennent se mirer les roses des tonnelles.
Des ronds dans l’eau
Il a plu un peu cet après-midi à Giverny. J’avais oublié comme c’était joli, les premières gouttes qui dessinent des ronds parfaits dans l’eau, puis le crépitement de la pluie sur la surface de l’étang.
Souvent l’air est baigné d’une lumière irréelle qui argente les bulles et magnifie les feuilles des nymphéas.
Me croirez-vous ? Personne ne râlait. Les visiteurs souriaient de cette promenade sous les parapluies « tellement romantique ».
C’était le jardin de toutes les eaux, celle dormante du bassin, celle si rapide du ruisseau, et celle distillée en gouttes à gouttes qui arrivait en chute libre depuis les nuages. Le premier nénuphar de l’année en a profité pour fleurir.
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