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Par la fenêtre
On reconnaît instantanément l’écriture manuscrite de Ben, tant l’artiste a su se faire connaître des plus jeunes en investissant leurs trousses et leurs cahiers de textes.
Benjamin Vautier a exposé au musée de Louviers en 2011-2012. Il en reste ce « graffiti » sur une fenêtre du premier étage, où se déroule en ce moment une belle exposition impressionniste sur les aubes et les crépuscules.
J’ai obéi. Et, magie de l’expression artistique ? regardez ce qui s’est passé : la scène n’a pas l’air d’être vraie, vous ne trouvez pas ? La place Thorel nouvellement refaite a l’air de sortir d’une plaquette publicitaire.
Les rois, les mages
C’est entendu, les rois mages n’étaient pas rois. S’ils portaient sans doute un turban, il est vraisemblable qu’ils n’avaient pas de couronne par-dessus.
J’ai quand même bien cru reconnaître deux d’entre eux à Louviers, en pleine rue.
Ils ont laissé de côté les calculs astronomiques et servent… avez-vous deviné à quoi ?
Oui, ce sont des arrêts de volets !
Sans doute cette fonction prosaïque habituellement dévolue aux bergères n’est-elle pas du goût de nos importants personnages. Regardez comme ils ont l’air de faire la tête.
Celui de gauche surtout est très renfrogné, orbites sombres, moustache de travers. Celui de droite paraît plus pensif. Il médite, paupières baissées.
Ce qui me fascine, c’est de voir à quel point les objets d’autrefois gardaient chacun une personnalité, même ceux produits en série. Ils avaient toujours un petit quelque chose d’artisanal.
On gomme aujourd’hui toutes ces infimes différences. Les objets sont identiques à l’excès, jusqu’à devenir des clones, un peu ennuyeux de monotonie.
Avenue des amoureux
Cette belle rue bordée d’arbres impeccablement alignés porte un fort joli nom : l’avenue des amoureux. Elle se trouve à Louviers, où elle relie le centre ville à la périphérie, en l’occurrence la forêt située sur le coteau. Louviers s’étend en contrebas, le long de la rivière, dans la vallée de l’Eure.
J’ignore ce qui a valu sa dénomination à cette voie ; j’aime imaginer qu’elle vient des couples d’amoureux qui passaient, main dans la main, sous les ombrages, et se dirigeaient vers d’accueillants sous-bois.
Y passent-ils encore ? En tout cas l’avenue a donné son nom à tout le quartier. Et j’aime bien l’idée de cet amour qui déborde de sa rue et se répand tout autour.
L’avenue des amoureux n’est pas luxueuse, la chaussée a ce graphisme propre aux rues soigneusement entretenues, qui paraissent joliment rapiécées, comme un patchwork : c’est que les amoureux ne roulent pas toujours sur l’or, mais qu’ils vivent d’amour et d’eau fraîche.
Si j’habitais Louviers, j’aimerais avoir une adresse avenue des amoureux. Dans le quotidien de la vie, le mot doux surgirait au détour d’un formulaire à remplir, accrocherait un sourire aux lèvres de mes correspondants, irait folâtrer dans les administrations jusque sur l’écran de mon percepteur, donnerait de l’espoir aux esseulés, mettrait un peu de baume au coeur des expéditeurs de faire-part.
Habiter là, ce serait une façon de se placer trois cent soixante-cinq jours par an sous le patronage de Saint-Valentin. Je vous souhaite de l’avoir tendrement fêté aujourd’hui.
Maison du Parlement
Comment ça marche, la mémoire collective ? Qu’est-ce qui fait qu’on croit savoir mais que parfois on colporte une erreur ? A Louviers, cette maison de la rue des Grands-Carreaux est dite du Parlement. Mais aux dernières nouvelles le Parlement ne logeait pas là mais à côté, dans la maison du bailli de Louviers rue Tatin.
Pourquoi a-t-on préféré croire que c’était celle-ci qui avait reçu le Parlement de Rouen en exil en 1562 plutôt que l’autre ? Avait-elle plus le look de l’emploi, avec ses décors gothiques ? Allez savoir.
C’est une année bien sombre, 1562 ; celle de la première Guerre de Religion. En mai, la ville de Rouen tombe aux mains des protestants de Montgomery.
Vous avez déjà entendu ce nom là quelque part ? Petit anachronisme, Bernard Montgomery est un général de l’armée britannique qui a participé à la Libération en 1944, en particulier à Vernon. Il serait apparenté au Gabriel de Montgomery qui a pris Rouen quatre siècles plus tôt.
Le Parlement, c’est-à-dire la cour de justice (on l’appelait auparavant l’Echiquier) se réfugie à Louviers, une ville sûre qui appartient à l’archevêque de Rouen. De là le Parlement veut organiser la reconquête. Une seule idée en tête, tout rétablir en l’état antérieur. Comment y arriver ? Le Parlement opte pour la répression la plus dure qui soit.
Ils sont vingt et un conseillers, deux avocats du roi et des greffiers réunis sous l’autorité d’un président. Ils n’y vont pas par quatre chemins, au point de choquer l’ambassadeur d’Espagne qui se trouve là au début octobre. En trois jours celui-ci voit » trois fois pendre soixante huguenots et un ministre (c’est-à-dire un prêtre) qui avait été maître d’école, en latin, de la plupart des conseillers. » Belle reconnaissance !
Le Parlement va (heureusement ?) bientôt pouvoir regagner Rouen : la ville est reprise le 26 octobre par les troupes royales fortes de 30 000 hommes qui la pillent.
A Louviers, la maison dite du Parlement a peu à peu usurpé la place de celle du bailli. Elle vient d’être rénovée par la ville qui s’est réservé pour un usage associatif le premier étage décoré de boiseries et de poutres peintes.
Pierre Mendès France
Pierre Mendès France est le plus connu des Lovériens.
Il s’installe comme avocat au tribunal de Louviers en 1930, à 23 ans. Sa carrière politique est fulgurante. A 25 ans, il est élu député, le plus jeune député de France. A 28 ans, il devient maire de Louviers, un siège qu’il conserve jusqu’à la guerre, puis conseiller général de Pont de l’Arche en 37.
Pendant la guerre il s’engage dans l’aviation, il est arrêté par Vichy, il s’évade et rejoint la France Libre.
Après la guerre il est appelé à de hautes fonctions nationales et internationales, il est Ministre de l’Economie et des Finances de Charles de Gaulle à la Libération, mais, critique à l’égard de sa politique budgétaire, il démissionne. Il représente la France au FMI et à l’ONU, il devient Président du Conseil en 54 et met fin à la guerre d’Indochine. Il est battu aux élections législatives de 58 qui connaissent un déferlement gaulliste. Il démissionne de tous ses mandats et quitte Louviers.
Il reste néamoins attaché à la ville, il demandera que ses cendres y soient dispersées à sa mort en 1982.
La ville de Louviers a donné son nom à la rue qui longe la mairie. Des dalles commémoratives évoquant sa biographie sont placées dans le trottoir.
Saint-Christophe
J’hésite à vous parler du Saint Christophe de Louviers tant la photo, comme la fresque elle-même, est sombre. Mais s’agissant d’une fresque du 15ème siècle non restaurée, c’est déjà un miracle de l’avoir conservée dans son état actuel. Elle se trouve à l’entrée de l’église, à côté du célèbre vitrail des drapiers.
Lors du badigeonnage général de l’église, à la fin du 18ème siècle, il disparut ainsi que les peintures polychromes dont les traces subsistent dans diverses parties de l’église. Toutefois, (…) la différence du procédé d’exécution, (…)le badigeon s’effritant, nous laissa le saint Christophe à peu près intact.
On distinguait sans doute mieux la fresque à la fin du 19ème siècle quand l’historien local Charles Dubourg s’est intéressé à elle :
Le saint, vêtu d’une tunique à plis garnie de fourrure, est armé d’un bâton noueux et tient sur sa puissante épaule l’enfant Jésus, qui appuie sur la tête du géant le globe du monde surmonté d’une croix très longue. Tout en haut de l’ogive, Dieu le père, au milieu d’une gloire, contemple la scène. Dans le lointain se trouvent encore les traces d’un paysage très compliqué et notamment à droite on aperçoit une église parfaitement dessinée, dans le goût du XVe siècle.
Le culte de Saint-Christophe est apparu au Moyen-Âge. Selon la croyance populaire, il suffisait de voir son image le matin pour être protégé des maladies et des accidents jusqu’au soir. On se mit donc à élever de gigantesques statues de Saint-Christophe aux portails des églises ou comme ici de grandes fresques à l’intérieur, près de la porte.
Il y avait deux raisons pour représenter le saint de façon surdimensionnée. Pour le voir de loin afin d’en recevoir la protection, et parce que, selon la légende, c’était un géant.
Tout part de là. Voilà un homme qui se voit si grand et si fort qu’il veut se mettre au service du roi le plus puissant du monde. Il sert d’abord un grand souverain, mais il s’aperçoit un jour que le roi se signe avec effroi quand il entend le mot diable. Si le diable lui fait peur, c’est que le diable est plus puissant, raisonne le géant ; il part donc à la recherche du diable, et le trouve bientôt.
Puissant, le diable ? Certainement, mais le géant ne tarde pas à se rendre compte que la vue d’un crucifix lui fait faire un détour. C’est donc que le Christ est plus puissant que le diable !
Le voilà parti à la recherche du Christ. Le géant rencontre un ermite et, sur ses conseils, se met à servir Jésus en aidant les voyageurs à passer un torrent impétueux.
Un jour, un enfant lui demande de traverser. Le géant le place sur ses épaules et s’engage dans la rivière. Mais soudain l’enfant se fait lourd, lourd… Le géant manque de se noyer. Au prix de gros efforts, il atteint la berge. L’enfant lui révèle alors qu’il est le Christ et qu’il vient de porter tout le poids du monde. Il le baptise « Celui qui porte le Christ », Christofero en latin.
Christophe multiplie alors les miracles les plus extraordinaires, et se révèle très difficile à martyriser par l’empereur païen. Il survit au fouet, au feu, aux flèches, avant de mourir décapité. Un dernier miracle parvient enfin à convertir l’empereur. C’est cette résistance à tous les supplices qui est la source de la superstition qui s’est attachée à Saint-Christophe.
Paradis artificiel
Août est fini. On range la plage, quai des Lavandières à Louviers…
La pelle mécanique entasse le sable dans le camion, le balai de cantonnier en fait disparaître les derniers grains. Une plage, où ça ?
La semaine dernière encore il y avait là les taches de couleur des jouets en plastique pour les bambins, des crêpes et des gaufres aussi fameuses que fumantes, des locations de barques pour se promener sur l’Eure au nez des ragondins, par delà le pont chargé de fleurs, le long des berges où s’alignent les belles demeures des patrons du 19ème siècle.
Sous le ciel gris, le saule balance ses branches en essuie-glace fugace comme pour effacer les dernières traces de l’été. Allez ! Il est temps d’oublier la plage et de préparer les cartables.
Bouffon
Quelquefois l’argot des cours de récréation a le génie de déterrer un mot oublié venu du fond des siècles, pour le propulser sans crier gare dans le 21ème. Comme les Visiteurs, le mot se sent tout bizarre dans sa nouvelle époque.
Il y a la maille, l’argent, qui était resté figée dans l’expression maille à partir, et qui a retrouvé une nouvelle jeunesse récemment, tous rhumatismes envolés, bondissant de bouche en bouche avec vivacité. C’est aussi le cas du mot bouffon.
Ce n’est pas qu’on avait oublié ce que ce mot voulait dire, mais ce qu’il désignait n’existe plus. Et le voilà qui revient tout fringant en épithète peu amène.
Pourquoi pas troubadour ou trouvère ? C’était quelqu’un de bien, le bouffon. A Louviers, on se souvient du bouffon du roi Henri IV. Il habitait ici, dans cette maison qui est aujourd’hui l’Office de tourisme. Une belle maison cossue, n’est-ce pas ?
Il s’appelait Guillaume Marchand, ou Lemarchand. Maître Guillaume, s’il vous plaît. L’homme était respecté : il était apothicaire. Pharmacien, pour parler moderne.
Amis pharmaciens qui me lisez, aviez-vous songé à cette reconversion ? Quitter votre officine pour suivre pas à pas un des grands de ce monde et tenter de l’égayer par vos traits d’esprit ?
Maître Guillaume a eu cette étonnante façon de rebondir. L’armée d’Henri IV a pris la ville de Louviers, a capturé l’apothicaire, mais ses bons mots ont su dérider le roi, qui en a fait son bouffon. Pardon : son Bouffon. Et sa maison a pris le nom de Maison du Fou du Roy. Elle vient d’être repeinte dans des couleurs qui n’inspirent pas la mélancolie.
Le Bonhomme Louviers
Ce petit personnage qui apparaît sous le porche de l’église de Louviers n’a rien de biblique. On le surnomme le Bonhomme Louviers, ou le « maqueu d’soupe », le mangeur de soupe, car il tient une écuelle à la main.
Sur le sens qu’il faut donner à cette sculpture, les avis divergent.
L’explication la plus répandue est qu’il s’agirait d’une référence à un épisode de la guerre qu’Henri IV livra en 1591 pour reconquérir son royaume. Henri IV s’assura les services d’un prêtre qui remplaçait le guetteur à l’heure de midi au sommet du beffroi, et qui ne donna pas l’alerte lorsque les troupes s’avancèrent. Le bonhomme signifierait que les Lovériens ont préféré manger leur soupe plutôt que de défendre leur ville.
Mais certains historiens remettent cette explication en cause, pour eux la sculpture du portail est antérieure à 1591 de près d’un siècle.
Autre hypothèse, les Lovériens portaient le surnom de mangeurs de soupe parce qu’ils étaient assez riches pour manger de la soupe plusieurs fois par jour.
Enfin, il pourrait s’agir d’un message adressé par le maître sculpteur à son commanditaire pour lui faire comprendre qu’il tarde à payer son dû à l’artiste !
On retrouve le Bonhomme Louviers à l’intérieur de l’édifice, sur le dernier pilier de droite près du choeur, mais il a le visage moins avenant. Il a la tête de quelqu’un qui vient de découvrir que son assiette est cassée. Au prix des objets à l’époque, c’est l’équivalent aujourd’hui de tout un plateau de vaisselle qu’on aurait fait tomber. Il y a des chances qu’on ferait triste mine, nous aussi.
Le couvent des Pénitents
C’est le monument le plus étonnant de Louviers : le couvent des Pénitents présente un étrange cloître bâti sur l’eau.
D’habitude, les cloîtres sont des endroits fermés, au calme propice à la méditation. Ils entourent un petit jardin qui offre une image terrestre du paradis.
Celui-ci rompt avec cette tradition. Deux de ses côtés étaient des ponts, et les religieux avaient le spectacle de l’eau courante de la rivière sous les yeux, plutôt que de paisibles parterres de buis taillés.
Qu’est-ce qui a bien pu pousser les Franciscains à cette solution architecturale originale, et qui sait, unique ? L’étroitesse de leur terrain rue de l’Isle ?
C’est en 1646 qu’ils commencent la construction de leur couvent de Louviers. Les bâtiments frappent par leurs dimensions considérables. Pourtant, les religieux n’y seront jamais plus de douze, ils n’en ont pas le droit. Ils se consacrent à l’enseignement et au soin des malades.
A la Révolution, l’Etat leur confisque le couvent, qui revient à la Ville. Que va-t-on en faire ? La chapelle sert d’abord de salle de réunion politique, puis de grange, avant de s’écrouler. Le bâtiment principal, quant à lui, est transformé en prison dès 1793.
Les détenus à la maison d’arrêt et de correction de Louviers étaient condamnés à des peines de moins d’un an. Mais ils ont été nombreux à souffrir de maladies dans cette geôle, et à y mourir. L’humidité due à la rivière d’Eure aggravait l’insalubrité.
La prison a fonctionné jusqu’en 1928. Aujourd’hui, ce passé douloureux est presque effacé des mémoires. Le couvent des Pénitents a trouvé une nouvelle vocation qui lui sied mieux : il sert d’école de musique.
Bureau de poste
Comment décoreriez-vous un bureau de poste, si cette tâche vous incombait ? Celui de Louviers, reconstruit après la guerre, est orné d’un bas-relief tout en hauteur, placé dans l’angle du bâtiment.
C’est l’ancien conseiller municipal R. Delamarre qui l’a exécuté en 1954. Il représente Iris, messagère des déesses de l’Olympe en compagnie de quelques oiseaux qui évoquent peut-être les pigeons voyageurs.
Au-dessous, des cavaliers et des voitures à cheval figurent les relais de poste de l’Ancien Régime.
Tout en bas une noble dame, la plume à la main, termine un courrier. La citation qui l’accompagne aide à l’identifier :
Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus…
Ce sont les premiers mots d’une savoureuse lettre de la marquise de Sévigné où elle raconte la mésalliance de Mademoiselle, cousine du roi.
Dans les villes de l’Eure bombardées pendant la deuxième guerre mondiale, la reconstruction s’est faite selon une charte que l’on a volontiers qualifiée de régionaliste, par opposition à l’option moderniste adoptée au Havre, par exemple, où dominent les grands ensembles.
Dans l’Eure les urbanistes de l’après-guerre ont voulu conserver le caractère des petites villes en imposant un nombre limité d’étages, des toits en pente couverts de tuiles ou d’ardoises, et en recommandant d’utiliser la brique pour souligner les chaînages des façades.
On commence tout juste à s’intéresser à cette architecture de la Reconstruction. Si elle n’est pas dépourvue de raideur, elle présente toutefois des réalisations harmonieuses dans le droit fil du style Art Déco qui prévalait quelques années plus tôt.
Un nouvel emploi pour sarco
En visitant le beau jardin public ancien de Louviers, je suis restée stupéfaite devant ce spectacle. Vous avez reconnu ce qui sert de pot de fleurs ?
J’essaie de me convaincre que les jardiniers ou les édiles ont eu raison. Allons, un peu de terre et d’eau ne risque pas d’abîmer ce sarcophage mérovingien. Quelle plus belle image que de voir naître, de nos cendres, des fleurs ?
J’essaie, mais il y a dans la désinvolture du remploi du cercueil quelque chose qui me choque. Cette façon de poser le couvercle à cheval sur le côté comme une boîte de chocolats. Regardez donc ce qu’il y a à l’intérieur, surprise !
Voilà, c’est un objet qui a treize siècles environ, et qui encombre notre époque. Que faire des témoignages du passé quand ils ne sont pas dans les musées ?
Que vaut-il mieux, laisser ce sarcophage comme échoué dans un coin de parc, ou le détourner en le fleurissant, oublier sa vocation première pour lui attribuer une fonction purement décorative ?
Toujours cette lancinante question du patrimoine. Comment vivre aujourd’hui entourés de ce que nous ont légué les siècles passés ?
Reflets dans la nef
Il y a des reflets dont la vue serre le coeur. Voici ceux que l’on peut voir dans la nef de l’église de Louviers, un jour pluvieux comme aujourd’hui. On patauge dans les flaques d’eau, tandis que de grosses gouttes continuent de tomber des voûtes noircies par l’humidité.
Des travaux de restauration sont en cours depuis près de dix ans. Ce sera, comme aurait dit le docteur Knock de Jules Romain, très long et très coûteux. D’autant qu’on s’entoure de précautions et qu’on affine les études préliminaires de manière à éviter les restaurations désastreuses comme celles du 19ème siècle, qui causent des déboires aujourd’hui.
L’un des bas-côtés, au nord, a déjà été refait, une fois les problèmes d’étanchéité résolus. Le contraste avec la nef et le bas-côté sud est spectaculaire.
En dépit de ses voûtes fissurées, l’église de Louviers reste impressionnante par la richesse de son mobilier sculpté, sans parler de sa façade sud dans laquelle le gothique flamboie de ses derniers feux.
Le vieux Louviers
Malgré de douloureux bombardements lors de la seconde Guerre Mondiale, Louviers a conservé une bonne partie de ses vieux quartiers. Une courte promenade permet de s’en donner une idée.
Prenez comme point de départ l’église Notre-Dame, facile à repérer. Derrière elle s’ouvre la rue du Quai, récemment remise en beauté. Elle est bordée de chaque côté de maisons assez hautes, certaines à pans de bois.
Sur la droite, une des plus anciennes est datée de 1431. C’est le manoir de Bigards, qui donne son nom à un jardin public. Entrez dans le jardin et prenez le temps d’admirer ce beau bâtiment en colombages et briques, orné de niches et de lucarnes.
Le parc est animé par le passage des eaux vives de l’Eure, qui circulent entre vannages et lavoir, en clapotant au pied de plusieurs petits ponts. Si vous vous retournez vers le manoir, c’est toute l’histoire de Louviers qui se trouve résumée en une image, la bâtisse du 15e siècle, l’eau qui danse, et au fond une des dernières cheminées d’usine encore debout.
En traversant le parc, on arrive rue Ternaux, du nom d’une ancienne manufacture de draps installée sur les bords de l’Eure. La rue Ternaux a gardé ses pavés polis et de vénérables maisons. Sur l’une d’entre elles, les colombages sont recouverts d’essentes pour les protéger de la pluie.
Au bout de la rue Ternaux, on débouche sur les vestiges du cloître des Pénitents. Les bâtiments conventuels abritent aujourd’hui l’école de musique. Il ne vous reste plus qu’à remonter vers l’église toute proche en passant devant la Poste et son bas-relief monumental.
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