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La statue d’Ernest Meissonier

La statue d’Ernest Meissonier par Antonin Mercié, 1895 – Parc Meissonier, Poissy

Quatre ans après sa mort en 1891, le peintre académique Ernest Meissonier, qui fut la gloire de la ville de Poissy, a eu droit à sa statue. Juché sur un socle qui le place à plus de trois mètres de hauteur, l’artiste à la barbe de Dieu le Père se tient la tête, le petit doigt posé sur le sourcil.

Pour le réaliser, le sculpteur Antonin Mercié s’est inspiré de l’autoportrait de Meissonier qui le montre dans la même pose pensive. Mais si dans le tableau le peintre a l’air de réfléchir, son effigie de marbre donne plutôt l’image de l’accablement. La palette à la main, Meissonier semble se demander ce qu’il fait là.

Est-ce la débauche de couleurs étalées à ses pieds pour l’honorer qui le plonge dans un tel désarroi ? Ou regrette-t-il quelques-unes de ses prises de position, contre la tour Eiffel, contre les impressionnistes au Salon, contre Monet, qui fut un temps son presque voisin ?

Meissonier fait maintenant face à la route où il regarde défiler les voitures de la modernité. Il tourne le dos au parc qui porte son nom, si bien que pour qui arrive de ce côté, la statue a un aspect assez étrange : on y lit Iena 1806, Friedland 1807, Campagne de France 1814, et la mention du Général Desaix achève de convaincre le promeneur qu’il est face à un monument qui commémore les hauts faits d’un militaire.

Le passant fait alors le tour, et découvre cette attitude avachie rien moins que martiale. Pauvre Meissonier !

Monet à la Villa Saint-Louis

La maison où vécurent Claude Monet, Alice Hoschedé et leurs enfants à Poissy est visible depuis le train quand on circule de Paris à Giverny. Elle s’élève au bord de la Seine, tout au bout du cours du 14-juillet.

Sur place, on peut prendre le temps de lire l’hommage de la ville de Poissy à Monet.

On peut descendre au bord de l’eau dont Monet a su si bien capter la teinte glauque, goûter la sérénité de l’endroit, s’étonner qu’une inondation ait pu monter jusqu’au rez-de-chaussée de la maison.

On peut apprécier l’alignement remarquable des tilleuls du cours du 14-juillet, dignes descendants de ceux immortalisés par Monet depuis sa fenêtre.

Et c’est à peu près tout. La villa Saint-Louis reste mystérieuse derrière son portail clos.

L’internet est plus indiscret. La maison est passée en vente en juin 2021. On apprend qu’elle possède 10 pièces, totalise 330 m2 et dispose d’un vaste jardin. Quelques photos permettent de se faire une idée des pièces à vivre et de la façade côté parc.

Les Hoschedé-Monet occupaient-ils la totalité de la maison ? J’ai retrouvé sur le site des archives départementales des Yvelines le recensement de 1881 qui les concerne :

Alice se déclare journaliste !!! Est-ce la mécompréhension de l’agent recenseur ? Ernest, l’époux d’Alice, travaille comme journaliste à cette époque. Ou bien Alice a-t-elle réellement publié quelque chose ? Si oui, sous son nom ou sous un pseudo, comme c’était courant, en particulier pour les femmes ? Ou veut-elle poser en femme indépendante, puisqu’elle ne peut plus se dire rentière ? Elle est notée comme chef de famille. Le document prend acte qu’Ernest ne vit pas avec elle.

Le recensement révèle qu’Alice emploie deux domestiques, Marie Cognard et Jeanne Mihoras, toutes deux âgées de 22 ans. « Sa bonne », précise deux fois l’agent recenseur, c’est-à-dire qu’il ne précise rien du tout des tâches qui leur étaient dévolues en tant que bonnes à tout faire. Mais ce sont clairement les employées d’Alice et non de Monet.

Viennent ensuite les noms de Monet Claude, peintre, chef de famille, et ses deux fils Jean et Michel. Enfin, logés sous le même toit, vivent encore deux couples, qui semblent n’avoir rien à faire avec les Hoschedé-Monet : les Baudu, dont monsieur est employé aux bains publics, et les Cassier, qui gagnent leur vie en tant que journalier et journalière. Cela porte à 16 les occupants de l’immeuble.

Et voici, grâce au site cartorum, le quai le long de la Seine et la villa Saint-Louis au fond, au début du XXe siècle.

Monet à Poissy

Sous-Bois dans la forêt de Saint-Germain, 1882, Yamagata Museum of Art, Japon

On ne connaît que quatre tableaux de Monet peints à Poissy, maigre production pour une ville où le peintre a habité pendant un an et demi. Et encore l’un d’entre eux représente-t-il la forêt voisine de Saint-Germain. Le peintre l’a conservé pendant quinze ans avant de l’offrir à W. H. Fuller, critique d’art new-yorkais qui lui consacre dès 1899 une monographie de 52 pages intitulée Claude Monet and his paintings. Le tableau porte au dos l’inscription : « Sous-bois, forêt de Saint-Germain. A mon ami M. W.H. Fuller, Claude Monet, 9 juillet 97 ».

Les Tilleuls à Poissy, 1882, collection particulière

Sans exclure l’hypothèse que certaines toiles ont pu se perdre ou être détruites, le nombre de celles qui nous sont parvenues est si restreint qu’il interroge. Pourquoi, alors que Monet s’est montré si productif à Vétheuil, alors que la ville de Poissy elle-même, sur les berges de la Seine, ne manque ni de charme ni de motifs à peindre, pourquoi donc le peintre produit-il si peu ?

Fait curieux, les trois tableaux qui représentent Poissy ont été brossés par Monet depuis la fenêtre de la maison où il s’est installé avec sa famille en quittant Vétheuil, la villa Saint-Louis. L’un dépeint les tilleuls plantés sur le cours du 14-Juillet, mais vus d’en haut. Les deux autres figurent des pêcheurs dans leur barque, en contrebas de la maison.

Les Deux Pêcheurs, 1882, collection particulière

On dirait que Monet n’ose pas mettre le nez dehors, lui toujours si prompt à aller peindre en plein air. Et il n’aura de cesse dans ses courriers de se plaindre de « cet horrible Poissy », sans jamais expliquer vraiment pourquoi il ne s’y plaît pas.

Pêcheurs à la ligne sur la Seine à Poissy, 1882, Österreichische Galerie, Vienne

Nous en sommes réduits aux conjectures. S’il est probable qu’il n’y a pas une cause unique mais un ensemble de facteurs à l’origine du malaise de Monet à Poissy, l’une de ces raisons pourrait bien être la présence dans la ville d’un peintre adulé par ses contemporains : Ernest Meissonier.

De 25 ans son aîné, le Pisciacais est tout ce que Monet n’est pas. Il s’est fait connaître en peignant d’aimables scènes de genre historiques, mousquetaires attablés dans des tavernes, hommes du XVIIIe siècle jouant aux cartes… Meissonier a un ahurissant sens du détail. Il peint avec une minutie extraordinaire. Le spectateur qui regarderait ses tableaux à la loupe pourrait distinguer les moindres particularités du costume représentées avec fidélité, car le peintre se livre à des recherches infinies pour s’assurer de la justesse historique des accessoires. Tout est longuement mûri dans l’atelier, posé, d’une virtuosité inouïe et dénué de toute spontanéité.

Ernest Meissonier, Un jeu de piquet, 1861, Musée national du Pays de Galles

Comme si cette opposition stylistique ne suffisait pas, Meissonier a la critique à ses pieds, il est couvert d’honneurs, il vend à des prix astronomiques, et, comble du comble, il va plus d’une fois siéger au jury du Salon qui rejettera Monet.

On peut comprendre que ce dernier ne tienne pas à le croiser dans la rue. Je crois même que cela va plus loin et que l’on peut avancer cette hypothèse : si Monet ne peint pas en plein air à Poissy, c’est qu’il veut s’épargner les remarques désobligeantes des passants Pisciacais. Le public local est plus qu’un autre piqué de peinture, pro-Meissonier à cent pour cent, et fermé aux recherches novatrices de Monet. Planter son chevalet dans la ville, c’est être assuré d’essuyer des quolibets. On a beau se moquer des moqueries, tout de même, ça déconcentre.

Monet à Poissy

La maison habitée par Claude Monet à Poissy, YvelinesClaude Monet a habité la ville de Poissy, dans les Yvelines (on disait alors la Seine-et-Oise) de décembre 1881, date où il quitte Vétheuil, à avril 1883, où il emménage à Giverny.
Poissy est situé sur la rive gauche de la Seine à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Paris. La ville est célèbre pour avoir vu en 1214 la naissance et le baptême du roi Louis IX, autrement dit Saint-Louis. Aujourd’hui, le bon roi est toujours omniprésent dans la cité où son nom est utilisé par toutes sortes de commerces.
La maison que Monet loue à Poissy pour y vivre avec ses deux fils, sa compagne Alice Hoschedé et les six enfants de celle-ci s’élève au bord du fleuve, face à une île. Elle s’appelle inévitablement la villa Saint-Louis.
C’est une demeure bourgeoise typique de l’époque, presque aussi large que longue, couverte d’un toit d’ardoises percé de lucarnes.
Elle porte une plaque discrète sur laquelle on peut lire : « Je ne veux que peindre la beauté de l’air. Ici vécut le peintre Claude Monet de décembre 1881 à avril 1883. Hommage de la Ville de Poissy. »
Quand on voit cette belle et vaste bâtisse admirablement située au bord de l’eau, sur une placette à deux pas du centre ville et de la gare, on se dit que Monet a bien choisi sa maison. Lui qui aimait tant l’eau et la nature, il avait tout pour être heureux ici. Les motifs ne devaient pas manquer, la Seine et l’île en face, le pont, la belle église et ses deux clochers romans… On imagine les quatre bateaux de la famille amarrés en bas du talus, prêts à servir pour partir peindre.
Mais en fait, Monet va très peu produire à Poissy. Quand on a des tourments, aucun séjour ne saurait être agréable. Malgré le charme du lieu, Monet passe le moins de temps possible dans la maison, il fuit « cet horrible Poissy » où il se sent de trop.
La situation est devenue très ambiguë depuis qu’Alice et lui ont quitté Vétheuil. Vivre sous le même toit est très compromettant. S’il est maintenant veuf, elle est toujours la femme d’Ernest Hoschedé, et tiraillée entre son devoir d’épouse et ce que lui dicte son coeur. Monet, qui vit dans une douloureuse incertitude, passe donc beaucoup de temps à peindre sur la côte d’Albâtre, à Pourville ou à Etretat.
Et puis, bientôt, il faut quitter Poissy. Fidèle à son habitude, la famille y vit au-dessus de ses moyens. Monet est incapable de payer le loyer de cette maison cossue, et ce sera encore son marchand Paul Durand-Ruel qui devra le secourir pour lui permettre de déménager à Giverny.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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