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Rentrée
Jean-Pierre Hoschedé et Michel Monet dessinant, Claude Monet
Parmi les oeuvres et documents ayant appartenu à son père que Michel Monet a légués au musée Marmottan figurent plusieurs carnets de croquis. Monet les utilisait pour se souvenir d’une composition intéressante, ou pour saisir rapidement une scène.
Le voici, père et beau-père, croquant les deux plus jeunes de la maison, qui ne le regardent pas. Ils sont tout à leurs dessins, absorbés par la tâche.
Peindre d’autres peintres, dessiner d’autres dessinateurs, la mise en abîme est classique, surtout à cette époque. Monet lui-même est pris par Renoir ou Manet en train de peindre, il peindra plus tard Blanche devant son chevalet.
Comme Monet quand il est au travail, la concentration des enfants est totale. Ils sont penchés en avant pour mieux voir. Il ya de l’innocence dans leurs joues rondes, et une complicité fraternelle qui s’exprime dans leur proximité : les deux enfants sont assis si près l’un de l’autre qu’ils se touchent.
Lequel des deux est Jean-Pierre, lequel Michel ? Qui est le gaucher de la famille, à une époque où cela était contrariant, et contrarié ?
« Carnets de croquis destinés à de futurs tableaux », note en légende Daniel Wildenstein dans son catalogue raisonné de l’oeuvre de Monet, à propos de ces dessins. Mais Monet n’a jamais peint d’huile inspirée par ce croquis des enfants. Peut-être voulait-il simplement capter l’atmosphère particulière de cet instant. Un parfum de rentrée des classes.
Combien coûte un Monet ?
Plusieurs toiles de Monet ont changé de main cette semaine. Cela n’était pas arrivé depuis longtemps et permet de mesurer la cote d’amour du chef de file de l’impressionnisme auprès des investisseurs.
Le feu d’artifice a commencé lundi chez Christie’s, à Londres. Les arceaux de roses, Giverny (1913), ont été adjugés pour 8 millions de livres. C’est une vue du débarcadère du bassin aux nymphéas prise au moment où les rosiers grimpants sont en fleurs, exactement comme maintenant. Elle ressemble beaucoup à celle-ci, qui se trouve au Phoenix Art Museum, dans l’Arizona.
Un autre Monet, Waterloo bridge, temps couvert (1901) a triplé son estimation en atteignant 17,9 millions de livres sterling (26,5 millions d’euros). En 1899 et en 1901, Monet séjourne à Londres au Savoy Hotel d’où il peint la vue sur le pont Waterloo qui s’offre à lui par la fenêtre. Il est pris d’une frénésie de série, cet ensemble de toiles compte plus d’une quarantaine de tableaux du même motif, retraçant les variations de la lumière et des conditions atmosphériques.
Mais le record de vente était encore à venir. Mardi, le concurrent de Christie’s, Sotheby’s, mettait en vente un Nymphéas qui n’avait pas été montré au public depuis 1936.
Devinez combien il s’est vendu ? 18,5 millions de livres. Soit 27,4 millions d’euros, ou si vous trouvez ça plus parlant, 180 millions de francs.
C’est le deuxième Monet le plus cher de toute l’histoire de la peinture.
Je ne sais pas si ça vous cause, tous ces chiffres, personnellement quelle que soit la monnaie je n’arrive pas à imaginer une pareille somme d’argent. A la louche, ça représente une centaine de maisons au prix moyen de l’immobilier à Vernon. Ou plus d’un millier de voitures flambant neuves. Ou plusieurs vies de labeur.
Vous voulez que je vous dise ? Ca fait cher. Faudrait voir à faire attention, la prochaine fois au musée, de pas rayer la peinture.
Zaandam
Zaandam est à Amsterdam ce qu’Argenteuil est à Paris : une banlieue autrefois riante qui est devenue très industrielle et urbaine.
« Monet a peint chez nous, nous venons de Zaandam », m’ont dit deux visiteurs hollandais, et ce nom m’a aussitôt évoqué une maison verte au bord de l’eau et des multitudes de moulins.
Zaandam se situe au nord d’Amsterdam le long de la rivière Zaan, dans une région de polders.
Il y avait des centaines de moulins à Zaandam autrefois, il en reste une vingtaine soigneusement préservés. Les moulins prenaient feu à la première occasion, la foudre par exemple qui les menaçait beaucoup dans ce pays tout plat, c’est pourquoi la plupart ont disparu. Le meunier devait être vigilant et surveiller que son moulin n’allait pas trop vite, pas trop fort, sinon les meules risquaient d’émettre de dangereuses étincelles.
Les moulins servaient à toutes sortes d’usages : pomper l’eau des terres situées sous le niveau de la mer, broyer et moudre la moutarde, les pigments, fabriquer de l’huile… Nous avons l’image de moulins s’élevant au milieu des champs, et nous les associons spontanément à une activité agricole, mais ils étaient des sources d’énergie utilisées à toutes sortes de fins. Ce n’est pas étonnant que la région de Zaandam ait évolué vers l’activité industrielle.
Aujourd’hui les immeubles et les usines ont remplacé les champs. La maison verte (« Maisons au bord de la Zaan à Zaandam ») existe toujours, c’est une belle demeure au bout d’une rangée de maisons à pignons plus récentes.
Dans un autre tableau, « Zaandam », Monet a représenté un bateau à voile et deux maisons le long de la berge. « La maison jaune est appelée la maison de thé. Les riches se faisaient construire des pavillons dans leur jardin où ils allaient prendre le thé. » Le pavillon de thé a survécu lui aussi, mais il n’y a plus de voiliers, tout au plus des péniches. Les arbres des jardins ont cédé la place à des constructions.
C’est à l’été et l’automne 1871 que Monet fait un premier séjour en Hollande. Il revient de Londres où il s’est réfugié pendant la guerre franco-prussienne. Il peint 24 toiles à Zaandam ou aux environs, des moulins avec des bateaux, des maisons le long de la rivière, et pour finir le portrait d’une demoiselle nommée Guurtje van de Stadt, fille des négociants chez qui Monet demeurait.
Ce serait lors de ce séjour qu’il aurait eu la révélation des estampes japonaises et commencé sa collection.
365ème billet
Ce « coin d’appartement » (musée d’Orsay, Paris) est le 365ème tableau peint par Claude Monet. On est en 1875, Monet a 35 ans, il vit dans une maison à Argenteuil avec sa femme Camille et leur fils Jean. Ce n’est pas la fortune mais ça va, c’est une période assez sereine et très productive.
Monet s’est placé dans la véranda de la maison, où il fait pousser des plantes dans des pots de porcelaine chinoise. Ce premier plan vivement éclairé, très décoratif, est traité en teintes claires et gaies. Il encadre comme un rideau de théâtre les personnages de l’arrière-plan laissés dans la pénombre, représentés par une palette sourde et foncée.
Le petit Jean, debout dans son beau petit costume, regarde avec patience en direction de son père qui le peint. Camille, reléguée tout au fond, se confond avec les murs et la fenêtre. La lampe à pétrole a plus de présence qu’elle.
Qu’est-ce qui a séduit Monet dans ce coup d’oeil depuis la véranda ? Est-ce la composition insolite inversant les valeurs d’ombre et de lumière (l’ombre au centre, la lumière sur les côtés, alors que c’est l’inverse d’habitude) ? Est-ce la symétrie qui transmet un sentiment d’équilibre familial ?
Nouveau retournement dans le tableau 366, cette fois c’est Camille qui se trouve dans la véranda et Monet dans le couloir. Camille est occupée à broder sur un métier, toute la scène est bien éclairée sauf le coin de rideau qui se trouve maintenant à contre-jour.
Avec ce 365ème billet, je boucle aujourd’hui la boucle de la première année de blog, et la coïncidence du catalogue raisonné de Monet avec mon propos est d’une pertinence extraordinaire. Penchée sur le clavier comme Camille sur son métier, je brode dans un cadre bien délimité, exposée en pleine lumière. Ami lecteur, tu préfères rester dans l’ombre, attentif ou en retrait. C’est celui qu’on ne voit pas, c’est Monet qui fait le lien.
Cher lecteur, MERCI d’être là, de partager avec moi ton intérêt pour l’art, le patrimoine ou la nature. Merci de me faire savoir que tu apprécies ce que tu lis en mettant si systématiquement ce blog parmi tes favoris, merci d’en lire autant de pages. Et merci de participer, à titre individuel, à cette audience quotidienne à quatre chiffres qui me tire tellement vers l’avant. Bonne lecture.
Meules de foin
L’air embaume le foin coupé autour de Giverny. Le temps chaud de juin favorise le séchage de l’herbe. Le calendrier des travaux agricoles reste immuable, même si l’opération est entièrement mécanisée aujourd’hui et que les meules façonnées à la fourche ont disparu.
Ces deux toiles ont été peintes par Monet au même endroit à un an d’intervalle, en 1884 et 1885.
La première, Meules à Giverny (numéro w0902 du catalogue raisonné) fait partie d’une mini série de trois tableaux sur le même thème, avec des variations de lumière : au soleil, par soleil voilé, le soir.
Monet reprend le même sujet l’année suivante dans Les Meules à Giverny (w0993), pour une nouvelle déclinaison en trois tableaux. On remarque que le temps a passé aux changements dans la végétation. Les peupliers du fond, élagués en 1884, ont repoussé.
Mais le détail le plus intéressant, c’est l’apparition de personnages dans la gauche du tableau. On dirait que Monet a trouvé que quelque chose manquait dans les toiles des 1884. Les arbres ne suffisent pas à donner l’échelle pour permettre à l’oeil d’évaluer la taille réelle des meules. Cette fois, les silhouettes minuscules de plusieurs membres de sa famille (Alice, Germaine, Jean-Pierre et Michel), font ressortir le gigantisme des tas de foin. D’autant plus que Monet triche un peu en plaçant les personnages à mi-chemin entre les deux meules, et non pas au premier plan.
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