A Giverny, ça y est ! Les nymphéas sont en fleur dans le bassin du jardin d’eau de Claude Monet.
Les ilôts de nénuphars qui flottent à la surface du bassin s’ornent de couronnes de pétales roses, jaunes et blanches. A l’image de Claude Monet, on peut se perdre dans la contemplation des sortilèges du bassin.
Le nom de nymphéa choisi par Monet pour désigner tous ses nénuphars ne s’applique selon le Petit Robert qu’au seul nénuphar blanc. Toutefois, la diphtongue en éa sonne de façon plus légère et gracieuse que la terminaison en « ar », une désinence souvent péjorative. Pour nos oreilles contemporaines, les « éa » sont même furieusement à la mode pour les petites filles, d’Océane à Léa. A quand des petites Nymphéa ?
Le Robert nous informe que le nénuphar blanc s’appelle aussi lune d’eau. Quel pouvoir évocateur dans cette appellation ! Je me demande si Monet la connaissait.
Pour les Allemands, les nénuphars sont des roses de lac (Seerosen), pour les Anglais des lys d’eau (water lilies). Voilà de quoi rêver en les regardant flotter sur l’étang.
Une autre comparaison onirique est celle que propose Charles F. Stuckey dans sa monographie consacrée aux Nymphéas de Monet (Gründ). Le mot nymphéa dérivant de nymphe, il suggère une interprétation allégorique des tableaux de Monet. On pourrait y voir une analogie avec certaines oeuvres de ses contemporains, les Grandes Baigneuses de Renoir, les Grandes Baigneuses de Cézanne, ainsi qu’un tableau de grand format de Berthe Morisot représentant deux nymphes flottant dans une mer de nuages, d’après Boucher.
Le plus amusant, c’est l’explication qu’il donne pour justifier cette analyse. Monet se serait rabattu sur une représentation allégorique du corps féminin par absence de modèle.
D’après les enfants de Paul Durand-Ruel, le marchand de Monet, le peintre souhaitait abandonner l’étude du paysage pour celle de la figure. Il voulait même engager une jeune Parisienne, mais Alice, apprenant cela, aurait opposé son veto : « Si une femme entre ici, je sors de la maison ». La pieuse Alice ne badinait pas avec la morale !
La chronique de Bernard Frank dans le Nouvel Observateur de cette semaine (du 29 juin au 5 juillet 2006) constitue en elle-même un excellent pont (comme le pont japonais de chez Monet, naturellement) entre la chronique d’Ariane consacrée aux Nymphéas, et celle qu’elle vouait récemment aux orchidées. On y apprend notamment que le cher Marcel (Proust) orthographiait "nénuphar" en "nénufar" (ce qui me fait immanquablement penser à Putifar), et "cattleya" (orchidée sud-américaine) en "catleya". J’aime particulièrement la constatation rapportée de Proust : "Hélas, il n’y a pas de certitudes, même grammaticales". Il n’y a que du rêve, et de la matière à rêve.
J’aime bien l’idée d’une orthographe malléable, évolutive, mouvante. Et puis c’est terrible les certitudes, c’est avec cela que l’on fait des guerres.
hello
je voulais savoir si qlq pouvait me dire jusqu a quand environ les nenuphars seront en fleurs car mon patron voudrait les photographier.
merci d avance a ceux qui me repondront
Les nénuphars fleurissent tout l’été.
merci
Bonjour, il se peut que Claude Monet est lu Nymphée de J.-H. Rosny aîné de 1893 avant de commencer à peindre les Nymphéas en 1899?
Vous trouverez le manuscrit à l’adresse suivante : fr.wikisource.org/wiki/Ny… Qu’en pensez vous?
Bonne lecture, bonne histoire de l’art et bonne recherche.
Claude Picard, Bordeaux.
Pourquoi pas ? Je crois que Monet était lui aussi proche des Goncourt. Il lisait beaucoup, il a laissé une bibliothèque de 600 livres. La prochaine fois que je me trouverai devant, je jetterai un coup d’oeil à la lettre R. Qoui qu’il en soit je ne crois pas qu’on puisse y voir une influence. Le nénuphar est dans l’air du temps à l’époque de l’art nouveau.