Journée de souvenir, qui donne lieu à jour férié et cérémonies solennelles dans toutes les villes, notamment à Vernon.
C’était au début du siècle dernier, une guerre absurde, longue et meurtrière. La mémoire directe s’en perd. Les combattants sont morts, ceux qui étaient enfants à cette époque s’éteignent à leur tour. Bientôt, il ne restera que le souvenir du souvenir.
Dans ma mémoire vivante se mêlent deux mémoires aujourd’hui disparues. Un être cher de chaque côté du front.
Je me rappelle ma grand-mère, née en Alsace en 1901, donc née Allemande. Pendant la Première Guerre Mondiale, elle avait tricoté des chaussettes pour les soldats. On lui avait appris à l’école. Elle a gardé ce savoir-faire toute sa vie. C’était la reine de la chaussette, celle qui se tricote à quatre aiguilles réversibles dans une laine défiant tous les hivers. Quinze ans après sa mort toute la famille en a encore, de ces chaussettes inusables.
Je me rappelle le grand-père de mon mari, né en 1908 en Normandie, donc Français. De la Première Guerre Mondiale, il racontait l’Armistice. Sa mémoire d’enfant a été marquée à jamais par les cloches de la cathédrale sonnant à toutes volées, interminablement.
Le jour de l’Armistice a été choisi comme date de commémoration. Fin de la guerre, heure du bilan. Honneur aux morts. Mais le 11 novembre 1918, d’autres sentiments animaient les coeurs. Chaque année, je repense à ce souvenir de cloches.
« Elles ont sonné pendant des heures et des heures »… La sonnerie n’était pas motorisée, en ce temps là. Il fallait tirer sur les lourdes cordes. Il a dû se trouver des dizaines de tout jeunes gens, de vieux messieurs, de femmes peut-être, pour venir le faire à tour de rôle, dans une ambiance de joie folle que l’on ne peut même pas se figurer. Quand le cauchemar prend fin, que l’avenir à nouveau peut exister, quel meilleur exutoire y aurait-il à l’envie de bouger ses muscles et de crier sa joie que de faire sonner les cloches, à s’en crever les tympans ?
Commentaires récents