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Monthly Archives: mars 2007

Le Musée nationale de la Céramique de Sèvres

Vase monumental, Musée nationale de la Céramique de SèvresDe quelle couleur est ce vase ? Il vous paraît rose, n’est-ce pas ? Mais peut-être que, si vous allez le voir au musée national de la céramique à Sèvres, vous aurez l’impression qu’il tire plutôt sur le vert.
Cet énorme objet de plus d’un mètre de haut a été fabriqué dans la manufacture de Sèvres en 1883, en porcelaine dure dite « pâte changeante » : quand on le regarde à la lumière électrique, le vase est rose, tandis qu’il est vert céladon en éclairage naturel.
Ce fleuron de la manufacture accueille les visiteurs du musée à l’entrée des collections de porcelaine, et c’est un festival étourdissant de tout ce qui s’est fait de plus raffiné en la matière depuis plusieurs siècles, dans une débauche de décors minutieux et de dorures.
On doit à Louis XIV d’avoir imposé la faïence sur les tables des nobles, qui ne juraient auparavant que par la vaisselle d’orfèvrerie. Le métal précieux a trouvé un meilleur usage dans les coffres royaux… pour le plus grand bonheur des manufactures de faïences, qui connaissent dès le début du 18e siècle un essor sans précédent. De Marseille à Rouen et à Strasbourg, la vaisselle se pare de délicats motifs de fleurs, surtout des roses et des tulipes.
Sèvres est une manufacture de porcelaine créée plus tardivement, par Louis XV : vers 1770, on perce enfin le secret des porcelaines chinoises si fines et translucides, composées de kaolin, de quartz et de feldspath.

La manufacture de Sèvres fonctionne toujours, mais sa production est réservée à une élite capable de s’offrir des pièces de vaisselle dont les prix s’expriment avec trois ou quatre chiffres.
Beaucoup plus abordable, l’entrée au musée voisin permet de découvrir les différentes productions de céramiques à travers le globe, des grès japonais aux carreaux islamiques, des pavés de terre cuite aux statues religieuses.
Il faut moins d’une heure pour se rendre de Giverny à Sèvres. Le musée est situé tout près de la sortie du tunnel de Saint-Cloud au bout de l’autoroute de Normandie, l’A13. Il suffit de prendre la sortie Boulogne-Billancourt et de longer la Seine vers la droite sans la traverser.

Parlez-vous français ?

Le Béguinage de BrugesJe suis allée à l’étranger ce week-end. A Bruges. Cela faisait plusieurs lustres que je rêvais de cette destination, probablement la plus belle ville de Belgique, et j’ai fait toute la visite avec un sourire extatique semblable à celui qu’on voit souvent aux visiteuses de Giverny.
A quoi tient le bonheur d’être à l’étranger ? A cette façon de transformer les choses les plus ordinaires. C’est une baguette magique qui change la couleur des boîtes aux lettres, la forme des façades, les noms des magasins et les habitudes alimentaires.
A Bruges, les chocolateries fleurissent à tous les coins de rue. Après en avoir compté dix, je suis entrée dans l’une d’elles pour une double gourmandise : celle des douceurs fondantes et celle, exquise, de demander : « Parlez-vous français ? »
C’est une pure formalité, les commerçants belges maîtrisent parfaitement les deux langues officielles de leur pays, il n’y pas de doute là-dessus. Mais j’adore, en le disant, me régaler du fait d’être en pays flamand, et sentir que mon interlocuteur me fait une politesse, une faveur, en s’exprimant en français.
Moi qui ai tenté avec une réussite variable d’apprendre tant de langues, qui ne me sont d’aucune utilité ici, j’aime éprouver de la reconnaissance pour cet effort d’apprentissage et de mémorisation que la boulangère, le restaurateur, le passant dans la rue ont fourni il y a longtemps. Ce lourd travail qui ne m’était pas destiné, qui avait un but imprécis et global – communiquer avec les francophones – trouve son application aujourd’hui pour me renseigner ou me servir, et je le reçois comme un cadeau.

Les côtes anglaises par temps clair

Les côtes anglaises vue depuis le cap Gris-NezTout le littoral normand est baigné par la Manche. De la vallée de la Bresle, au Nord, à celle du Couesnon qui arrose le Mont-Saint-Michel, à l’Ouest, s’étirent des centaines de kilomètres de côtes. Les plages de sable fin alternent avec les plages de galets et les falaises bordées d’un interminable sentier des douaniers.
Bien avant l’apparition de l’Homme sur la Terre, les îles britanniques étaient rattachées au continent. Il reste de ce lointain passé des similitudes géologiques qui donnent aux deux côtes un air de famille : mêmes falaises crayeuses de chaque côté du Channel, même végétation calcicole, par exemple.
Pour qui se trouve en Normandie, la comparaison reste théorique, car il faut plusieurs heures de navigation depuis Cherbourg, Ouistreham, Le Havre ou Dieppe pour traverser le bras de mer et juger de la ressemblance. De nulle part depuis les côtes normandes, quel que soit le temps, on n’aperçoit la Grande-Bretagne, mais on sait qu’elle est derrière l’horizon. Autrefois, elle a fait l’effet d’un territoire à conquérir, ou d’une menace, ou d’un refuge, selon les époques. C’est une présence que l’on devine sans la voir.
Tout change quand on remonte vers le Nord et qu’on approche de Calais. Les deux côtes se rapprochent de façon spectaculaire, au point de laisser entre elles un couloir de 28 kilomètres seulement. Le cap Gris-Nez est le point le plus avancé du littoral français. Il forme un promontoire d’où la vue porte jusqu’à Folkestone. Par temps clair, les falaises anglaises s’élèvent au-dessus de l’horizon, ruisselantes de soleil, proches à les toucher.
N’était le vent, on resterait longtemps à regarder les bateaux qui se succèdent, tous à la queue leu leu. Cinq cents navires par jour font de ce chenal le passage maritime le plus fréquenté du monde.
N’était la pluie récente, on s’assiérait bien dans l’herbe rase, les yeux fixés de l’autre côté de la mer, à rêver de cet ailleurs so british. Et peut-être qu’au même instant, il y aurait quelqu’un d’autre, là-bas, en train de scruter à l’horizon les limites du continent européen, en rêvant de France et de voyage.

Mur en trompe-l’oeil

Panorama de la vallée de la Seine sur un mur en trompe-l'oeil à VétheuilOù s’arrête la réalité ? Où commence l’illusion ? A Vétheuil un trompe-l’oeil représentant un vaste panorama anime la place du village devant la mairie. C’est la vue sur la vallée de la Seine que l’on aurait en montant au sommet de la colline.
On aperçoit, dans l’ombre, l’église du village. Dans le ciel peint, un planeur rappelle que l’aérodrome de Chérence est tout près, et que les adeptes de vol à voile viennent profiter des courants ascendants créés par les falaises.
La mise en place du dessin a été si habilement faite, en tirant parti au mieux des bâtiments, qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux. Les mots Alimentation Générale sont hors de la fresque, mais le toit de la boutique est peint, on peut le vérifier en regardant le bord de la façade, parfaitement lisse, à gauche. Peint aussi, le petit chat sur le toit qui s’amuse à faire s’envoler un pigeon.
L’image réduite ne permet pas de rendre tous les détails, mais la fresque en fourmille, et pour une fois, on peut s’approcher tout près : elle descend à hauteur des yeux.
Sur la droite, au premier plan, l’artiste a imaginé une terrasse de café. Tous les peintres qui ont habité le village y sont représentés. Claude Monet figure en bonne place. Il est reconnaissable à sa longue barbe qui n’était pas encore blanche du temps où il vivait à Vétheuil, à la fin des années 1870.

Plaque émaillée

Plaque émaillée de maisonVoilà qui sent l’authentique : la police de caractères signe la Belle Epoque, de même que les côtés chantournés. L’usure aux coins, l’aspect bombé de cette plaque émaillée confirment qu’elle arrive tout droit d’il y a un siècle.

Le dessin, très délicat, illustre précisément le texte, il représente une branche de tilleul en fleurs où volètent des papillons.
La plaque a-t-elle été faite à la demande, ou ce modèle était-il courant à l’époque ? Le nom de la maison, en tout cas, n’est pas usurpé, puisqu’on aperçoit les tilleuls en question depuis le portail.
Ils étaient sans doute déjà là quand les propriétaires ont cherché un nom pour leur demeure, à moins que ce ne soient eux qui les aient plantés.
L’oeil jongle de l’écrit au dessin, du dessin au motif, comme dans une muséographie in situ. Il y a dans la concordance entre les trois – concordance de sujet et concordance temporelle – quelque chose de satisfaisant pour l’esprit : une cohérence qui se retrouve rarement dans les noms de maison plus contemporains.

Monet et Proust

Le Printemps, Claude Monet, 1886, Fitzwilliam Museum, Cambridge, Royaume-UniOn aurait aimé qu’ils se soient rencontrés, ces deux géants-là. Mais il semble bien que non. La vie de Claude Monet et celle de Marcel Proust sont somme toute bien documentées, et même s’il est toujours possible d’imaginer une entrevue fortuite qui aurait échappé au passage à la postérité, elle reste improbable.
Je n’ai pas trouvé trace, non plus, que Monet ait lu Proust. L’auteur d’ A la Recherche du temps perdu devient célèbre en 1919 avec l’attribution du prix Goncourt pour A l’ombre des Jeunes filles en fleurs. A cette date, la vue de Monet est fortement diminuée par la cataracte. Pouvait-il encore lire ? Se faisait-il lire des livres ?
On sait en revanche que Proust admirait beaucoup les Monet qu’il a pu voir, notamment « Champ de Tulipes près de Harlem ». Le personnage du peintre Elstir, qui apparaît dans la Recherche, a sans doute quelque chose de Monet, même si on peut y lire une anagramme de Whistler.

La rencontre n’a pas eu lieu, et pourtant que de convergences dans les oeuvres de Marcel Proust et Claude Monet… Une étude de Michael Magner (membre de la Marcel Proust Gesellschaft, association des amis de Proust de langue allemande) souligne ces points communs.
Le plus évident est territorial, c’est ce balancement entre Paris et la Normandie, l’attraction pour les côtes de la Manche aussi bien chez Proust que chez Monet, et qui s’exprime dans leurs visions de la Gare Saint-Lazare, point de départ parisien des trains pour la Normandie.
L’évocation de la nature chez Proust présente plus d’un parallèle avec l’oeuvre de Monet : longues descriptions de nénuphars flottant sur l’eau, de lilas en fleur, d’orchidées, de falaises… On pourrait multiplier les exemples.
Au-delà de ces aspects quasi matériels, Magner note des affinités plus profondes. Avec son regard aigu, son infinie analyse de tout ce qui se présente à sa pensée, Proust décrit en mots des phénomènes que Monet exprime en peinture. L’aspect impressionniste du style de Proust a frappé ses lecteurs depuis longtemps – il existe dès 1930 des études sur ce sujet.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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