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Monet et les caricatures

Caricature d'un homme à la tabatière, par Claude Oscar Monet vers 1858, fusain et craie blanche, Sterling and Francine Clark Institute, Williamstown, MassachusettsCaricature d’un homme à la tabatière, par Claude Oscar Monet vers 1858, fusain et craie blanche, Sterling and Francine Clark Institute, Williamstown, Massachusetts

Claude Monet s’est beaucoup vanté d’avoir commencé sa carrière en tant que caricaturiste. Il est vrai que les premiers dessins qu’il ait vendus sont des portraits-charges.
La caricature connaît une véritable vogue au 19e siècle. Les journaux de tous bords sont friands d’illustrations, et certains dessinateurs humoristiques comme Honoré Daumier parviennent à se faire un nom dans ce domaine. Le jeune Monet a certainement vu beaucoup de caricatures dans les journaux qu’on lisait chez lui, le Figaro, le Gaulois et le Journal amusant. Il s’est amusé à en copier certaines.
Qu’il ait eu envie de s’essayer à son tour à ce genre n’a rien d’étonnant. D’autres peintres de sa génération en ont fait autant. Cela est attesté pour plusieurs de ses amis, Courbet et Pissarro notamment.
Selon ses dires, Claude Monet s’ennuyait ferme en classe, il a donc commencé par des dessins peu flatteurs de ses professeurs qui ont eu un succès certain auprès de ses camarades.

« J’enguirlandais la marge de mes livres, je décorais le papier bleu de mes cahiers d’ornements ultra-fantaisistes, et j’y représentais, de la façon la plus irrévérencieuse, en les déformant le plus possible, la face ou le profil de mes maîtres. Je devins vite à ce jeu d’une belle force. A quinze ans, j’étais connu de tout le Havre comme caricaturiste. » Thiébault-Sisson, le Temps, 26.11.1900

De fil en aiguille, il se met à caricaturer des notables du Havre et à vendre ces portraits, d’abord 10 puis 20 francs, une somme qui lui paraît considérable. Sa petite affaire marche si bien qu’il réussit à économiser 2000 francs, ce qui laisse supposer une production conséquente.
Les caricatures de Monet sont en vente, encadrées, dans la boutique du papetier Gravier où elles voisinent avec les huiles d’Eugène Boudin. C’est dans cette boutique que les deux peintres finissent par se rencontrer, une rencontre décisive pour Monet. Car Boudin va l’inciter à peindre, en plein air, des paysages, tels que son oeil les voit.

Les caricatures ont permis à Monet de se constituer un pécule, mais elles lui ont coûté la bourse municipale. La ville du Havre octroyait 1200 francs annuels à un artiste pour aller étudier à Paris. Boudin avait justement profité quelques années plus tôt de cette largesse. Mais quand papa Monet la sollicite pour Claude, il s’attire une réponse mielleuse du conseil municipal :

Monnet (Oscar) (…) présente avec sa demande un tableau de nature morte qui ferait mal juger de son talent s’il n’était pas si complètement révélé par ces spirituelles esquisses que nous connaissons tous. Dans la voie où l’ont entraîné jusqu’ici de remarquables dispositions naturelles, dans la caricature puisqu’il faut l’appeler par son nom, Oscar Monnet a déjà trouvé la popularité si lente à venir aux oeuvres sérieuses. Mais n’y a-t-il pas dans ces précoces succès, dans la direction jusqu’ici donnée à ce crayon si facile, un danger, celui de tenir le jeune artiste en dehors des études plus sérieuses mais plus ingrates qui seules ont droit aux libéralités municipales ? L’avenir nous répondra. » (Archives municipales du Havre).

L’avenir a répondu. En octroyant la bourse au sculpteur Aimable-Edmond Peau et à l’architecte Anthime-Marin Delarocque, les édiles du Havre n’ont pas misé sur le bon cheval.


16 commentaires

  1. L’auteur est Claude Monet, je croyais que c’était clair. La caricature ci-contre n’a pas été publiée dans une revue du temps de Monet.

  2. Bonjour

    je trouve pas de info aprofondie sur les peintre visiteur de lepoque?esque vous ou par vous cannaiscane en fait.

    je parcourus de millier de cite web et livre esque vous connesier .

    merci pour tout info complementaire.

    Arnaud Gottgens

    0648918904

  3. Bonjour Ariane,
    Savez-vous s’il existe un ou des carnets de dessin du petit Oscar, donc avant ses quinze ans, avant le décès de sa mère ?
    Si oui, sont-ils consultables ?
    Connaitriez-vous un texte manuscrit d’Oscar période 1852-1855 ?
    Merci de votre réponse.
    Henri

    • Henri, en effet, des carnets ont été conservés, certains vendus feuille par feuille par Michel. J’en ai parlé brièvement ici :
      http://givernews.com/2007/04/15/les-carnets-de-croquis-du-jeune-monet/
      Pour des informations scientifiques détaillées, je vous renvoie vers le catalogue « The Unknown Monet – Pastels and Drawings » par Ganz Kendall Editions The Clark / Yale. On le trouve en ligne à un prix très raisonnable. C’est un très beau livre qui contient des informations qu’on ne trouve pas ailleurs sur la jeunesse de Monet, et à ma connaissance la somme la plus complète sur les dessins de jeunesse.
      Je ne connais aucun texte manuscrit de Monet adolescent.
      Bonnes recherches.

  4. Quelques détails sur Edmond Peau, qui était mon arrière arrière arrière grand-oncle. Après avoir « grillé la politesse » à Monet, il poursuivit ses études d’art à Paris, exposa au Salon de 1865 et voulut concourir pour le Prix de Rome. Malheureusement, il avait participé à la guerre de 1870 ce qui ruina sa santé et il décéda prématurément en 1877 à l’âge de 35 ans, sans avoir pu concrétiser ce dernier projet. Une partie de sa production figurait encore au catalogue du musée du Havre (sa ville natale) en 1887. Ses œuvres restées au Havre disparurent sans doute dans les bombardements de 1944, y compris la copie d’un des Esclaves de Michel-Ange, qui ornait le salon de mes grands-parents.

    • François, merci pour ce partage et ces précisions. Quelle triste histoire ! Personne ne devrait disparaître sans avoir pu mener à bien ses rêves, encore moins pour cause de guerre. Et cet anéantissement final des oeuvres dû aux bombardements ! J’espère que vos grands-parents s’en sont sortis vivants.

      • Merci pour votre aimable réponse. Fort heureusement, mes grands-parents et leurs enfants, dont mon père ado à l’époque, échappèrent au pire. Ils ne purent cependant rien récupérer de leur domicile, écrasé par les bombes et incendié. La guerre…
        La décision de ne pas verser de bourse à Monet resta un peu comme un petit caillou dans la chaussure des autorités havraises. Lors de la célébration en 1933 du centenaire de la société savante locale, la Société Havraise d’Etudes Diverses, le sujet fut brièvement abordé. Le compte-rendu considère que la famille Monet était suffisamment riche pour financer les débuts de Claude (discutable ?) mais regrette que l’occasion ait été perdue par la Ville du Havre (je cite) « de collaborer officiellement à l’éclosion d’un grand génie ». Monet ne fut pas rancunier, puisque son célébrissime Impression, soleil levant est une vue du port du Havre !

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Ariane.

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