En matière de cabane, à chacun ses ambitions. Il y a ceux qui ne la conçoivent que perchée en haut d’un arbre avec terrasse panoramique et hamac intégré, et ceux pour qui quelques branches de bois mort assemblées en dix minutes suffisent. Si les premières font rêver, les secondes ont le parfum et la fragilité de l’enfance.
Je furetais à la recherche des fleurs de printemps dans la forêt de la Roche-Guyon, à l’ouest de Paris, quand je suis tombée nez à nez avec celle-ci.
Depuis combien de temps est-elle là ? Ses bâtisseurs reviendront-ils la voir et la perfectionner ? La retrouveront-ils intacte ?
Il en va des cabanes comme des châteaux de sable : elles disparaissent inéluctablement, on ne sait pas trop comment. Le temps qu’elles durent, elles concrétisent les instants pleins d’entrain qui leur ont donné naissance.
La présence d’un ou plusieurs enfants est indispensable à la réalisation d’une cabane de branchages. Sans eux, la magie du jeu n’opère pas. Mais s’ils sont là, il suffit de lancer « et si on faisait une cabane ? » pour voir des étoiles s’allumer dans leurs yeux.
On choisit d’abord l’emplacement. Un arbre qu’on va entourer, ou une vieille cépée, ces rejets de bois qui repoussent à partir de la souche d’un arbre coupé. Dans ce cas il ne reste plus qu’à combler les vides entre les troncs.
Les matériaux sont partout, à profusion. Il n’y a qu’à se baisser pour trouver des branches tombées. Vous rappelez-vous ? S’il a plu elles sentent le champignon, elles abritent des bêtes, c’est un peu dégoûtant. On regrette de ne pas avoir de gants mais on ramasse quand même, on tire les plus longues, regardez ce que j’ai trouvé ! Manque de chance, ce sont les plus enquiquinantes à placer, elles dépassent de partout. Les trop petites ne servent à rien, il en faut de la bonne longueur.
Chacun y met beaucoup d’ardeur, et puis tout à coup ça y est, tous les murs sont construits, on peut s’arrêter. L’instant est solennel : on entre dedans.
Il n’y a que les plus petits qui tiennent debout, qui ont une relative impression d’espace. Pour tous les autres, c’est minuscule. On s’accroupit. On savoure.
Tout autour, les branches placées les unes à côté des autres forment une claire-voie. Elles marquent la limite du dedans et du dehors. Il ne faudrait pas qu’il pleuve, ni qu’il gèle, ni qu’une bête sauvage s’approche. La protection est illusoire, tout au plus un camouflage. On s’est fabriqué une cachette au fond des bois. On s’y trouve bien tant que le soleil brille.
Peu à peu l’excitation donnée par le projet s’estompe. L’inconfort d’être assis sur la terre battue l’emporte. On ressort. On rajoute une branche ici ou là, à court d’idée.
On se prend en photo devant, tout fier. C’est fini. Il est temps de rentrer.
Pour ajouter à la petite histoire, l’Alice en question s’appelait Cabano, et devant s’occuper de drôles de garnements, je l’aurais bien vu proposer ce jeu de construction, que pour ma part j’ai pratiqué en arbre, en dur (grenier), en paille, en pré aussi avec des bûches de vieux pommiers pour des batailles de pommes à cidres où l’oeil au beurre noir n’était jamais loin… Mais la langue italienne est la pire des fausses amies: cabane se dit capanna là-bas.