Quelquefois l’argot des cours de récréation a le génie de déterrer un mot oublié venu du fond des siècles, pour le propulser sans crier gare dans le 21ème. Comme les Visiteurs, le mot se sent tout bizarre dans sa nouvelle époque.
Il y a la maille, l’argent, qui était resté figée dans l’expression maille à partir, et qui a retrouvé une nouvelle jeunesse récemment, tous rhumatismes envolés, bondissant de bouche en bouche avec vivacité. C’est aussi le cas du mot bouffon.
Ce n’est pas qu’on avait oublié ce que ce mot voulait dire, mais ce qu’il désignait n’existe plus. Et le voilà qui revient tout fringant en épithète peu amène.
Pourquoi pas troubadour ou trouvère ? C’était quelqu’un de bien, le bouffon. A Louviers, on se souvient du bouffon du roi Henri IV. Il habitait ici, dans cette maison qui est aujourd’hui l’Office de tourisme. Une belle maison cossue, n’est-ce pas ?
Il s’appelait Guillaume Marchand, ou Lemarchand. Maître Guillaume, s’il vous plaît. L’homme était respecté : il était apothicaire. Pharmacien, pour parler moderne.
Amis pharmaciens qui me lisez, aviez-vous songé à cette reconversion ? Quitter votre officine pour suivre pas à pas un des grands de ce monde et tenter de l’égayer par vos traits d’esprit ?
Maître Guillaume a eu cette étonnante façon de rebondir. L’armée d’Henri IV a pris la ville de Louviers, a capturé l’apothicaire, mais ses bons mots ont su dérider le roi, qui en a fait son bouffon. Pardon : son Bouffon. Et sa maison a pris le nom de Maison du Fou du Roy. Elle vient d’être repeinte dans des couleurs qui n’inspirent pas la mélancolie.
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