Les coïncidences n’affectent pas que les humains. Elles peuvent s’inviter dans le destin de localités discrètes. Voyez Cocherel, par exemple.
Ce modeste village de la vallée d’Eure était voué à couler des jours paisibles au bord de sa rivière. Or à plusieurs reprises des évènements importants l’ont fait entrer dans l’Histoire.
Je vous ai déjà parlé de cette première découverte fortuite d’une tombe préhistorique, la plus ancienne trace des réactions de nos ancêtres face aux restes d’un peuplement datant du fond des âges. Cela se passait en 1685. Revenons un peu plus tôt, très exactement le XVI mai MCCCLXIV.
Le 16 mai 1364, si vous préférez, Cocherel est le théâtre d’une bataille sans précédent.
Une stèle placée sur le bord de la route rappelle l’évènement, sept bons siècles plus tard. C’était du temps où les Anglais, et avec eux pas mal de nobles de notre pays, faisaient la guerre au roi de France. Par chance pour ce dernier, il avait à la tête de son armée un capitaine aussi rusé que vaillant : Bertrand du Guesclin.
Donc, ce matin là, l’armée commandée par du Guesclin campe au bord de l’Eure à Cocherel. Devant eux le fond plat de la vallée, et au loin les collines qui en marquent le bord. C’est là que les troupes anglaises les attendent, en bonne position au-dessus de la vallée.
Pas question d’attaquer dans ces conditions, ce serait du suicide. Du Guesclin a alors une idée. Il demande à son armée de se replier. Les Anglais s’interrogent. Est-ce une ruse, ou les Français prennent-ils la fuite ? La cavalerie, bouillonnante, décide de se lancer à leur poursuite. Les chevaux encaparaçonnés portant les chevaliers en armures dévalent la colline. Pour se trouver nez-à-nez avec les troupes de du Guesclin, qui bien entendu ont fait demi-tour.
Le combat fait rage pendant des heures. Les pertes sont lourdes dans chaque camp, mais Bertrand du Guesclin avait demandé à deux cents cavaliers bretons de se tenir à l’écart. Il fait entrer ces forces fraîches dans la bataille en fin de journée, et c’est la déroute dans l’armée anglaise dont le chef est fait prisonnier.
Cette victoire décisive marque un tournant dans la guerre de Cent ans, elle permet au jeune roi Charles V tout juste sacré à Reims de partir à la reconquête de son royaume.
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La ville de Dinan, dans les Côtes d’Armor comporte une Place du Guesclin et une rue Cocherel, en
souvenir de son héros.
Compliments pour votre site. Bon article sur Cocherel et bonne évocation. Une remarque toutefois : "encarapaçonnés" est peut-être une licence poétique et humoristique, mais peut induire en erreur. D’abord, c’est un néologisme. Ensuite, il ne faut pas laisser confondre carapace (nom féminin) et caparaçon (nom masculin, cousin de "cape"), même si les deux mots viennent de l’espagnol. Le second a été utilisé pour des habillages plus ou moins protecteurs de chevaux de guerre ou de joute, mais le terme n’est attesté en Français qu’à partir de la fin du XVe siècle (anachronisme pour Cocherel). Cela dit, il est juste d’évoquer le fait que beaucoup des chevaux utilisés à Cocherel devaient "porter harnois", être "bardés de fer", cette extension des protections par armure aux chevaux ayant commencé dès le XIIIe siècle. Les modèles tardifs (fin XVe et début XVIe), très développés, peuvent certes faire penser à une "carapace", mais il faudrait alors bâtir une figure de style autour de ce terme pour les décrire.
Merci pour vos précisions très érudites.
L’adversaire n’est pas uniquement Anglais; Les Navarrais menés par Charles le Mauvais roi de Navarre qui a des possessions en Normandie sont les alliés des Anglais. Duguesclin se bat donc contre les Anglo Navarrais.
C’est vrai. J’ai tendance à simplifier, surtout si c’est pour raconter la défaite des Ebroïciens !